Marko Rupnik : Perseverare diabolicum
Illustrer un article, ou une vidéo, ou un simple tweet (pardon : un X) requiert un peu de recherche. Google est là pour ça, et permet assez facilement de trouver l’image, éventuellement libre de droits, qui convient. Quand la publication traite de sujets abstraits, c’est parfois compliqué. Quand il s’agit d’une personne, son portrait ou la représentation de l’un de ses actes sera généralement choisi.
Sur X (ex-Twitter, oui, il faut s’adapter) une petite polémique entre initiés secoue la torpeur estivale. Le site vaticannews.va/fr, version française du site internet de l’agence de presse du Vatican, publie chaque jour une courte notice sur un des saints du jour. Le 9 août, c’était Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, née Édith Stein, juive convertie, philosophe, carmélite, déportée et gazée à Auschwitz-Birkenau. L’article et l’X qui en font la promotion étaient illustrés d’un cliché d’une mosaïque créée par Marko Rupnik1.
Le problème, c’est que cet ancien jésuite écarté de la Société de Jésus en juin dernier a quelques casseroles. Il a abusé sexuellement de certaines religieuses, et a exercé une emprise « subtile et délétère » sur elles2.
Fin juin, une pareille maladresse avait été commise avec Saint Irénée de Lyon. Un tollé de protestations sur Twitter avait suivi3. Le tweet avait été effacé, puis reposté avec exactement la même illustration. Avec Sœur Thérèse Bénédicte, c’est assumé, pas de rétractation temporaire. De même, une de ses œuvres a servi de couverture au catalogue des timbres émis par le Vatican en 2022 alors que le scandale est public depuis 2018. Cela ne semble pas gêner le Vatican. Marko Rupnik bénéficierait-il d’une protection spéciale ?
Il n’appartient pas à un pisse-copie amateur chez Boulevard Voltaire ou Agoravox de faire ici le procès de Marko Rupnik : qui suis-je pour juger ? Pareillement, même si c’est une évidente litote qu’il faille dissocier l’œuvre de l’artiste, ce n’est pas ici le sujet. Censurer les textes de Louis-Ferdinand Céline au motif qu’il serait un personnage détestable est stupide. Mais l’odeur de souffre qu’il véhicule crée un contexte compliqué pour sa publication et, il faut bien le dire, la promotion de ses œuvres. N’en pas tenir compte, c’est ça qui serait stupide. Refuser la censure n’est pas promouvoir la diffusion de tout et n’importe quoi, à tort et à travers et dans toutes les circonstances.
L’Église Catholique se voit reprocher en France, au Vatican et ailleurs, une exécrable gestion des crimes et délits commis en son sein, principalement les abus sexuels sur les mineurs, mais pas seulement. Chaque catholique sincère, pécheur à n’en point douter, souffre de voir que des clercs faillis puissent se soustraire à leurs responsabilités avec la complicité d’une hiérarchie trop complaisante. Les « plus jamais ça » solennels consécutifs au rapport de la CIASE sont rapidement démentis par les faits, rajoutant du scandale au scandale.
Mulier Caesaris non fit suspecta etiam suspicione vacare debet4. Peut-être est-ce un vœux pieux ? Il serait opportun que la communication officielle du Vatican ne provoque pas ostensiblement l’ire des catholiques avec ce genre de cécité volontaire sur ce scandale, cette « pierre qui fait tomber ». La moindre des délicatesses envers les victimes de ce prêtre serait de ne pas les exposer à la promotion des œuvres de leur bourreau.
Cliché : Milliped CC BY 3.0
1https://www.vaticannews.va/fr/saint-du-jour/08/09/sainte-therese-benedicte-de-la-croix—edith-stein---vierge-et-ma.html | https://twitter.com/vaticannews_fr/status/1689142209713414144?s=20
3https://www.vaticannews.va/fr/saint-du-jour/06/28/saint-irenee-de-lyon—eveque-et-martyr.html | https://twitter.com/vaticannews_fr/status/1674362248465195009?s=20 | https://twitter.com/FrMatthewLC/status/1674400135474814978
4La femme de César doit non seulement être honnête, mais aussi insoupçonnable.
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