Marianne
Je suis de nationalité française. C’est curieux, je ne m’en étais pas réellement aperçu auparavant. Il a fallu que je passe un mois loin de chez moi, que j’ouvre un journal péruvien et que je me rende à la page « monde » pour m’en rendre compte. Là, en pleine page s’étalait en caractère gras : “Francia no tiene que recibir lecciones de nadie y actúa legitmamente”, formule on ne peut plus caricaturale d’un gouvernement français obtus. En dessous de ces propos sans équivoques, une illustration montre les autorités françaises encadrant une famille de gitans déportée à l’aéroport. La suite de l’article est une avalanche de banalités sur une France occupée à se regarder le nombril et à se créer un problème identitaire.
Une tradition de contradiction.
Alors que l’article aurait pu me faire honte, puisqu’il donnait une image peu glorieuse de la France, j’ai réalisé à quel point j’y étais attaché et à quel point elle me ressemblait. Sa tradition universitaire, libertaire et humaniste a contribué comme peu d’autre pays au développement de l’homme et à son épanouissement en tant qu’individu. La culture française est formidable, de Montesquieu à Tocqueville, de Voltaire à Hugo et de Sartre à Camus elle témoigne d’un idéal démocratique fascinant. Aujourd’hui encore son cinéma, son théâtre ou sa littérature produisent des œuvres incomparables. Toutefois, comme toutes les grandes cultures elle est traversée de contradictions tout aussi intéressantes. La France a également une tradition nationaliste, raciste et réactionnaire et quelques périodes sombres dans son histoire. De Robespierre à Céline et de Finkielkraut à Zemmour, l’esprit français volontiers xénophobe subsiste. Friedrich Sieburg disait avec humour que, pour les français, les langues étrangères ne sont jamais que du « français traduit ». Loin de la devise Liberté, Egalité, Fraternité, censée valoir pour tous les peuples. Je souris quand certains parlent de la « nation des droits de l’homme ».
Amour propre (de soi).
Derrière sa grandiloquence, son ton hautain et sa prétention, Marianne est fragile et craintive. A l’image de son président elle souffre d’un complexe d’infériorité et gesticule vainement en s’égosillant pour se donner de l’importance. La France tente de se trouver un repère quand tout semble changer autours d’elle. Elle tente d’esquisser sa personnalité au lieu de se tourner vers l’extérieur pour mieux comprendre qui elle est. Comme une adolescente devant son miroir qui examine son reflet et met une couche de fond de teint pour gommer ses imperfections. Elle doit apprendre à distinguer l’amour propre de l’amour de soi (cf.Rousseau). La France doit composer avec ce qui fait qu’elle est ravissante et surprenante, sa diversité. Au lieu de se contempler dans une glace elle devrait puiser dans ses bases solides afin d’aller de l’avant, confiante. Sans pour autant constamment regarder dans un rétroviseur elle doit apprendre à être plus modeste pour être plus sûre d’elle-même. Apprendre à se nourrir de l’autre, plutôt que d’en avoir peur. A trop chercher qui elle est, la France s’éloigne d’elle-même.
Pour ses faiblesses et ses prouesses, je me sens Français mais surtout profondément Européen. Le plus drôle, c’est qu’en écrivant ces lignes je le suis encore plus.
http://www.lucasrne.fr/?p=359%EF%BB%BF
Lucas Trouillard.
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