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Accueil du site > Tribune Libre > Manon Lescaut, roman d’amour, histoire d’argent...

Manon Lescaut, roman d’amour, histoire d’argent...

Inséré dans un long roman fleuve à tiroirs intitulé « Les mémoires d’un homme de qualité », le petit ouvrage «  Manon Lescaut » connut en son temps un succès de scandale.

L’abbé Prévost qui écrivit ce roman mena lui-même vie désordonnée et endiablée.. Il ne faut donc pas s’étonner de le voir aborder un sujet audacieux en ce 18ème siècle commençant : Prévost raconte les amours improbables d’une fille des rues, roturière d’origine modeste et d’un jeune noble issu d’une grande famille.

Cette jeune fille, c’est Manon, femme à la fois innocente et fatale : elle subjugue tous ceux qui la rencontrent, elle est belle, jeune, d’une beauté idéale qui ne se décrit pas. Dès que le jeune chevalier Des Grieux la voit, il tombe sous le charme et désormais sa vie totalement dévouée à Manon va prendre un autre sens, une autre direction.

Lui, l’étudiant modèle qui se destinait à l’ordre de Malte, donc à l’état ecclésiastique ne peut s’empêcher de suivre son penchant amoureux. On perçoit d’ailleurs là une sorte de reflet de Prévost lui-même, cet abbé qui n’a pas hésité à mener lui- même une vie de plaisir et de scandales.

Dès lors, Manon entraîne Des Grieux dans un tourbillon d’aventures. Les deux amants vivent ensemble, s’aiment passionnément mais Des grieux ayant rompu avec sa famille, le couple est aux abois, manque d’argent : Manon jeune fille légère et dispendieuse aime les distractions, la fête, les plaisirs du grand monde. Pour subvenir aux besoins du couple, elle décide de prendre un amant, un riche fermier général qu’elle voit en secret… On assiste à la première trahison de Manon… D’autres suivront bien sûr car Manon aime le luxe, la vie facile...

Des Grieux se trouve alors entraîné par Manon sur la mauvaise pente : il condamne les penchants de Manon mais l’amour est plus fort que tout. Des Grieux se laisse aller vers une certaine déchéance morale : il accepte de tricher pour Manon, il entre dans un cercle de joueurs, devient lui même un joueur professionnel pour satisfaire les désirs de la belle Manon. Plus tard, alors que Manon est incarcérée dans la prison de la Salpêtrière, Des Grieux organise son évasion et il en vient même à une déchéance suprême, il tue un des gardiens de la prison.

Finalement les deux amants sont poursuivis, arrêtés de nouveau, Manon est condamnée comme une vulgaire prostituée à la déportation en Louisiane, province nouvellement conquise par Louis XIV et qu’il fallait peupler.

L’amant fidèle suit Manon dans cet exil.

Dès lors de nombreuses péripéties conduisent les deux personnages à fuir dans un désert la vengeance d’un rival de Des grieux…

Le style de Prévost très classique nous conduit dans un univers tragique et passionné, les réalités de l’époque sont bien présentes mais avec un art de la litote, de la réserve dans l’expression.. Même quand il décrit le convoi de filles de joie déportées en Amérique, Prévost ne sombre pas dans la vulgarité : on voit seulement quelques détails réalistes : les chaînes qui entravent les jeunes femmes, les vêtements en haillons de Manon…

Ce roman, on le voit, nous décrit une passion exclusive, un amour sans bornes, un amour qui conduit au pire… mais un amour qui transcende aussi les êtres, qui les rend attirants, sympathiques malgré leurs défauts.

Sans cesse Manon et Des Grieux attirent les regards : l’amour les sublime.

L’argent aussi est un thème essentiel de ce roman : les deux héros souffrent d’un manque cruel d’argent et tous les moyens sont bons pour s’en procurer. Les deux amants sont eux-mêmes victimes de vols de la part de domestiques... Prévost nous montre une société où l’argent devient le moteur essentiel, la naissance du capitalisme en quelque sorte.

L’époque évoquée dans ce roman, la régence voit la création du papier monnaie, de la banque, de la spéculation… De nombreuses maisons de jeux s’ouvrent à Paris : on y file la carte, on y joue au Pharaon (célèbre jeu de cartes de l’époque). Le peintre Antoine Watteau dans ses toiles dépeint bien l’atmosphère galante de cette époque mettant en scène des couples de la haute société en grande tenue dans un cadre somptueux ou champêtre…

Manon Lescaut un roman d’amour, une histoire d’argent ? Les deux sans doute et, en ce sens, l’œuvre de Prévost rejoint l’essence de l’homme moderne dominé par ses passions que sont l’amour, le sexe, l’argent. ..

Manon Lescaut œuvre morale ou immorale ? Les deux encore : Prévost nous montre les ravages de la passion tout en nous en faisant percevoir les délices…

Cette œuvre du 18 ème siècle est pleine de modernité, Prévost évoque là des thèmes éternels et d’actualité. Manon Lescaut est sans nul doute un roman à découvrir ou à redécouvrir…

Documents joints à cet article

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20 réactions à cet article    


  • Georges Yang 29 septembre 2012 09:31

    Vous avez remarquablement cerné Manon, véritable amoureuse, incapable de se passer d’argent

    Manon est une opportuniste qui aime Des Grieux, mais qui est prète à tout pour vivre dans le luxe

    Manon n’est pas immorale, elle est plutôt amorale, l’amour est indissociable de l’argent

    Ce raisonnement n’est pas faux, pourquoi une belle femme resterait avec un type sans un rond ?

    Des Grieux, devient maqureaux sans s’en apercevoir, mais pas le proxo violent albanais qui cogne, plutôt une sorte de Julot-casse-croute du 18° siècle ayant perdu tout sens de l’honneur par amour

    Cela aurait pu être une tragédie cornélienne, c’est en fait un roman moderne détaché de la morale chrétienne bien qu’écrit par un abbé


    • rosemar rosemar 29 septembre 2012 12:48

      Bonjour Georges 


      merci de ce message :apparemment vous connaissez bien ce roman ,je ne sais pas si cette oeuvre est vraiment détachée de la morale chrétienne :en fait ,le message est très ambigu et sans doute ,l’abbé Prévost a t’il voulu échapper à la censure ,si présente à son époque ...La fin du roman que je ne dévoilerai pas va dans le sens de cette ambiguité ...

      BON WE 

      et bonnes lectures à tous...

    • Georges Yang 29 septembre 2012 13:56

      On pense à Justine ou les infortunes de la vertu de Sade, mais Prévost écrit mieux que le Marquis qui lui aussi sort des poncifs moraux pour échapper la censure

      Voir aussi le Manon de Gainsbourg

      Manon est moderne dans le sens où elle cherche la satisfaction immédiate, rien ne l’arrête et quand elle trompe Des Grieux cela lui semble justifié car elle ne veut changer de train de vie


    • rosemar rosemar 29 septembre 2012 14:11

      Oui Prévost écrit dans un style classique ,proche parfois de la tragédie ...


      Manon représente bien cette envie de tout posséder dans l’immédiat ,propre à notre société :c’est bien observé ....C’est aussi l’image de la femme fatale qui entraîne le malheur autour d’elle ,une tradition littéraire ....
      je ne connaissais pas la Manon de Gainsbourg mais ce n’est pas un chef d ’oeuvre ....

      Merci pour ces réflexions intéressantes ,Georges

    • Isis-Bastet Isis-Bastet 29 septembre 2012 13:48

      Très bonne analyse de ce roman que j’ai beaucoup aimé. On s’attache aux personnages, qui malgré leur immoralité, gardent un peu d’innocence.


      • rosemar rosemar 29 septembre 2012 14:16

        Bonjour Isis Bastet 


        c’est un bon résumé de ce roman :un mélange d’innocence et d’immoralisme :n’oublions pas que Des Grieux lui même raconte son histoire à l’homme de qualité :le marquis de Renoncour,il a tendance à se disculper lui même tout en regrettant ses mauvais penchants...



      • noodles 29 septembre 2012 15:16

        > Georges 

        Il y a beau temps que les abbés ne font plus référence ! hihi ! et pour trouver les membres du clergé les plus exemplaires il suffit de remonter dans les siècles pour trouver des inconduites cléricales...Quoique en Amérique, en Belgique, en Irlande, en France...on n’ait pas chômé ces dernières années... ;-p

        > rosemar 
        Depuis L’Abbé Prévost, femmes entretenues, prostituées de haut vol, ont fait le bonheur d’auteurs à succès des époques passées et ces oeuvres ont une inspiration liées et une filiation certaines. Qu’il s’agisse de Manon, Marguerite de la Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils ou de Nana de Emile Zola. Il y en a d’autres. Ces femmes n’ont rien de suranné : on l’a vu dans la réalité du 20e siècle avec Christine Deviers Joncourt et son amant Roland Dumas. 

        Ces dévoreuses m’ont toujours semblé ré-hausser le prestige de leurs amants...faibles proies, « pôvrrres diaaablés » dans leurs griffes...du vrai Julio Iglesias...
        En flétrissant ces femmes on grandit les hommes...
        Alors, le penserais à des oeuvres de tendance « masculiste »*, même si, par ci par là, dans ces romans on se prend à prendre ces femmes fatales en pitié (attention messieurs : danger, c’est le seuil, puis la chute ! smiley)
        Pardon rosemar : c’est le WE on peut rigoler...
        et d’ailleurs bon WE !
        noodles

        ------------------------------------------------------------
        lecture en ligne : 
        PRéVOST, ABBé : Manon Lescaut - Romans 
        Édition Ebooks libres et gratuits pour les formats Mobipocket et PDF. Édition Littérature à emporter pour le format PalmReader. - Parution le 01/01/2004

        Mobipocket : 347 Ko | eReader : 180 Ko | PDF : 593 Ko | Source Word : ++ | Sony Reader : ++ | ePub : 198 Ko 


        • rosemar rosemar 29 septembre 2012 16:04

          Oui on peut rigoler noodles 

           les abbés et les prêtres ne sont pas toujours en odeur de sainteté !
          Oui les hommes victimes des femmes ,pauvres diables ! avec la chanson de Julio ....
          En fait l’image de la femme fatale qui accable les hommes de tous les malheurs remonte à l’antiquité :la misogynie est une idée ancienne ...et on a du mal à en sortir....

          En tous cas MERCI pour tous les liens :chanson ,lectures ...SUPER !
          Très bon W E à tous 

        • Georges Yang 29 septembre 2012 17:02

          Manon n’est pas une femme fatale, car elle aime Des Grieux, rien à voir avec La Paiva, la belle Otero ou Liane de Poujy

          Plutôt une michetonneuse qui a besoin de fric pour exister


        • rosemar rosemar 29 septembre 2012 17:23

          Manon est bien une femme fatale :en fait l ’amour qu’elle a pour Des grieux ne se perçoit qu’à la fin du roman car elle a évolué ...je ne veux pas révéler la fin ...

          Elle n’hésite pas à tromper D G ,à lui mentir ,elle entraîne son malheur ,sa déchéance ...C’est aussi une beauté idéale qui ne se décrit pas ,comme souvent dans l’évocation des femmes fatales ...


        • Georges Yang 29 septembre 2012 17:26

          C’est votre interprétation , mais Manon n’a rien à voir avec le cocotes du 19° siècle, elle posséde une certaine naiveté et réagit au coup par coup

          Des Grieux n’est pas aussi naif qu’il en donne l’air quand il participe à des escroqueries


          • rosemar rosemar 29 septembre 2012 17:33

            Je n’ai jamais dit que Manon était une cocotte ...d’ailleurs c’est Des Grieux lui même qui raconte son histoire :il ne peut la présenter comme une cocotte ;il l’aime ...

            Manon naïve ?pas vraiment :dès qu’elle rencontre Des Grieux ,elle se livre à un premier mensonge...

          • Georges Yang 29 septembre 2012 17:30

            PS des Manon, il en existe des milliers en Afrique centrale, même si toutes les Africaines ne sont pas des Manon (loin de là)

            Manon, pour moi est très compatible avec un comportement congolais, kenyan ou ougandais

            On prouve son amour avec de l’argent et on peut laisser passer l’amour à cause de l’argent


            • rosemar rosemar 29 septembre 2012 17:36

              J’avoue ne pas connaître le comportement de ces peuples africains .....mais il ne faut pas généraliser ...


            • Georges Yang 29 septembre 2012 17:47

              Relisez, je ne généralise pas, mais il existe des Manon africaines, c’est indubitable


            • Jason Jason 29 septembre 2012 18:32

              Les aventures du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est un roman d’aventures où se mêlent rencontres, voyages, compromissions, trahisons, passions funestes, tableaux de la société, dans une certaine tradition naissante. C’est celle du roman où coups de théâtre, rencontres, déplacements, et cascade de méfaits se succèdent pour une sorte de plaisir jubilatoire de raconter. Sans aller vers cette incandescence, le XVIIème avait déjà pratiqué le genre.

              Le fait que ce roman n’ait pas été interdit à l’époque par la censure royale, c’est qu’on peut y voir un côté édifiant. Il met en scène les passions funestes de deux personnages centraux possédés par des désirs incompatibles.

              Moralté, ne soyez jamais possédé par vos passions. C’est diabolique. C’est un peu la leçon en filigrane de ce récit habile.

              Quant à le comparer à ce que font nos contemporains, ils ont découvert ces machines (et machinations) par eux-mêmes.


              • rosemar rosemar 29 septembre 2012 18:42

                Bonsoir Jason 

                 Merci pour ces précisions....
                oui ,ce roman est aussi un roman d’aventures plein de rebondissements ,c’est un attrait de cette oeuvre qui mêle tragédie ,aventures ,amours ,rencontres :c’est également la peinture d’une époque ,la Régence :évocation des maisons de jeux par exemple ,ou des déportations en Louisiane :en bas de l’article ,figure une gravure de l’époque :Le triste embarquement des filles de joie...
                Pour ce qui est de la morale ,elle reste ambigue ,je pense...
                En tous cas ,comme on le voit ,c’est un roman riche de significations...


              • brieli67 29 septembre 2012 20:14

                Par maints mots épars, nous retrouvons chez « Manon » la galaxie d’Alexandre D. père
                moins re/connu de nos jours comme grand dramaturge.
                « elle me résistait, je l’ai assassinée ! »
                Pourtant Antony est le drame romantique qui a connu le plus grand succès à son époque...
                Un an après, la Bataille d’Hernani était rangée, bien rangée

                L’affaire a plombé tout le règne de Louis XVI.
                Faut reconnaître que le cardinal- Prince-êvèque de Strasbourg était bien singulier
                @ - toutes les têtes couronnées du Monde s’empressaient de partager sa table au Château de Saverne et les Princes et.......le mage Balsamo dit Comte de Cagliostro
                @ Grand aumônier de France, ce Rohan était le confesseur du roi, de la reine et des Princes

                De Kehl, sur les terres de la Ville de Strasbourg, le Pierre Caron, écrivain acteur de son temps mériterait un détour, ne serait-ce que comme simple librettiste de Mozart, de Rossini

                Merci et bonnes lectures
                abusez des e-books free et gratuits sur la Toile.
                et lisez !


                • rosemar rosemar 29 septembre 2012 20:51

                  Merci pour ces conseils de lectures brieli....de tout cela ,je retiens surtout Beaumarchais et son personnage de Figaro qui représente bien l’esprit libertaire du 18 ème siècle ...un peu comme Manon et Des Grieux .


                  Merci pour tous ces liens

                  Bonne soirée

                • brieli67 29 septembre 2012 22:59

                  mais qui était LOLA MONTES ??


                  et tout sur Avox ? bien sûr ! 

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