Mario Brero : détective privé ou lanceur d’alerte ?
Alors que son procès s’ouvre la semaine prochaine à Paris, la personnalité de Mario Brero intrigue. Le détective privé, à l’origine de l’enquête sur d’éventuelles malversations lors du rachat d’Uramin par Areva, se retrouvera sur le banc des accusés. Tous les moyens sont-ils bons pour parvenir à la vérité quand méga-contrats et intérêts d’état se mêlent ?
L’affaire est digne d’un roman d’espionnage. Missionné par une sous-direction d’Areva cherchant à comprendre comment l’entreprise avait pu perdre plus de 1,5 milliard d’euros sur le dossier Uramin, le cabinet d’intelligence économique de Mario Brero (Alp Services) a utilisé les grands moyens pour enquêter sur Anne Lauvergeon.
Des moyens d’investigation sortant parfois du cadre légal au point d’obtenir les « fadettes » (ou relevés téléphoniques) de l’ancienne femme forte du nucléaire français et de son mari Olivier Fric (consultant international sur les questions énergétiques).
Voilà qui explique la présence de M. Brero dans le box des accusés… Mais l’histoire est plus complexe qu’il n’y parait. Tout d’abord parce qu’Anne Lauvergeon a depuis discrètement retiré sa plainte à l’encontre du détective suisse. Ensuite parce que l’actualité judiciaire et médiatique récente semble démontrer le bien-fondé de l’enquête diligentée par sa société.
La justice française s’intéresse en effet de très près au rôle joué par l’ancienne patronne d’Areva lors du rachat en 2007 pour 1,8 milliard d’euros de la société Uramin, propriétaire de gisements d’uranium en Afrique… qui se sont avérés être des gouffres financiers pour Areva.
La société a été dépréciée de 1,5 milliard d’euros en 2011… Une facture d’autant plus lourde qu’elle est acquittée par une société détenue majoritairement par l’Etat et donc par les contribuables. Que les enquêteurs se posent des questions sur les motivations d’Anne Lauvergeon lors de cette opération, est bien légitime.
L’enquête judiciaire sur Uramin aurait-elle été ouverte sans le travail préparatoire fait par Mario Brero (et les répercussions de ses démêlés avec Anne Lauvergeon) ? La justice ne doit-elle pas se montrer conciliante à l’égard des lanceurs d’alerte, quand bien même ils s’écartent par moment des stricts rails de la légalité ?
Aux dernières nouvelles, l’analyste chargé du contrôle du risque chez BNP qui a mis au jour les agissements de Jérôme Kerviel, n’a jamais été accusé par celui-ci d’atteinte au secret professionnel, ni d’intrusion dans le secret de ses correspondances et dans sa vie privée. A fortiori jamais inquiété par la justice.
Quid de Julian Assange, certes victime d’une cabale juridique d’un autre temps menée par les Etats-Unis, mais qui peut compter sur un soutien de l’opinion publique mondiale, tout comme sa source Bradley Manning ou Edward Snowden, ce sous-traitant de la NSA qui a révélé au monde l’ampleur du système d’espionnage numérique des USA.
Ainsi, au lieu de considérer que les enquêteurs suisses – et Mario Brero au premier titre - ont joué un rôle de véritables lanceurs d’alertes (whistle blowers en anglais), la justice préfère s’acharner à leur demander des comptes sur telle ou telle méthode d’investigation. Une manière de mettre en garde ceux qui voudraient dévoiler des secrets d’Etat ?
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