Mais qu’y a-t-il au creux de la vague ?
Quand on a du vague à l'âme …

Moi qui n'ai de cesse de fréquenter le creux de la vague, sur la toile ou bien en de multiples endroits, je suis un observateur attentif de cette zone de turbulence où séjournent tant de gens et de choses. Me refusant à rester sur l'écume des mots et des apparences, je vous entraîne dans un plongeon au cœur de nos désordres internes. Mettez vos combinaisons de survie et suivez-moi.
Au creux de la vague, il y a tous ceux qu'on a jetés par dessus bord. Les laissés pour compte, les exclus de la croisière, les devenus inutiles. Trop vieux, trop jeunes, trop colorés, trop différents, trop diplômés, trop peu expérimentés. Ils sont ballottés de vague en vague pour échouer sur la grève faute de l'avoir faite quand il était encore temps.
Vague de licenciements, vague de départ, vague de restructuration, vague de départ volontaire. Ils prennent des paquets d'eau sur la tête, la mer fait gros dos, un grain, une tornade, un cyclone font de ces pauvres êtres abandonnés des épaves ballottés par les flots. Mais, n'ayant pas de gilet de secours, c'est au creux de la vague que s'achève leur aventure.
Vague à l'âme, déprime, morosité. La météo est à la dépression, l'esprit s'autorise plus de creux que de hauts. Quelques contrariétés ont touché l'esprit. Une grosse déception, un coup dur, une mauvaise nouvelle et c'est le gros bouillon. Le pauvre hère coule à pic, il se noie dans un verre d'eau. Quelques camisoles chimiques lui maintiennent un temps la tête hors de l'eau, apparence trompeuse, il est déjà au creux d'une vague noire et gluante.
La nouvelle vague a poussé la précédente, la suivante en a fait une vague oubliée. La modernité est un flux qui ne cesse de repousser aux calendes grecques les reflux postérieurs. La vie est désormais un rouleau compresseur, engin bien peu enclin à rester à la surface des choses. C'est la terrible réalité des lois de la physique, après avoir flotté quelques instants, la vedette finit par couler, oubliée bien vite. Bienvenue au creux d'une vague qui ne cesse de grandir !
L'avenir est à celui qui prend des risques, qui accepte de se jeter à l'eau, de se mouiller, d'oser aller au bout de ses rêves. Bien vite pourtant, la réalité a repris le dessus. La triste réalité de celui qui perd pied, qui touche le fond, qui prend le bouillon. Les rêves se brisent sur les falaises d'un monde sans pitié. Voilà encore des occupants d'un creux de la vague qui ne cesse de recevoir chaque jour de nouveaux occupants.
L'ascenseur social ne fonctionne plus. Au creux de la vague restent désormais ceux qui ont eu le malheur de naître en eaux troubles. Ils vont rester dans les bas-fonds d'une société qui ne renouvelle plus les surfeurs des belles plages, les passagers de yachts rutilants, les adeptes des jet-skis pétaradants. Les autres, regardent de loin, ils sont restés à quai. Jamais ils n'ont eu l'opportunité de poser leur serviette à côté des privilégiés de naissance.
Au creux de la vague il y a encore ceux qui ont cru aux mirages de cette cité balnéaire parfaitement imaginaire. Un phare au loin brillait, ils ont pensé qu'il leur envoyait des signaux, des appels du pied. Ils se sont mouillés, ils ont travaillé comme des fous, ils ont cru en ce discours du mérite et de la récompense avant que de découvrir que ce paradis qu'ils espéraient fiscal était bien loin de nos eaux territoriales ! Pour eux, l'enfer de la faillite est la seule issue.
Au creux de la vague nous sommes si nombreux quand au loin, de rares privilégiés ne cessent de nous narguer. Nous nous noyons sans qu'ils fassent un geste. Nulle main qui vient à notre aide, nulle perche qui se tend. Les nantis sont aveugles à ce petit peuple qui étouffe.
Pourtant, en balançant par-dessus bord celui qui accaparait les yachts des capitaines d'industrie, en mettant à sa place un président en pédalo, nous pensions pouvoir pour le moins rester entre deux eaux, profiter un peu du confort des surfeurs. Hélas, nous voilà plongés pour longtemps dans le plus profond du creux de la vague, le pays a été bradé à l'Europe sans que nous ayons pu seulement donner notre avis. Nous agitons nos bras désespérément et personne ne nous voit. Nous sommes désormais à fond de cale. Bientôt nous aurons comme nos amis grecs, des chaînes au pied. De vilaines mains libérales nous enfonceront la tête au fond de l'eau ....
Vaguement vôtre.
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