Masih Alinejad, messie iranienne de la cause des femmes
Depuis quelques années, la journaliste féministe Masih Alinejad porte la voix de millions d’iraniennes en quête de libération.
Chaque jour un peu plus, fleurs et hommages s’agrègent sur le promontoire duquel une courageuse iranienne, aujourd’hui emprisonnée, se dressa afin de brandir, à la face des Mollah, l’objet de son asservissement.
Alors que l’année 2017 s’achevait, l’image iconique de cette jeune femme brandissant son voile sur un bâton est venue mettre en lumière le mouvement féministe « My steathy Freedom ». En effet, depuis quelques mois, fleurissent par milliers sur les réseaux sociaux, des photos de femmes et d’hommes arborant un hijab blanc. La campagne #WhiteWednesdays (mercredis blancs) est largement relayée par la page Facebook du mouvement « My Steathy Freedom » crée par Masih Alinejad.
Cette journaliste iranienne, aujourd’hui exilée à Londres, se bat depuis 2014 pour que ses concitoyennes puissent vivre tête nue dans la Perse des Mollahs sans être emprisonnée, fouettée, attaquée à l’acide ou traitée de putain pour l’exercice de cette liberté.
Masih Alinejad s’est fait connaitre en 2008, en écrivant dans le quotidien Etemad Melli un article particulièrement critique à l’endroit de l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad. L’audace de la journaliste eu un tel retentissement que Time magazine lui consacra un article dont le titre « Jésus Vs Ahmadinejad » faisait référence au prénom de la journaliste ; Masih signifiant « Messie » en langue persane.
En 2009, Masih Alinejad participa aux Etats Unis à plusieurs manifestations de protestations contre le gouvernement iranien. A San Francisco, au cours d’un discours remarqué, elle adressa un message offensif aux Mollahs : « Nous avons tremblé pendant 30 ans, désormais c’est à votre tour de trembler ».
En lançant le mouvement « My Steathy Freedom » en 2014, elle retiendra l’attention des médias internationaux et se verra remettre Le prix des Droits des femmes par l’ONG United Nations Watch au cours du Sommet de Genève pour les droits de l’Homme. Dans le même temps, Masih Alinejad lancera une campagne de boycott contre la tenue des championnats du monde d’échec féminin à Téhéran, soutenant ainsi la joueuse géorgienne Nazi Paikidze qui refusait de s’y rendre en raison de l’obligation légale faites aux participantes de porter le hijab.
Masih Alinejad dénonce le conditionnement des femmes à la servitude opéré par l’histoire, la culture et les normes familiales. Selon la journaliste, dans les pays où il est obligatoire, le hijab constitue un mur permettant de garder les femmes sous surveillance. Cela est particulièrement vrai lorsque le voile est obligatoire mais « même dans les pays musulmans » où il ne l’est pas, les femmes indépendantes doivent faire face aux pressions sociales et aux nombreux tabous.
Au terme d’un long processus psychologique, Masih Alinejad finira par ôter ce voile qu’elle portât jour et nuit pendant près de 30 ans. La complexité du processus s’explique, selon elle, par le fait que le voile finit par devenir une part entière de l’identité de celle qui le porte. Dans un pays où les autorités véhiculent l’idée selon laquelle les iraniennes dévoilées seraient forcément des femmes aux mœurs légères dépourvues de toute morale, dans des familles où toutes les femmes portent un voile, il devient extraordinairement difficile de s’extraire de ce carcan psychologique. Il y a déjà quelques décennies, l’écrivaine marocaine Fatima Mernissi décrivait avec justesse la difficulté pour les femmes musulmanes de se libérer des archaïsmes face à « la tentative névrotique d’ossifier les superstructures, de sauvegarder les modèles et les conceptions traditionnelles »
Masih Alinejad s’interroge sur cette « étrange période » où les vues extrémistes imprègnent chaque jour un peu plus l’opinion publique. Elle regrette ce temps où le monde musulman se montrait davantage rationnel et optimiste qu’aigri et belliqueux ; elle évoque avec nostalgie ces mythiques années 1950, durant lesquelles les marocaines, égyptiennes et turques pouvaient s’habiller comme les femmes occidentales sans être harcelées.
La journaliste iranienne n’a pas de mots assez durs à l’endroit des femmes occidentales qui, pour se rendre en Iran, acceptent de porter le voile ; renonçant ainsi à leur dignité. Elle s’attriste du manque de soutien pour ses courageuses concitoyennes et dénonce l’hypocrisie de celles et ceux qui défendent le droit des femmes à porter un burkini sur les plages françaises tout en ignorant sciemment le combat des iraniennes pour leur émancipation.
Masih Alinejad s’exaspère devant ces occidentaux qui, dans un souci d’apaisement, privilégient les accommodements raisonnables au détriment de la défense des valeurs universelles telles que l’égalité entre les sexes et la liberté de disposer de son corps. La féministe qualifie de naïve et ridicule l’idée selon laquelle le hijab serait un vêtement ordinaire. « Chaque femme qui choisit de le revêtir, adhère en toute conscience à l'idéologie politique qu'il véhicule », explique-t-elle.
A l’image de Mukhtar Mai et d’Ayaan Hirsi Ali, Masih Alinejad est une héroïne de la cause des femmes. Si le grand public peine encore à connaitre ces grandes figures, nul doute que les générations futures sauront inscrire leurs noms dans les livres d’histoire.
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