Marseille ma belle
Bon ça suffit comme ça ! Assez ! Basta ! N’en jetez plus ! On sait ! On savait ! On a compris !!! Que d’acharnement bon Dieu…
Figurez vous que de grands esprits ce sont levés, ils ont observé, analysé, comparé, pris gravement la mesure de la situation et dans un ultime effort de concentration ont rendu leur verdict, sans appel : Marseille tu es la dernière des dernières et tes habitants sont à ton image : des moins que rien ! Puisque désormais c’est légitime, puisque tu es déclarée officiellement « ville perdue pour la patrie », alors on peut te piétiner ma ville, t’insulter, te railler, te mettre plus bas que le niveau de ta mer Méditerranée, tout le monde est d’accord et approuve. On ne s’en privait déjà pas quand tu n’allais pas trop mal, maintenant que tu es faible du genou, c’est l’hallali, un festival, le tir de foire… A qui le tour ?!
Jusqu’à lors, il était de tradition de nous faire éreinter allègrement par le lyonnais, le bordelais, le lillois, bien évidemment le parisien et en fin de compte par la France entière. Tous ces braves gens honnêtes, propres et droits nous considèrent depuis, des lustres comme des sauvages hirsutes, sanguinaires et incultes : la (chien) lie de la société française ! Désormais, les attaques viennent aussi et surtout de l’intérieur, ce qui est plus gênant, plus pernicieux, plus douloureux. Alors moi, plutôt que de me joindre à la curée générale, plutôt que de venir te cracher à la gueule et te mordre jusqu’au sang avec toute la meute, je garde ma salive pour te défendre. Tu es malade ma ville, certes, tu as un genou à terre et ton pouls est bas. Raison de plus pour ne pas venir te sauter sur la tête, pour t’anéantir, te finir. Je te dois bien ça, Marseille, toi qui a accueilli en ton sein mes parents et toute ma famille quand, chassés par le vent de l’Histoire, ils ont du traverser la Méditerranée pour rentrer dans ce pays qui était le leur mais qu’ils n’avaient jamais vu. Alors la première chose que je veux te dire c’est : « merci » et la seconde : « tu peux compter sur moi, je suis avec toi ».
Marseille, on te reproche de ne pas être Monaco. Ce qui est presque aussi intelligent que de reprocher à un « gabian » de ne pas être un mirage 2000. On aimerait retrouver dans tes rues ce je ne sais quoi, qui fait tout le charme de Lausanne. On te reproche, entre autre, d’abriter des marseillais (si, si je l’ai lu !!!) et non pas des Tourangeaux car parait-il que sans tes habitants, tu serais une ville formidable ! On te reproche d’être une ville du sud, avec une mentalité du sud, des odeurs du sud, un rythme du sud. On te reproche aussi et surtout d’être un port. Un port avec des bateaux qui arrivent d’ailleurs, qui accostent et qui déversent des gens dans tes rues (des voleurs et des assassins pour la grande majorité). Tu pourrais quand même faire un effort, Marseille, et sélectionner un peu la qualité des individus qui foulent ton sol ! Si tu pouvais arrêter deux secondes de laisser entrer impunément tous les « crevards » du quart-monde, ce serait déjà un bon début. Ou alors des biens, des gentils, des sages, des propres, des « qui savent déjà lire et compter », des « bons nègres » dociles, enfin bref… : des « qu’on peut montrer aux touristes » ! Et encore ! Non, dans l’absolu, si tu pouvais arrêter de faire entrer des gens tout court, ce serait encore mieux. Depuis les calendes grecques tu as toujours été une terre d’accueil à crevards, mais maintenant ça suffit ! C’est la crise, on n’a déjà pas assez de pastaga pour nous alors les autres… Ils n’ont qu’à aller débarquer à Naples, (Ah ben tiens… ! Voilà une autre ville maudite !). Et puis là-bas, dans les rues ça « schlingue » encore plus qu’ici alors ils se sentiront un peu plus chez eux, les crevards du quart-monde. Finalement c’est mieux aussi pour eux. Voilà, c’est ça ! Qu’ils aillent à Naples les crevards, à Naples ou au Diable…
Ralala… Marseille, tu m’escagasses ! Ta Bonne Mère te regarde du haut de son rocher blanc (ou Roucas blanc pour les puristes) et te juge sévèrement. Après 2600 ans d’existence, tu aurais pu au moins devenir Barcelonne ou Florence. Mais non, Tu t’es laissée aller ma vieille et tu as dégringolé inexorablement la pente pour, tout en bas, au fond du trou à ordures rester lamentablement Marseille…
Pourtant à une époque, que j’ignore, mais qui a surement du exister puisque tout le monde la regrette, c’était une autre limonade ! Il faisait bon vivre sous tes tonnelles rafraichissantes, le soir venu, après la sacro-sainte journée de labeur, on buvait l’apéritif anisé entre amis devant les portes des jolies maisons fleuries du centre ville qu’on avait même pas besoin de fermer à clef, tellement les rues étaient sûres, propres et sentaient bon le jasmin et la rose. Tout le monde respectait tout le monde, les jeunes étaient gentils et bien polis, on galéjait de bon cœur en se tapant dans le dos et en riant toutes dents dehors, et puis on se faisait une petite partie de boules avant d’aller se régaler d’un aïoli « du tonnerre de Dieu, jusqu’à se faire péter l’embouligue » (comme dirait l’autre…) et tout ça « avé l’assent » bien sûr ! Le vrai ! Attention hein ! Le provençal pur jus, celui du 8eme, celui de Gaudin et de maitre Collard ! Pas celui des petits « racailleux à scooters » d’aujourd’hui, tout entaché d’arabe, de gitan et de roumain. Bon alors j’ai cherché quelle époque correspondait à cet âge d’or de Marseille et figurez-vous que je ne l’ai pas trouvée… Et pour cause… ! Cette carte postale fantasmagorique et illusoire n’existe en réalité que dans l’imaginaire nostalgique des personnes d’un certain âge, qui, et c’est le signe indubitable d’une entrée dans l’automne de l’existence, sont sincèrement persuadées que tout était beaucoup mieux avant. Au cours d’une discussion assez houleuse, où comme à l’accoutumé, je me faisais l’avocat du diable, on me balançait comme argument massue, qu’il suffisait de regarder les films de Pagnol pour être fixé sur ce que fut le « Paradis marseillais perdu ». Bien… ! Si on considère la trilogie comme un documentaire sur la vie des marseillais de l’époque héroïque, on aura un décalage qui correspond à peu de choses près à celui qu’il existe entre la réalité des favélas de Rio et le joyeux monde de Oui-Oui ou celui des Télétubbies… Marius sort sur les écrans en 1931, Fanny en 1932 et Cesar en 1936. Empruntons la machine à remonter le temps et allons nous promener un instant dans les rues du Marseille des années 30… Je vous conseille de laisser vos objets de valeurs à l’abris, de mettre les gilets pare-balles mis à votre disposition et de ne surtout pas vous dissocier du groupe pendant la visite… Allez hop !!! C’est parti !!! Vraaaouuuuummmm !!!!!
