Maurice Audin, traitre ou héros ?
Dans son souci d’appréhender la complexité du réel, la rhétorique macronienne du « en même temps » au sujet de la guerre d’Algérie tente d’établir une équivalence entre la diversité des victimes, ainsi entre la mort controversée de Maurice Audin et le sort tragique des harkis.
Si les harkis, ces supplétifs de l’armée française, furent incontestablement des victimes du conflit, au même titre que les algériens massacrés par leurs compatriotes du FLN à Melouza (1957) ou à El Halia (1955), débordements pouvant être qualifiés de crime contre l’humanité, que les civils pieds noirs massacrés à Oran le 5 juillet 1962, quelques heures avant la proclamation de l’indépendance, en violation des accords d’Evian, et sans que l’armée française daigne intervenir, la fin tragique de Maurice Audin ne peut être placée sur le même plan.
C’est à tort que le président de la République a voulu élever le jeune Audin au rang d’une icône et l’insérer dans la longue lignée des martyrs d’un conflit où les civils et militaires aussi bien Algériens qu’Européens payèrent un lourd tribut à la folie des hommes.
Compte tenu des exactions commises dans les deux camps, aucun des deux n’est susceptible de prétendre à la supériorité morale, quand bien même un des adversaires luttait pour son indépendance. Si la guerre du point de vue algérien pouvait s’avérer légitime et juste, les moyens employés par les tenants du FLN ne le furent pas, surtout vis-à-vis de leurs compatriotes.
S’agissant du jeune Audin, cet assistant à l’université d’Alger, était membre depuis 1951 du Parti communiste algérien militant pour l’indépendance de l’Algérie, parti interdit en 1955 et en relation étroite avec le FLN, donc avec une organisation en lutte contre la France.
Audin n’était pas le seul en tant que militant anticolonialiste, membre du PCA et sympathisant du FLN. Je veux parler, entre autres, de l’ouvrier cégétiste Fernand Iveton, auteur en 1956 d’une tentative de sabotage dans une usine à gaz, condamné à mort par le tribunal militaire d’Alger, unique Européen guillotiné pendant le conflit.
A cette époque, le terrorisme FLN frappait partout, avec tous les moyens, pistolet, bombe, grenade…
« Le 12 mars 1956 le Gouvernement Guy Mollet demande et obtient - y compris par les députés communistes - le vote des pouvoirs spéciaux : « Le gouvernement disposera en Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures exceptionnelles commandées par les circonstances, en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire ». Guy Mollet cosigne avec le ministre de la Défense, Maurice Bourgès-Maunoury, celui de la Justice, François Mitterrand, et Robert Lacoste — gouverneur général de l'Algérie — un décret relatif à l'application de la justice militaire en Algérie et à l'attribution aux militaires des pouvoirs de police. » (Wikipédia)
Le jeune Audin s’impliquait activement dans le soutien aux poseurs de bombes. Quelques jours avant son arrestation, des attentats avaient eu lieu à des arrêts de bus et au casino de la Corniche, ce dernier faisant 8 morts et 92 blessés. Le militant communiste avait participé à l’exfiltration vers la Chine du terroriste Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA.
Maurice Audin agissait donc contre les intérêts français, à l’heure même où ses compatriotes, militaires ou civils, tombaient sous les balles, le couteau ou les bombes.
C’est dans le cadre des pouvoirs spéciaux de police dévolus à l’armée que Maurice Audin est arrêté par les militaires le 11 juin 1957 et interrogé dans un centre de rétention. Suivant des hypothèses contradictoires, il serait mort, soit poignardé, soit étranglé. Son corps n’a jamais été retrouvé, tout comme celui de milliers d’autres victimes anonymes.
En tout état de cause, si Maurice Audin avait été jugé, il aurait certainement été condamné pour trahison et soutien à une entreprise terroriste. Yveton avait été condamné à mort pour l’exemple. Francis Jeanson, le chef du réseau des « porteurs de valises », fut reconnu en 1960 coupable de haute trahison et condamné à dix ans de réclusion.
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