Massacres du 7 octobre : des témoins israéliens accusent l’armée d’avoir tué ses propres soldats et citoyens
De nombreux détails sur ce qui s’est passé le 7 octobre restent mystérieux, notamment la manière dont les 1 400 Israéliens qui ont trouvé la mort ont été tués. De plus en plus de rapports indiquent que l’armée israélienne est responsable des décès de civils et de militaires.
Par Contributeur Anonyme, le 22 Octobre 2023
Note de la rédaction : L’auteur de cet article a demandé que son nom ne soit pas divulgué, craignant pour sa sécurité personnelle en raison de l’intensification des persécutions fascistes contre les voix critiques en Israël.
Traduit par Alain Marshal
Depuis le 7 octobre, les événements de cette journée fatidique sont entourés de mystère. On s’interroge non seulement sur l’incapacité colossale de l’appareil de renseignement israélien à anticiper ce qui se passait dans la bande de Gaza étroitement assiégée ou sur l’effondrement rapide de sa « Ligne Maginot », qui a coûté des milliards de dollars, mais aussi sur les détails de ce qui s’est réellement passé dans les bases militaires et les colonies autour de la bande de Gaza. Nous savons que, selon les estimations courantes, 1 400 Israéliens ont été tués dans les jours qui ont suivi, mais les détails quant aux circonstances de leur mort nous restent inconnus.
Certains rapports commencent à être publiés, y compris des documents sur des Israéliens tués par des combattants palestiniens, mais un nombre croissant de rapports indiquent que l’armée israélienne est également responsable de la mort de civils et de militaires israéliens survenue le 7 octobre et les jours suivants.
La directive Hannibal en action ?
Le vendredi 20 octobre, Haaretz a publié un long article de son principal analyste militaire, Amos Harel, décrivant l’incapacité d’Israël à se préparer aux attaques du Hamas du 7 octobre. Amos Harel présente à ses lecteurs « le commandant de la division de Gaza, le général de brigade Avi Rosenfeld », qu’il a rencontré quelques semaines avant la guerre et qui lui a dit que « les choses ne s’amélioreront pas, et à un moment donné, elles empireront ».
Il poursuit en décrivant ce qui s’est passé le 7 octobre :
« Le Bureau de coordination et de liaison a été attaqué le 7 octobre, ainsi que tous les avant-postes situés le long de la ligne de démarcation de la division. Une importante force du Hamas s’est emparée du point de passage d’Erez, qui était fermé pour la fête de Sim'hat Torah. De là, en quelques minutes et sans rencontrer de résistance, ils ont avancé dans la base militaire, tuant et kidnappant les soldats de l’administration civile, bien que quelques-uns d’entre eux aient réussi à riposter avant d’être touchés. [...] Le général de brigade Rosenfeld s’est retranché dans la salle de guerre souterraine de la division avec une poignée de soldats, hommes et femmes, essayant désespérément de secourir et d’organiser le secteur attaqué. De nombreux soldats, dont la plupart n’étaient pas des combattants, ont été tués ou blessés à l’extérieur. La division a été contrainte de demander une attaque aérienne contre la base elle-même afin de repousser les terroristes. »
Cette description sèche et flatteuse du haut commandant, caché avec quelques soldats dans un bunker souterrain et ordonnant un bombardement aérien de « la base » où ses soldats combattaient des militants du Hamas, peut-être blessés et peut-être faits prisonniers, en dit long sur la psyché israélienne en ces temps sanglants.
Cela me rappelle les événements du 1er août 2014, lors de la campagne israélienne la plus violente contre Gaza jusqu’à aujourd’hui [l’opération « Bordure protectrice », durant laquelle 62 soldats israéliens ont été tués dans l’incursion terrestre, des pertes sans précédent pour Israël à Gaza ; de l’autre côté, plus de 2 300 Palestiniens ont été tués – note du traducteur]. Le 1er août, un cessez-le-feu est entré en vigueur, mais une unité israélienne a lancé une provocation qui s’est terminée par la capture d’un de ses soldats par des militants palestiniens. La réponse israélienne a été dévastatrice, clairement conçue pour s’assurer que le soldat, Hadar Goldin, meure avec le plus grand nombre possible de Palestiniens. Selon les enquêtes d’Amnesty International et des Nations Unies, citées par Wikipédia, « le bombardement massif israélien a tué entre 135 et 200 civils palestiniens, dont 75 enfants, dans les trois heures qui ont suivi la capture présumée d’un soldat israélien ».
Ces événements ne sont pas des éruptions locales accidentelles du désir « samsonien » de mourir (ou de laisser mourir ses soldats) avec ses ennemis. Il s’agit d’une politique officielle bien documentée de l’armée israélienne, au moins depuis 1986, connue sous le nom de « directive Hannibal », « code Hannibal » ou « doctrine Hannibal ».
Les choses ont peut-être pris fin lorsque le général Rosenfeld a ordonné le bombardement de ses soldats. Il faudra des années pour que nous ayons (ou non) une vision complète de ce qui s’est passé le 7 octobre et les jours suivants. Mais outre les morts militaires, certains détails concernant le rôle d’Israël dans la mort de civils israéliens peuvent déjà être trouvés dans le flot de propagande qui entoure les événements de la journée.
