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Malgré son dynamisme démographique, la France renonce à six eurodéputés

C’est à un Français que l’ironie du sort (mais il n’y a pas de hasard) a confié la rédaction du rapport sur la nouvelle composition du Parlement européen qui devrait voir la France perdre encore 6 parlementaires sur les 78 actuels (87 précédemment...) lors du prochain renouvellement en 2009, tandis que l’Allemagne renonce à seulement 3, son énorme contingent passant de 99 à 96 parlementaires. Avec le « sauvetage » en cours de la Constitution européenne pourtant refusée par le peuple français et quelques nominations à des postes-clés, cela commence à faire beaucoup de concessions faites par Paris à Berlin dans le cadre institutionnel européen.

L’eurodéputé UMP Alain Lamassoure planche donc cette semaine à Strasbourg sur la redistribution des sièges entre les pays au Parlement européen. Il s’agit de l’un des derniers points de négociation encore en suspens avant la signature par les vingt-sept, les 18 et 19 octobre à Lisbonne, du Traité constitutionnel bis. M. Lamassoure va formuler avec son collègue socialiste roumain Adrian Severin, des propositions chiffrées par pays, qui seront ensuite votées en séance plénière juste avant le sommet européen. A l’instar de la Constitution européenne rejetée dont il reproduit mot pour mot le contenu (sauf l’apparat constitutionnel : hymne, drapeau, "lois", etc.), le "nouveau" Traité prévoira un plafond de 750 eurodéputés, chiffre très élevé selon le député UMP qui fait remarquer qu’"aucun Parlement au monde n’atteint ce niveau, pas même celui de l’Inde !". L’ancien ministre d’Edouard Balladur et d’Alain Juppé oublie sans doute de préciser que l’Inde est une nation, tandis que l’Union européenne en compte déjà 27...

Ainsi, le nombre de députés par pays ne pourra être inférieur à 6 (également pour Malte et le Luxembourg qui n’ont que 400 000 habitants chacun) ni supérieur à 96. En tenant compte de ces minima et maxima, les eurodéputés vont tenter de définir une "proportionnalité dégressive", c’est-à-dire tenant compte du poids démographique des pays pour leur attribuer des sièges.

L’Allemagne comptera 24 députés de plus que la France

Reprenant peu ou prou les chiffres du Protocole sur l’élargissement annexé au Traité de Nice, la nouvelle distribution des contingents de Parlementaires à partir de 2009 devrait profiter essentiellement à l’Allemagne avec 96 députés. Dans le même temps, celui de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni dont les populations respectives sont supérieures à 50 millions d’habitants, tombera à 72 députés.

Pourquoi les autres membres de l’Union, la France en particulier, qui a déjà cédé aux injonctions de Mme Merckel pour "sauver" l’essentiel du Traité constitutionnel rejeté par référendum en 2005, a-t-elle aussi accepté cette surreprésentation parlementaire de l’Allemagne (dès le Conseil européen d’Edimbourg en 1992, confirmée à Nice en 2001) à laquelle il faut ajouter la surévaluation de ce pays dans la nouvelle pondération des voix au Conseil, basée sur un critère démographique ?

Rappelons que l’Allemagne est pourtant engagée dans ce que les démographes appellent "un crash démographique". A ce rythme, ils tablent sur 68,5 millions d’habitants en 2050 (82,3 millions aujourd’hui)... à condition de laisser entrer 100 000 nouveaux immigrés chaque année. Au contraire de la population allemande, la population de la France (métropolitaine et Dom-Tom), estimée à 64,1 millions de personnes, est en perpétuelle augmentation. Selon l’INSEE, en valeur absolue, le nombre de naissance en France est chaque année bien plus élevé qu’en Allemagne : 807 000 contre 680 000 en 2005, 830 900 (chiffre record depuis 1981) contre 679 000 en 2006.

On voit mal, dans ces conditions, la raison pour laquelle le président et le gouvernement français, si soucieux de manifester "le retour de la France en Europe", acceptent ainsi sans broncher que l’Allemagne fasse valoir son actuelle "supériorité" démographique pour augmenter son poids politique au sein de l’Union.

Il faudra également qu’ils expliquent pourquoi la population de nos territoires d’outre-mer est bizarrement exclue de la base de calcul de la démographie française servant à la détermination du nombre de nos eurodéputés et de nos voix au Conseil.

Les engagements originels reniés

C’est l’un des engagements historiques de l’Allemagne qui est ici remis en cause. En effet, le chancelier Adenauer avait fait accepter à l’issue de la Conférence de Messine de 1955, préalable au Traité de Rome, que la République fédérale (RFA) d’alors représentait l’Allemagne toute entière, ce qui excluait toute modification dans sa représentation au sein des instances communautaires. D’autre part, avec l’abandon de l’égalité entre les "grands" Etats, c’est l’un des principes originels du processus supranational européen qui est ici abandonné. C’en est fini du supranationalisme conçu par Monnet sur "l’égalité entre membres, essentielle au maintien de la cohésion de la Communauté (...) [car] la rivalité pour une domination nationale (...) engendre guerre et éclatement" (*).

Il faut dire que depuis cinquante ans, la construction européenne a changé de nature. A la "méthode communautaire" de 1957, basée sur les principes d’égalité et de souveraineté des nations, a succédé la "méthode fédérale" qui tend à constituer au niveau européen les mécanismes de décision d’un Etat fédéral (législatif, exécutif, judiciaire).

Dans ce super Etat en gestation, il n’est visiblement plus question de "communautariser", et la tentation de la "domination nationale", contre laquelle on a prétendu justement faire l’Europe, semble de retour... Ceux qui, de bonne foi, ont cru que la paix, la prospérité et la stabilité seraient garanties par un édifice supranational, devraient bientôt comprendre qu’ils en sont pour leurs frais.

Christophe Beaudoin

* Robert Richardson Bowie, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, CRE, Lausanne, nov 1989, p. 84.


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16 réactions à cet article    


  • Philippe VIGNEAU 7 septembre 2007 13:44

    personnellement ca ne me choque pas de voir qu’il y aura moins d’eurodeputes francais : quand on voit la qualite de leurs travaux et/ou leur europhilie, je prefere que ce soit les autres qui bossent !... il n’y a qu’a voir toutes les directives europeennes qu’on n’est meme pas capable de faire appliquer (l’eau en bretagne par exemple et tous les sujets un peu ecolos ou la France traine au maximum des pieds...)... alors je dis normal qu’un pays qui mette aussi peu d’entrain soit penalise.

    encore un petit mot sur votre titre, tres content aussi de voir qu’il ne suffit pas d’avoir du dynamisme demographique pour avoir des deputes ca serait un peu trop simple... les pays qui maitrisent leur population n’ont pas a subir la pression des autres.


    • Christophe Beaudouin Christophe BEAUDOUIN 7 septembre 2007 16:11

      Oui ils sont généralement si europhiles qu’ils en oublient leur propre pays et les raisons pour lesquelles ils ont été élus. Mais ça n’est pas nouveau. Et il se trouve tout de même quelques eurodéputés français, dans tous les groupes de gauche, de droite ou eurocritique, réellement actifs. J’en profite pour préciser, par honnêteté, que les chiffres du rapport annexés à celui-ci ont été diffusés peu après l’envoi du présent article pour publication et que la proposition Lamassourre fixe à 74 députés le contingent français. Cela ne change pas le fond de mon propos ni ne préjuge de ce que retiendra en définitive le Conseil dans le traité à venir.


    • Le gros Le gros 7 septembre 2007 15:34

      Simple calcul mathémathique

      82.3/64.1=1.28 rapport des populations

      96/72=1,33 rapport des députés

      le rapport est certes légèrement favorable à l’Allemagne mais pas aussi excentrique que vous le laissez supposer dans votre présentation. pour être plus juste, il nous « faudrait » 3 députés supplémentaires.

      De plus, ces députés ne votent pas tous dans le même sens en fonction de leur nationalités mais suivant leurs sensiblités au sein de partis européens (de droite ou de gauche)

      De plus, l’allemagne est très loin de détenir à elle seule une majorité.

      Ce type de représentation basée sur la démographie est plus juste qu’une représentation qui pourrait faire intervenir le poids économique (type FMI) ce qui accenturait encore plus les différences entre pays « riches » / « pauvres » et « grands » / « petits »


      • Christophe Beaudouin Christophe BEAUDOUIN 7 septembre 2007 15:55

        Absolument. Mais je ne dis pas que c’est le rapport qui est excentrique. Je dis que la rupture du principe d’égalité entre les nations, qui était à la base de la « Communauté » des origines, contribue à faire basculer la construction européenne dans le fédéralisme. Or, c’est selon moi, une faute historique et géopolitique majeure, et en tout état de cause, la France a massivement rejeté par référendum le 29 mai 2005 le traité qui nous faisait franchir une étape supplémentaire et décisive dans cette voie.


      • Romain Baudry 7 septembre 2007 15:38

        Si l’Allemagne doit se contenter du même nombre d’eurodéputés que la France alors qu’elle a 18 millions d’habitants de plus, le principe de représentation basée sur la démographie n’a plus aucun sens. L’Allemagne n’est pas surreprésentée au Parlement européen. Si vous faites le calcul, vous verrez que la proportion entre son nombre de députés et son nombre d’habitants est virtuellement la même que pour la France.

        Les différences de dynamisme démographique n’ont pas a être prises en compte actuellement. Si la population allemande faiblit et que la population française augmente, leur nombre de députés sera réévalué, mais il est absurde de le faire par anticipation (les députés ne représentent pas des gens qui n’existent pas encore, tout de même).


        • Christophe Beaudouin Christophe BEAUDOUIN 7 septembre 2007 16:04

          Je suis d’accord avec vous. Mais c’est le critère démographique que je trouve justement discutable. Demandez à un eurodéputé Letton par exemple s’il ne se sent pas écrasé dans cet hémicycle. La composition et le rôle de ce « Parlement » dépendent en réalité de la vision que l’on a de ce que devrait être l’organisation de l’Europe. Dans une logique fédérale actuelle, ou plus généralement pyramidale, la représentation des Etats fédérés sur une base démographique et/ou économique peut se justifier et ma critique serait inappropriée. Mais c’est précisément cette Europe là dont nous ne voulons plus. Nous préférons l’Europe communautaire au sens originel, à l’Europe supranationale.


        • Romain Baudry 7 septembre 2007 19:20

          Vous avez raison : tout dépend de ce qu’on souhaite que soit l’Union Européenne. Personnellement, la perspective d’une Europe semi-fédérale ne me dérange pas mais je conçois parfaitement qu’on soit d’un avis radicalement opposé.

          Cela étant dit, renoncer au système démographique signifierait une forte diminution du poids de la France au sein de l’UE (au sein du Parlement, par exemple, notre nombre de députés passerait logiquement d’environ 1/10 à 1/27). Même dans la perspective d’une UE à l’importance réduite, je ne suis pas sûr qu’une majorité des politiciens et des électeurs français soient prêts à accepter une telle évolution.


        • Pelletier Jean Pelletier Jean 7 septembre 2007 16:37

          L’auteur,

          D’abord un grand merci pour cet article. C’est justement ce genre de papier que l’on a envie de lire : bien écrit, documenté et posant clairement une problématique. Je ne vous suis pas cependant sur votre analyse ... de toute façon quelque soit l’équilibre où l’on arrivera il sera difficile de contenter tout le monde.

          L’approche de la population n’est pas le pire critère ... tout cela se discute et c’est d’ailleurs le cas.

          Seule remarque pour ma part : 750 eurodéputé cela semble un peu trop.

          Toutefois je suis allé à une cession dans le nouvel hémicyclique, c’était très impressionnant et magique...l’idée de l’Europe prenait corps, elle était en mouvement...


          • docdory docdory 7 septembre 2007 17:22

            @ l’auteur

            Excellent article . On imagine aisément combien de députés il restera à la France si la Turquie fait partie de l’UE ( on n’était pas censé faire unréférendum pour tout nouvel adhérent ? ) . Il est vrai que Sarkozy , qui se présentait comme anti-adhésion de la Turquie , a vite fait d’oublier cette promesse depuis qu’il est élu !


            • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 14 septembre 2007 07:40

              Vous ne croyez pas un instant à la Turquie dans l’Europe, n’est-ce pas ? Moi non plus.

              http://nouvellesociete.org/714b.html

              Pierre JC Allard


            • Bulgroz 7 septembre 2007 18:58

              Intéressante étude à consulter : « audit de l’influence française au sein du Parlement européen : Comparaison des Représentations allemande, française et britannique au sein du Parlement européen et de ses groupes politiques. »

              http://www.robert-schuman.org/supplement/questions_europe44.htm

              Sur ce même lien, voir aussi le paragraphe relatif à “l’assiduité des eurodéputés français d’où il ressort que 2 eurodéputés français figurent parmi les 5 plus mauvais élèves : Philippe de Villiers-IND/DEM (54,26 %) et Paul Vergès-GUE (46,07 %).”