Nous voilà dans les ruelles du Panier. Il fait nuit et quand je dis « nuit », c’est « nuit »… Noire, opaque, impénétrable. L’éclairage publique ne marche pas ou bien il a été saboté dans ce quartier. Heureusement que la lune ne puisse pas être débranchée… Nous nous contenterons de ses lueurs pour progresser lors de notre périple. Il fait une chaleur à crever, c’est l’été. Une odeur pestilentielle plane dans l’air. Instinctivement, plusieurs d’entre vous placent une main devant leur nez pour tenter de tamiser un peu ces effluves putrides, capiteuses et douçâtres qui donnent la nausée et piquent les yeux. C’est un mélange d’urine, d’excréments, d’ordures fermentées, d’huile de friture rance, de goudron, de camphre, de peinture marine, de parfum (très ou trop) bon marché, de haschich, d’opium et de poisson pourri. Les pavés sont glissants, visqueux pour être plus précis et collent aux semelles des chaussures. Dieu seul (ou plutôt le Diable…) sait ce qui les enduit. Pas grand monde dans cette rue… Pourtant, pas très loin de là, on entend le son d’un orchestre qui balance une musique enlevée et joyeuse. Un « balèti » de quartier sans doute. Nous avançons pour voir de quoi il en retourne. Soudain, juste au dessus de nos têtes, au premier étage crasseux d’un petit immeuble miteux, une fenêtre s’ouvre et laisse s’envoler un grand éclat de voix suivi d’un pet tonitruant. On entend les bribes d’une conversation en espagnol très animée entre un homme et une femme. Tout à coup, un bras de femme apparait, terminé par une main, terminée par un pot de chambre. Tout en baragouinant une logorrhée hispanique qui ne laisse aucun doute quant à la nature grossière et insultante du vocabulaire employé, la propriétaire de la main anonyme exécute un mouvement circulaire sec de haut en bas avec son poignet et le contenu du pot de chambre se déverse sur ma tête… Voilà ce que c’est de vouloir marcher devant les autres… Enfin bon, c’est moi qui vous ai entrainé ici, il est logique et juste que ce soit moi qui morfle. Je vous fais grâce des détails concernant le contenu du pot de chambre mais le mot de Cambronne qui m’avait échappé au moment de l’impact vous donnera une piste de réflexion… Les cris provenant du galetas dégénèrent en hurlements. Le bruit sec d’une grosse claque résonne jusqu’au bout de la ruelle comme un pétard du 14 juillet et fait détaler un rat énorme qui se faufile sous une porte cochère en trainant un chat mort entre ses dents. Les amoureux en viennent maintenant aux mains. On entend des coups pleuvoir, de la vaisselle se briser, des cris, des pleurs et des noms d’oiseaux voler un peu partout. Soudain, au beau milieu du tumulte, une valise jaillit par la fenêtre et soumise, comme tout ce qui existe ici-bas, à la loi de la gravitation universelle, elle entame une descente vertigineuse droit… Sur moi ! Re-Cambronne ! Mais cette fois-ci, sur mes gardes et à l’affut, je parviens à esquiver in extremis le projectile qui vient rebondir sur les pavés pégeux. Caramba ! Et puis la fenêtre vomi ensuite deux costumes, des chaussures bicolores vernies, une pile de disques 78 tours, deux ou trois chapeaux qui volent en tournoyant comme des freesbees, une tresse de piments rouge écarlates séchés, et pour finir, une vieille guitare qui se disloque en frappant le sol, produisant un son de guitare disloquée qui résonne pendant un moment. Ca barde là-haut… ! Les hurlements redoublent et soudain : Pan ! Un coup de feu retenti… Une des fenêtres de l’appartement situé de l’autre côte de la rue vole en éclat. Là ça ne rigole plus. Nous sommes vous et moi tétanisés au milieu de la ruelle sombre. Personne n’ose plus bouger… Je suis pétrifié par la peur et putréfié par l’odeur. Puis le spectacle prend une autre tournure. La fenêtre qui a reçu du plomb dans le carreau s’ouvre méchamment et un grand noir apparait. Il est presque totalement nu. Pour tout vêtement, il ne porte qu’un colt 45 calibre 11,43 qui orne dangereusement sa main droite. Il se met à hurler en direction de la guerre d’Espagne qui fait toujours rage. Il s’exprime dans une langue que je ne comprend pas. Du bantou peut-être ? Ou alors du bambara ? Bref ! On comprend qu’il est très énervé et c’est le plus important. De sa seule voix, il couvre celles des deux tourtereaux. De l’autre coté de la frontière, un avorton, petit, sec, le cheveu gominé, marcel blanc, un serpent enlaçant un poignard tatoué sur l’avant bras, vient se planter à la fenêtre. Il a aussi un revolver à la main. C’est le sosie de Luis Régo en plus méchant. Les deux hommes se font face…
Gilles AZZOPARDI - News of Marseille
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