Massacre du Rana Plaza et meurtre de Clément Méric : la rente et le FN main dans la main
Deux événements a priori sans lien ont eu lieu à quelques semaines de distance. Le 24 avril, un atelier de textile s'effondrait au Bangladesh faisant plus de 1100 morts parmi les ouvrières présentes sur le site. Le 5 juin, en pleine rue de Paris, un skinhead néo-fasciste tuait avec ses poings un militant antifasciste de 18 ans, Clément Méric. Mais ces deux affaires n'ont-elles vraiment aucun rapport entre elles ?
Jérôme Cahuzac disait sur un plateau en janvier 2013 que "la lutte des classes" il n'y avait jamais cru. On sait depuis ce que vaut la parole de cet individu.
Le massacre du Rana Plaza au mois d'avril (car il s'agit bien de cela et non d'un "drame" ou d'un "tragique accident")l démontrait pourtant combien plus que jamais la "lutte des classes" existe, opposant les capitalistes au prolétariat, et jusqu'où ces mêmes capitalistes sont prêts à aller pour conforter leur rente. Dans les entreprises occidentales de prêt-à-porter, les ateliers pourris du Bangladesh ne sont que des variables déterminant la courbe de profits toujours plus importants (Stefan Persson, le principal propriétaire de H&M et l'un des plus gros employeurs au Bangladesh, est à la tête d'une fortune estimée à 26 milliards de dollars...). Une courbe directement tracée avec le sang des milliers d'ouvrières travaillant dans des conditions épouvantables, actuellement victimes d'un massacre de masse (avant le Rana Plaza, un incendie détruisait le 24 novembre 2012 un atelier de confection à Ashulia : payées 30 euros par mois, les 3000 ouvrières travaillaient soixante heures par semaine - encore ne s'agit-il que du travail déclaré ; les produits inflammables nécessaires à la confection étaient stockés au rez-de-chaussée, près de l'escalier, et les issues de secours comme très souvent étaient verrouillées pour empêcher d'éventuels vols de marchandise : le massacre fera officiellement 112 victimes, brûlées vives ou défenestrées et un millier de blessés). Stefan Persson et tous les capitalistes oisifs du prêt-à-porter occidental trempent leurs mains dans le sang des ouvrières bangladaises pour amasser leur magot fondé sur la cupidité sans frein et le crime.
Sous prétextes de mondialisation et de rationalisation des coûts, complaisamment relayés par une presse qu'ils détiennent, les prédateurs capitalistes retrouvent au Bangladesh la solide tradition d'exploitation forcenée et criminelle du prolétariat autrefois en usage dans toute l'Europe et l'occident, chez leurs ancêtres du XIXème siècle. Au prix de sacrifices innombrables de la classe ouvrière combattante, consciente de sa classe et dressée sur les barricades pour y être tuée par les soldats aux ordres de la rente, les capitalistes occidentaux et français particulièrement ont peu à peu été forcés de lâcher du lest, de réduire leurs prétentions cupides, de limiter leurs intentions criminelles.
Le massacre de Courrières dans une mine près de Lens faisait, le 10 mars 1906, 1099 morts (bilan officiel...). Presque autant que celui de Rana Plaza. Sécurité minimale, absence de prévention des coups de grisou, mise en danger de la vie des mineurs pour quelques profits de plus : on retrouve les ingrédients du cocktail meurtrier de Rana Plaza, un siècle plus tard. Mais la similarité entre les deux événements va plus loin : l'essentiel des victimes est dû à la rapacité des propriétaires qui demandent aux mineurs de redescendre travailler après le coup de grisou, alors que l'incendie n'est pas encore éteint et que des gaz toxiques remplissent les galeries ; pire, les sauvetages ne durent que trois jours, avant que la Compagnie des mines de Courrières ne décide de murer certains puits pour étouffer l'incendie et préserver le gisement ; les veuves de mineurs morts, qui ne peuvent évidemment remplacer leurs maris dans la mine, seront expulsées des corons. Voilà comment les capitalistes osaient se comporter jusqu'à l'orée du vingtième siècle. Les grèves, les émeutes, les révoltes, la collaboration éhontée des capitalistes rentiers avec l'occupant allemand menant à de nombreuses nationalisations, permettront peu à peu, et au prix encore de beaucoup de morts, l'instauration de conditions de travail plus humaines. Que tous les français, dressés par Marine Lepen et les médias contre les syndicalistes, ou amenés par l'ultra-réactionnaire Jean-François Copé (entre autres Huchon, Valls et éditocrates de pacotille) à placer un signe égal entre FN et Front de Gauche (question à monsieur Copé : Rosa Luxemburg = Hitler selon lui ?) se souviennent que les droits qui les défendent contre la rapacité de la rente (sécurité sociale, cotisations sociales, indemnisations chômage, retraites, journées de huit heures, congés payés, etc.) viennent de la lutte des syndicats ouvriers, des militants de gauche et particulièrement des militants communistes.
Le massacre capitaliste en Occident est aujourd'hui plus discret : il passe par un chômage de masse, par des réformes réactionnaires qui brisent les foyers, poussent de plus en plus de familles ouvrières à la misère faisant des drames réguliers mais suffisamment disséminés dans le temps et dans l'espace pour ne pas trop alerter l'opinion publique. Les fortunes amassées sont colossales mais elles se font plus discrètement qu'auparavant, notamment grâce à la délocalisation des usines occidentales qui du même coup délocalisent le massacre des ouvriers par les rentiers dans des pays sans aucune règle de sécurité et aux salaires tout juste suffisants pour que l'ouvrier poursuive son travail sans mourir tout à fait de faim.
Les rentiers ont cependant de nouveau les crocs et les milliards qu'ils ont et qu'ils ne font qu'amasser au détriment de tous ne leur suffisent pas. Il faut plus. Il faut détruire toutes les conquêtes sociales du vingtième siècle pour que les familles Arnault, Mulliez, Puech, Bettencourt, Dassault, Pinault (90 milliardsd'euros de fortune à elles six) aient davantage encore. Mais il reste certains obstacles gênants. Si le PS est complètement à la solde de la rente, si on a racheté la plupart des journaux pour en faire des torches-cul ultra-capitalistes, des syndicats comme la CGT sont encore là, le Front de Gauche empêche au parti collaborationniste de Solférino d'avoir bonne conscience, des hommes et des femmes continuent de perpétuer la mémoire de Robespierre, de Blanqui, de la révolution de juin 1848 (et son massacre par la serpillère sanglante de la bourgeoisie, le général Cavaignac : vingt-mille morts en une semaine), de la Commune de Paris (Thiers, au service de la bourgeoisie réactionnaire y fait encore vingt-mille victimes au moins en une semaine), des grèves de 1936, de la résistance communiste lors de la Seconde guerre mondiale, de la "mégère de la rue Daguerre" Lise London, etc. Toute une histoire populaire qui n'a pas encore connu son Howard Zinn français - histoire ô combien plus admirable que la litanie de rois oisifs, érotomanes et belliqueux qui précède 1789.
Face à cela, face à ces résurgences d'une histoire glorieuse quoique de plus en plus oubliée par les français, face aux dernières résistances qui empêchent aux rentiers de se gaver davantage, il existe l'éternelle carte, celle que l'on sort au dernier moment parce qu'elle est un peu incontrôlable (encore que...) : c'est le molosse de la rente, l'extrême-droite, chapeautée en France par le FN. Première étape : utiliser ses torches-cul rachetés à bon prix (le Monde, Libération, l'Express, le Nouvel Obs, le Figaro, le Parisien, Ouest-France, etc.) pour faire de "la Marine" ("Marine ! Marine !") une personne bien, qui certes participe à des bals de nostalgiques du IIIème Reich, qui certes est proche des intégristes racialistes de Saint-Nicolas-du-Chardonnay, qui certes utilise pour distribuer ses tracts de campagne des militants dévoués quoique un brin sanguinaires comme Serge Ayoub. Mais qu'est-ce tout ça, si cela permet à la rente d'avoir plus, si cela permet aux milliardaires de se gorger davantage ? Aujourd'hui, c'est formidable, les français sont de plus en plus nombreux derrière le FN ("Marine ! Marine !"). Un vrai mouvement de masse, comme on les aime, qui peut finir avec les fascistes bien à leur aise dans les rues à tabasser du "rouge" mais ces cocos de toute façon l'ont bien cherché, quelle idée de traiter un skinhead néo-nazi de "facho", c'est comme si on disait des électeurs frontistes qu'ils sont des fascistes, cela n'a aucun sens.
Ou bien si. Peut-être cela a-t-il un sens ? Peut-être tous ces gens qu'on rend amnésiques, qu'on gave de faits divers, de terreur islamiste, à qui on fait croire qu'ils sont patriotes ou nationalistes alors qu'ils sont promis à devenir les prochains collabos, tous ces gens qui voudraient se payer la peau d'un "coco", d'un "rouge", d'un "syndicaliste", qui vomissent Robespierre, les communards et qui applaudissent le formidable embrigadement des demi-serfs vendéens pour défendre leur propre exploitation au profit de leurs seigneurs - peut-être tous ces gens, sans le savoir encore, sont des fascistes, des racistes, des réactionnaires, cette frange de l'humanité qui toujours retarde les conquêtes sociales, l'avénement du slogan robespierriste - Liberté-Egalité-Fraternité -, qui s'étourdit de religion, d'amour divin et professe en même temps le massacre de ceux qui ne partagent pas leurs croyances. Tous ces gens, alliés de la rente, de l'oisiveté, de la cupidité, des milliardaires, des massacreurs d'ouvriers et d'ouvrières, à Courrières ou au Bangladesh. Main dans la main pour que l'égoïsme, l'obscurantisme et la violence règnent encore en maître sur l'humanité.
Voilà ce que nous disent aussi les massacres de Rana Plaza, Courrières et le meurtre à mains nues de Clément Méric.
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