Marche forcée vers la pensée unique
Pour la rentrée scolaire 2020, la prestigieuse institution publique parisienne « Institut d’études politiques », ou « Sciences Po » pour les initiés, propose un nouveau cursus original. Suivez le guide !
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L’institut d’études politiques de Paris, « Sciences Po » pour les initiés, est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Y sont enseignées de nombreuses matières des sciences sociales dites « sciences molles », mais également le droit, la finance, la comptabilité, le management, la gestion des ressources humaines, la communication, le marketing, le journalisme, l’urbanisme et l’environnement, des matières dont certaines paraissent indispensables, pour le bon fonctionnement d’une démocratie éclairée.
L’anarchiste et libertaire français, Sébastien Faure (1858-1942), disait ceci au sujet de « l’école traditionnelle » : « Je la considère comme l’instrument de reproduction des structures sociales de domination et d’exploitation et un appareil de résignation où le rôle social des élèves leur est assigné. L’enfant n’appartient ni à Dieu, ni à l’Etat, ni à sa famille, mais à lui-même. »
Dès la rentrée scolaire, au printemps 2020, le programme de la prestigieuse institution publique parisienne, « Sciences Po », sera enrichi d’un nouveau cursus qui aura comme objet d’étude « l’ascension personnelle et politique du huitième président de la Vème République, Emmanuel Macron lui-même. » La page d’accueil du site internet de « Sciences Po » Paris précise qu’il s’agit « d’un cours « hautement interactif » qui « encouragera au maximum la participation des étudiants en leur offrant une variété de rôles et de tâches. » (Le Nouvel Obs)
Les élèves passeront en revue les jeunes années du prodige et « jaugeront les défis politiques auquel il fait face (et fera encore). Ils évalueront la probabilité du succès de son mandat présidentiel et de sa réélection. Parmi les lectures obligatoires on relève l’ouvrage « Révolution » par Emmanuel Macron lui-même, paru en 2016, « Macron par Macron », un livre d’entretiens, paru en 2017, ainsi qu’une compilation de discours et, « last but not least », « Macron, un président philosophe » de l’éditorialiste de France Culture, Brice Couturier (Le Nouvel Obs), passé du « maoïsme » au « social-libéralisme » teinture néolibérale, livre ovationné à sa sortie en 2017, dans un éditorial du journal « Libération », le quotidien du peuple, de son rédacteur en chef, Laurent Joffrin. On remarquera au passage que le journalisme fait partie des matières enseignées à « Sciences Po ».
A l’instar de l’auteur, Brice Couturier, Laurent Joffrin se posait déjà la question en 2017 dans son éditorial, un texte dégoulinant de pathos : « Sommes-nous gouvernés par un philosophe ? » Pardi !
« Président manager, président Jupiter, président Bonaparte, président gaullien » ou plutôt « président technocrate, banquier, américain, président des riches, président des jeunes, président des vieux, président start-upper, président européen », tout-en-un. Décidément, Monsieur Joffrin n’y va pas avec le dos de la cuillère.
Mais, si, « L’homme d’état a bénéficié d’une réelle formation philosophique ». « Il a étudié « en même-temps » s’il vous plaît » et tenez-vous bien, Karl Marx, tout en rédigeant un mémoire sur Hegel » sur les textes duquel il a longuement médité, « et ce qui lui a permis de mûrir sa pensée ».
Ainsi, le « dynamiteur du paysage politique français » estime que « l’exécution du roi en 1793 laisse vide une place symbolique que le président élu doit occuper. L’idée d’une présidence impérieuse ne provient pas seulement d’une volonté de se démarquer de ses deux prédécesseurs. Elle est le fruit d’une réflexion historique plus profonde ». Parole de scout.
Et pour Laurent Joffrin de présager que « Il ne s’agit pas seulement de marketing politique ou de culture managériale à l’anglo-saxonne. Qu’on l‘approuve ou qu’on le conteste, il y a derrière l’image lisse du jeune réformateur une réflexion qui va plus loin qu’une simple opération de communication. » On s’en serait douté.
Quoi qu’il en soit, la direction de « Sciences Po » Paris insiste sur la nature facultative des cours « Macron ». Nous voilà rassurés, pour la pluralité de l’enseignement national autant que pour la liberté de parole.
Gardien de temple du libéralisme économique, la Suisse, ou plus précisément son système éducatif, a emprunté quelques réflexions sur l’éducation en général, et la formation professionnelle en particulier, à un extrémiste de gauche, l’anarchiste russe, Michel Bakounine, un habitué de ce pays, car fondateur en 1872 à St-Imier dans le Jura bernois, un des fiefs de l’horlogerie suisse, l’« Internationale antiautoritaire », marquant la scission entre « marxistes » et « anarchistes » au sein de l’« Association internationale des travailleurs ».
Au sujet de l’enseignement, Bakounine disait ceci : « Une instruction intégrale doit être la même pour tous, accordant une place nécessaire à « l’enseignement industriel » ou pratique, à côté de l’enseignement scientifique ou théorique. » Dans ce pays, la Suisse, cela s’appelle l’éducation duale ou l’apprentissage professionnelle, 63% des diplômes décernés (Le Temps), dont les matières « Histoire » et « Instruction civique » font partie intégrante du programme scolaire.
A part l’enseignement universitaire, destiné à une élite qui se perpétue, l’enseignement d’une culture générale et civique, associé à la formation professionnelle, serait peut-être une piste pour le bon fonctionnement d’une démocratie, française, en l’occurrence.
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