Morts dans le kibboutz Be’eri
Electronic Intifada a publié une longue interview de Yasmin Porat, décrivant comment elle a été prise en otage par des militants palestiniens dans le kibboutz Be’eri. Selon son récit, les ravisseurs l’ont traitée, elle et les autres otages, « avec humanité », pensant qu’ils seraient autorisés à se retirer en toute sécurité vers Gaza grâce à la protection de leurs captifs israéliens. Cependant, lorsque les soldats israéliens sont arrivés, « ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages. Il y a eu des tirs croisés très, très nourris ».
Son témoignage est complété par celui de soldats israéliens qui ont décrit comment l’armée israélienne a tiré des obus de chars sur des bâtiments où se cachaient des militants et leurs otages.
Le 11 octobre, Quique Kierszenbaum a publié dans The Guardian un article sur sa visite du kibboutz Be’eri, organisée par l’unité de propagande de l’armée israélienne. Il écrit :
« Les bâtiments ont été détruits les uns après les autres, que ce soit lors de l’assaut du Hamas ou lors des combats qui ont suivi, les arbres voisins ont volé en éclats et les murs ont été réduits à des décombres de béton d’où les chars israéliens ont pilonné les militants du Hamas là où ils se cachaient. Les planchers se sont effondrés sur les planchers. Les poutres des toits étaient enchevêtrées et exposées comme des cages thoraciques. »
Dans un autre rapport publié dans Haaretz en hébreu (il ne semble pas être disponible en anglais) le 11 octobre, probablement à la suite de la même tournée de relations publiques guidée par l’armée, Nir Hasson et Eden Solomon ont interviewé « Erez, commandant adjoint d’un bataillon de réserve blindé ». Il a décrit comment lui et son unité de chars « se sont battus à l’intérieur du kibboutz, de maison en maison, avec les chars ». « Nous n’avions pas le choix », conclut-il.
Plus récemment, Nir Hasson est retourné à Be’eri et a interviewé un habitant local nommé Tuval, qui a eu la chance d’être loin du kibboutz au moment de l’attaque, mais dont la compagne a été tuée. Dans son article publié le 20 octobre dans Haaretz, Hasson rapporte ce qui suit :
« Sa voix tremble lorsqu’il se remémore sa compagne, qui était alors assiégée dans son refuge. D’après lui, ce n’est que lundi soir et seulement après que les commandants sur le terrain aient pris des décisions difficiles – notamment le bombardement de maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur afin d’éliminer les terroristes ainsi que les otages – que Tsahal a achevé la prise du kibboutz. Le prix à payer fut terrible : au moins 112 habitants de Be’eri ont été tués. D'autres ont été pris en otages. Hier, 11 jours après le massacre, les corps d'une mère et de son fils ont été découverts dans l'une des maisons détruites. Il est à craindre que d’autres corps gisent encore sous les décombres. »
Cette citation est importante pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elle permet de mieux comprendre la chronologie des événements. Ce témoignage semble indiquer que de nombreux captifs israéliens étaient encore en vie le lundi 9 octobre, soit deux jours après les événements du samedi 7 octobre. Si l’on aurait pu comprendre que des captifs aient été tués dans les tirs croisés d’une première riposte israélienne fébrile à l’attaque du 7 octobre, ce témoignage semble indiquer que la décision d’attaquer le kibboutz et toutes les personnes qui s’y trouvaient a été prise dans le cadre d’un calcul militaire froid.
Il est clair que des militants palestiniens se cachaient dans ces bâtiments avec leurs prisonniers israéliens tandis que les soldats israéliens se frayaient un chemin à l’aide de tirs massifs d’obus de chars d’assaut en combat rapproché. Une enquête pour savoir qui a causé la plupart des morts et des destructions qui ont eu lieu serait de mise. C’est d’autant plus important que ces morts sont maintenant utilisées pour justifier la destruction de Gaza et le meurtre de milliers de civils.
Implications pour les prisonniers israéliens à Gaza
Tout cela n’est pas de l’histoire ancienne. Il y a des implications pour la prochaine étape de la guerre, qui pourrait être encore plus sanglante. Un élément central du conflit est désormais le sort de plus de deux cents captifs israéliens, soldats et civils.
Pour les Palestiniens, il s’agit d’une occasion historique de libérer leurs militants emprisonnés de longue date de ce qu’ils appellent « les bastilles de l’occupation ». Même si les Palestiniens savent que la libération de leur terre est encore un rêve lointain, la libération de leurs détenus par le biais d’un échange de prisonniers est la victoire la plus précieuse à laquelle ils peuvent aspirer. Toutefois, Israël, comme il l’a prouvé à maintes reprises dans le passé et comme les événements récents pourraient l’indiquer, pourrait être prêt à mettre en danger la vie de ses soldats et de ses citoyens plutôt que d’assister à la joie de la liberté célébrée des deux côtés de la frontière.
20 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON