Maroc : Cette multitude d’intermédiaires qui renchérissent le coût de la vie mais qui font tourner l’économie !
On comprend dès lors pourquoi l’Etat se montre alors tolérant à l’égard de toute activité économique jugée nuisible au pouvoir d’achat de larges couches de la population du moment que ces activités emploient une main-d’œuvre qui n’est ni qualifiée ni diplômée.
Des femmes agitant des pains pour protester contre la vie chère
Le Maroc possède deux façades maritimes parmi les plus poissonneuses au monde, mais pour une majorité de Marocains le poisson demeure un luxe inaccessible ; même la sardine y atteint le prix de 30 dirhams le kilo (3 € ou 2,5 heures de travail payés au SMIG) durant les périodes de forte demande comme le mois du ramadan, de repos biologique ou de mauvais temps qui contraint les pêcheurs à rester au sec. Même constat pour les fruits et légumes et les viandes rouges. Le royaume a beau être une terre agricole, les prix de ces denrées sont au-dessus du pouvoir d’achat d’une large frange de la population. La cause principale de cette situation est la multitude d’intermédiaires, de négociants et de spéculateurs. Mais notre propos ici se limitera uniquement au cas des intermédiaires ; surtout qui ces derniers englobent parfois les deux autres catégories : un intermédiaire peut être à la fois négociant et spéculateur. Logiquement, tout observateur du phénomène du renchérissement du coût de la vie au Maroc se demandera pourquoi les pouvoirs publics ne font rien pour lutter contre ces « parasites » qui empoisonnent la vie aux démunis et les poussent à entreprendre des actions de protestations irréfléchies, parfois nuisibles à la stabilité du pays. En vérité, les services administratifs concernés mènent périodiquement des actions de lutte contre ce fléau économique et social. Dans les années 1980, certains commerces accusés de spéculation sur les produits de première nécessité (farine, sucre et huile…) ont été même fermés temporairement et leurs tenanciers condamnés à de lourdes peines. Mais ces actions demeurent limitées dans le temps et l’espace et sont sporadiques. Le but étant plus de faire du bruit dissuasif que d’éradiquer le mal à la racine. Non pas par négligence, compromission ou impotence des autorités publiques, mais pour préserver un outil de distribution qui bon an mal an participe à l’économie. En effet, dans un pays à revenu intermédiaire (sans jeu de mots) comme le Maroc dont le peu de tissu industriel, né dans les années 1960 s’est quasiment nécrosé du fait d’une concurrence étrangère ouverte et féroce, l’agriculture demeure le principal pourvoyeur d’emplois au niveau national. Certes, il y a d’autres secteurs qui emploient massivement comme le tourisme, mais peut-on vraiment parler d’un tourisme compétitif sans un food-cost compétitif et un food-cost compétitif en dehors d’une agriculture compétitive ? Autrement dit le touriste qui visite le Maroc ne doit pas se ruiner en mangeant un bon tagine de bœuf et légumes. Sinon il ne reviendra plus. Or le pays a grandement besoin de devises pour payer ses importations, dont les biens d’équipements nécessaires à son secteur des services qui depuis la moitié des années 1990 n’a cessé de gagner du terrain au détriment des autres secteurs du fait que l’État a choisi de miser sur ce secteur tertiaire pour faire d’une pierre trois coups. D’un côté, résorber une main-d’œuvre jeune, mais moyennement diplômée, essentiellement issue des instituts de formation professionnelle, et de l’autre optimiser ses recettes fiscales et en amont et en val ; c’est-à-dire à l’import et à l’export et entre les deux ; à savoir les taxes sur les sociétés et sur les revenus, etc.
Certains diraient, mais que font les intermédiaires et la vie chère dans ce bazar ? Bonne question. Il se trouve qu’au Maroc le diplôme n’est pas encore une garantie pour avoir un travail. Selon les chiffres récents du Haut-commissariat au plan (HCP), organisme de statistique indépendant dont le directeur a rang de ministre, « 6 travailleurs sur 10 n'ont aucun diplôme » ! Et si ces 60 % de sans diplôme ont un boulot c’est grâce notamment à l’économie informelle qui « pèse plus de 20% du PIB hors secteur primaire et 10% des importations formelles et aussi 2,99 millions d’emplois dans le formel sont menacés par ce secteur. » souligne une étude du patronat marocain publiée en avril dernier. On comprend dès lors pourquoi l’Etat se montre alors tolérant à l’égard de toute activité économique jugée nuisible au pouvoir d’achat de larges couches de la population du moment que ces activités emploient une main-d’œuvre qui n’est ni qualifiée ni diplômée ; d’autant que « plusieurs dizaines de milliers de lauréats d’université viennent chaque année grossir les rangs des chômeurs ». Mieux : la formation professionnelle que l’on croyait être la solution au chômage universitaire n’est pas dans une situation meilleure : elle est même moins bien lotie ! Et pour cause : « la formation professionnelle fabrique plus de chômeurs que l'enseignement général ! » conclut une étude du HCP publié début de cette année. La solution alors ? Aucune qui tienne la route pour le moment. Mais le roi Mohammed VI qui a tout essayé pour endiguer le déluge du chômage des jeunes en préconisant de l’auto-entrepreneuriat jusqu’à l’ INDH (initiative nationale de développement humain) qui l’a lancée en mai 2005 en passant par la formation professionnelle a recommandé, lors de l’ouverture de la session d’octobre du parlement, de réfléchir à un nouveau modèle de développement car, juge-t-il, l’actuel est devenu obsolète, appelant le gouvernement à le reconsidérer. Mais quand bien même ce chantier est vital et prioritaire, il est de l’avis de beaucoup difficile et long à mettre en œuvre. En tout cas tout autre modèle de développement ne sera à même de résoudre le problème de la vie chère même s’il met fin à l’économie informelle et de rente ; car l’une des causes sous-jacentes du sentiment de la vie chère dont on parle peu est du domaine du ressenti. Exemple : il faudra cesser de considérer les campagnes comme des espaces où la vie est moins exigeante, où les habitants peuvent se contenter du peu notamment en percevant un salaire minimum inférieur à celui en vigueur dans les villes. Il est temps d’abolir ce système has been et anachronique du SMIG/SMAG Comment ça marche ? . Aujourd’hui, le paysan qui vit en campagne habite dans des logements modernes, équipés de façon moderne et tout ça demande de l’argent. Fini le temps où le fellah croupissait dans un cube de terre cuite avec seuls équipements, un transistor, une lampe à huile et une carriole.
22 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON