Mais pourquoi les Etats européens empêchent-ils le changement chez nous ?
Le problème avec les Etats occidentaux, c'est qu'ils ne veulent pas qu'on leur ressemble, mais qu'on les suive aveuglément, direction : le chaos.
Il y a quelques années, plus précisément en 2015, le gouvernement prometteur de la gauche radicale d'Alexis Tsipras en Grèce, arrivé par accident au pouvoir, se trouve obligé de négocier avec l'union européenne le rééchelonnement des dettes du pays, pour espérer un plan de sauvetage financier de la part de la zone euro. Mais au terme des négociations, le ministre des finances grec Yanis Varoufakis qui a fini d'ailleurs par jeter l'éponge, déclare à Paris-Match : "leur seul but (c'est-à-dire des leaders européens), c'est de nous humilier. Ils veulent nous mettre plus bas que terre !" Cela dit, les pouvoirs en Occident, érigés en conscience morale du monde après la fin de la seconde guerre mondiale, ne sont là que pour faire noyer les pays faibles qui essaient d'émerger leurs têtes de l'eau. Autrement dit, ils donnent en sous-main un coup de pouce aux dictatures qu'ils critiquent pourtant publiquement. La méthode choisie : c'est l'humiliation et la coercition à l'égard de ces dictateurs-là : "si vous bougez ou sortez des rails, leur disent-ils, on coupe les vannes et en une semaine, vous aurez toute la population dans la rue, en train de demander, non la démocratie, mais le pain !"
Ce qui est contradictoire dans cette histoire, c'est que ces Etats-occidentaux s'inquiètent après coup, des retombées des politiques qu'ils ont pourtant cautionnées et soutenues. Car, dictature signifie : pas de liberté, pas de débat, pas de pain, pas de boulot, pas d'oxygène, et par ricochet, la fuite clandestinement de milliers de jeunes en Europe. On se retrouve, enfin, dans un dilemme : on veut la démocratie chez nous, pour bien organiser les choses et gérer nos affaires convenablement afin que nos enfants ne soient pas obligés d'aller en harraga en Europe. Dans notre logique, cela nous évitera l'humiliation d'être traités comme du bétail aussi bien par nos gouvernants corrompus que par ces Etats européens à la fois hypocrites et orgueilleux. Mais les Européens ne veulent pas cette démocratie-là chez nous, car s'il y en a une, ils perdront tous leurs intérêts avec les pouvoirs totalitaires en place. Ironie du sort, on se rend compte que l'avènement de la démocratie chez nous dépend à 100% du bon vouloir des Européens. Car, quoi qu'on fasse, on a devant nous un arsenal de répression énorme déployé par nos régimes et soutenus discrètement par les Européens. Et si nous essaierons de renverser la situation avec la force, les Européens trouveront un prétexte ou un autre pour intervenir à l'intérieur de nos frontières : soit la défense des droits de l'homme, l'exigence de respect des droits des minorités (culturelles, religieuses, confessionnelles, identitaires), la lutte contre la montée des islamistes qui constitue une menace pour la stabilité régionale, soit pour des motifs humanitaires urgents tels que la gestion de la question des réfugiés. Tous ces facteurs nous poussent à dire que le changement en Algérie ou ailleurs dans l'espace Sud n'est pas seulement lié à la bonne volonté des élites gouvernantes, mais aussi aux centres réels du pouvoir en Europe et Occident en général. Bref, le changement est une question de temps. C'est un processus long qui devrait être mûri par l'apport des élites éclairées et courageuses.
Kamal Guerroua.
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