Manuel Valls, une obsession nommée Macron
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Manuel Valls a sans doute fait des nuits blanches en voyant son meilleur ennemi fonder son mouvement, voler de plateaux télé en plateaux télé et faire la une de 39 magazines en quelques mois. Devant ses plus proches conseillers, fou de rage, l'on se l'imagine se lancer dans des monologues robespierriens, vitupérant l'action du traître et rappelant la règle incorruptible de l'unité nationale. Ce bipolaire obsessif oubliait alors pendant quelques minutes, ses propres machinations politiques pour écarter Hollande du pouvoir.
Comment l'en blâmer ? Valls, l'impétueux, Valls l’homme de terrain, a fait du Macron avant l'heure. Dès 2009, il avait osé dire qu'il considérait le nom du parti socialiste "dépassé". Deux ans après, il est la seule voix qui s'élève lors des primaires pour défendre le social libéralisme en déclarant vouloir "déverrouiller" les 35 heures. Seulement Valls, lui qui s'est hissé seul au plus haut niveau de l'Etat malgré son score de 5% aux primaires, se voit tragiquement dépasser, à quelques mois de l'élection finale, par un collectionneur de diplômes plus audacieux que lui.
Pire encore, après avoir fait virer Montebourg, c'est bien le Catalan qui a insisté auprès de François Hollande pour nommer cet inconnu à Bercy afin d'incarner le virage social libéral du quinquennat. Et, comment ignorer que c’est encore Manuel Valls, lointain cousin de Franck Underwood (l'une de ses idoles), qui a œuvré en secret pour fracturer de l'intérieur le PS en deux gauches irréconciliables. C'est lui qui, par sa loi du travail et ses propos clivants, a permis l’émergence de la mouvance puissante des progressistes sociaux-libéraux. Alors, quand Emmanuel Macron, 39 ans, devient candidat et caracole à 13% dans les sondages, Valls sait que ce sont ses électeurs qu'il emmène avec lui et avec eux, le fruit d'une décennie de stratégie politique.
Comment s'étonner dès lors que, pour son discours de candidature à l'élection présidentielle, le Premier Ministre ne pense plus qu'à Macron ? Sa haine est si profonde que Valls, le matador, multiplie les estocades à l’encontre de son nemesis : "Je n'ai jamais cédé à la tentation de l'individualisme, de quitter le collectif, le service de la France est bien plus grand que soi" ; "il faut dans le monde une expérience forte, elle ne s'invente pas, elle ne s'improvise pas, j'ai cette expérience" ; "la réussite ne se mesure par au montant de son compte en banque mais à la lumière qu'on a dans les yeux" etc.
Mais l’ancien Maire d’Evry, dans sa fascination pour Macron se trompe d'adversaire et en a oublié qu'il n'avait pas encore remporté la primaire de gauche. Les dernières élections nous ont appris que rien n'est jamais joué d'avance, et qu'une primaire se gagne dans con camp. Montebourg et Hamon restent encore des alternatives crédibles, et le seront encore davantage si Valls fait l'erreur de les sous-estimer.
Et pourtant Emmanuel Macron et Manuel Valls ont formé un tandem d’une intelligence folle durant ce quinquennat. Sans la candidature de Macron, Hollande aurait sans doute eu assez d'espace politique pour se présenter. L'échec prévisible du Président à sa réélection aurait anéanti le PS, entrainant dans sa chute son Premier Ministre, socialiste depuis 30 ans. Valls, en mettant Macron le progressiste sur le devant de la scène politique pendant ces deux dernières années, a réussi le pari de droitiser le PS, ou tout du moins, à libérer l'énergie de cette gauche social-libéral qui jusqu'alors se taisait. Et, ironie de l'histoire, si demain, l'homme qui a fait 5% en 2011, devient le candidat socialiste à l'élection présidentielle, il le devra en grande partie à ce couple incroyable qu'il a formé avec son pire ennemi, Emmanuel Macron.
Jean B
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