              Concernant l’assuidité moyenne de l’ensemble des groupes d’éurodéputés, la France est au 23ième rang sur 25.

              Ce n’est pas tant le nombre donc qui compte mais leur participation aux différentes instances et leur productivité.


              • Christophe Beaudouin Christophe BEAUDOUIN 10 septembre 2007 10:28

                Je suis d’accord avec vous sur un point : ce n’est pas forcément le nombre qui fait l’efficacité. Après, il y a une question de principe et c’est celle-ci que je discute dans mon article. S’agissant de la « productivité » d’un député, elle est difficile à cerner avec des critères incontestables. Surtout celle d’un député européen, qui n’a ni pouvoir de proposition ni grand pouvoir de contrôle parlementaire ! Aussi, sachez que pour le « motiver », son indemnité est en réalité basée sur un système de pointage à l’entrée des salles de réunion et de l’hémicycle. Certains gagnent même de l’argent sur les seuls voyages qu’ils effectuent vers/de Strasbourg et Bruxelles... Je ne suis pas sûr qu’un tel député, forcément « productif » au sens des critères du palmarès dont vous parlez, serve mieux le débat public européen que celui qui, au même moment, parcourt toute la France pour expliquer les enjeux, selon lui, de la constitutionnalisation de l’Union européenne. A moins que vous ne considériez que ceux qui ne sont pas favorables au processus supranational actuel devraient être aussi interdits de parole ?


              • faxtronic faxtronic 10 septembre 2007 13:58

                1 europeen = 1 voix. Voila tout. Pour l’instant cela n’est pas, c’est plutot le melange avec le principe 1 pays = 1 voix, porte ouverte a tous les nationalismes, comme ces cons de flamand (ps : je suis de flandre)


                • caramico 10 septembre 2007 18:01

                  Solution :

                  On divise la France en 22 régions, et 6 députés pour chacune !


                  • non666 non666 11 septembre 2007 11:20

                    « proportionnalité dégressive »,

                    Le texte disait : « representation degressivement proportionnelle »

                    En clair l’UE organise la surpresentativité des micros-etats et tente de flignuer ceux qui par leur histoire et leur masse sont des blocs constitués.

                    Un luxembourgeois vaut 14 français ou 20 allemands au parlement, 50 a la commission et 200 au conseil... C’est pire pour un maltais.

                    En 1789 nous avons egoger les nobles et les pretres car ceux qui ne represntaient que 10 % des ames « pesaient » 66% des voix aux etats generaux. Aujourd’hui les refugiés fiscaux du luxembourg ne nous disent plus « je suis noble » mais « j’ai un passeport luxembourgeois ».

                    Mais le fond du probleme reste le meme : les paradis fiscaux, les etats-holdings sont surrepresentés par rapport aux etats-plèbes, aux etats-usines.

                    Comme le but du jeu n’est pas de creer l’Europe mais de nous habituer a un pouvoir qui echappe a notre controle pour preparer la mondialisation, ce n’est pas grave...


                    • Utaupix 14 septembre 2007 23:41

                      Il suffit au moment des municipales de voter en fonction d’individus qui voteront dans 5 ans pour une force nationale et non pour une force servile. Il suffit de se souvenir, au moment opportun, « du vase de Soissons » !

                      Monsieur Sarkozy depuis qu’il s’est vu offrir des vacances américaines à oublier des promesses de campagne en faveur de celles d’une politique hégémonique américaine.

                      Ce n’est pas innocemment que la Constitution se verra modifiée. Mr Sarkozy veut interdire le référendum aux français sur la Turquie. Il sait que le Parlement ne lui donnera pas la majorité pour le vote. Il faudra encore semer de la discorde pour y arriver !

                      Quels cadeaux se verra t-il offrir pour cette traitrise au peuple de France ?

                      Le réveil risque d’être difficile, ou encore la chute fort pénible. Mais pour qui ?

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