• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Mauvais genre

Mauvais genre

Il avait assisté à une conférence de Jeanne Hersch. Cela se passait à Genève, au Collège Voltaire s’il a bonne mémoire. S’il a bonne mémoire, il aurait préférer ce soir là aller revoir « Il Etait Une Fois En Amérique » qui venait juste de sortir, mais, bon, il se retrouva en face de cette philosophe qu’il ne connaissait pas, dont il ne savait rien. Comment s’était-il retrouvé là ? Il s’était retrouvé là.

Milieu des années 80. Il avait 18 ans. Il n’avait pas gardé grand souvenir de la conférence. Une phrase pourtant l’avait marqué. Juste une phrase, mais qui allait l’accompagner jusqu’en 2014, au moins… La dame avait dit : « Pour sortir du cadre il faut avoir un cadre ». Il avait 18 ans ; forcement, ça marque. « Pour sortir du cadre il faut avoir un cadre ». Limpide, étonnant, vif comme un coup de stylet. Pour sortir du cadre il faut avoir un cadre. Ca, il l’avait retenu.

 

2012, 2013 en France. Il est question du mariage homo. Il ne se trouve pas légitime pour débattre à propos de ce sujet car il se moque du mariage homo, (franchement, s’ils veulent vivre une vie de bourges, après tout…), car, tout simplement, il se moque du mariage. Ses grands-parents qui sont mariés depuis plus de 70 ans lui demandent quand est-ce qu’enfin il va épouser celle qu’ils appellent « notre belle ». Il est étonné de constater que cette interrogation lui fasse du bien, tout de même, puis comprend, ce qui pourtant est une évidence, que cette interrogation signifie tout simplement que ses grands-parents aiment celle qui depuis des années est sa compagne ; cette interrogation signifie tout simplement qu’ils voudraient, ses grands-parents, qu’elle fasse officiellement partie de la famille. Son grand-père est un homme simple et bon, il vendait des fruits et légume à la nouvelle Agora d’Athènes, à deux pas de l’Agora antique. Il est fier à l’idée de son grand-père donnant de la voix à l’Agora d’Athènes. Tous les dimanches ses grands-parents vont à l’église orthodoxe de Paleo Faliro. Quand il est en Grèce, il lui arrive de les accompagner, lui qui est athée ; cela lui rappelle son enfance. Le calme, la sérénité, et au sortir, ni dieux, ni maîtres, devant un bon gigot. Grand-père se fâche. Grand-mère se fâche. On fait semblant de se fâcher. On fait semblant, pour la forme. Qu’importe, on est ensemble.

 

2012, 2013. Il ne comprend rien à la manif pour tous, cela ne correspondant en rien à ses schémas internes. Frigide Barjot en tête de cortège (le système est bien foutu), ne faisant rien pour arranger les choses. La presse, de façon à peine voilée, présente les manifestants comme étant d’horribles fascistes rétrogrades, cathos intégristes, hystérique, (forcément hystérique). Mais qu’ont-ils donc contre les homos, tout ces gens-là ?

13 janvier 2013. Il est assis à une terrasse pas loin de la tour Montparnasse. La manif pour tous passe dans le quartier. Un vieil homme tenant une pancarte « un papa, une maman, deux enfants » s’installe à la table à côté de la sienne et se commande un demi. Ce qu’il y a de pratique avec une manif c’est que l’on peut parler avec son voisin ; même à Paris, cela peut encore se faire sans passer pour un dangereux psychopathe.

_ Vous étiez à la manif ?

Le vieil homme a la gentillesse de ne pas lui répondre que non, de se balader avec une pancarte ridicule est juste un de ses passetemps favoris lors de ses promenades dominicales.

_ Oui, oui.

_ Vous êtes contre le mariage homo ?

Le vieil homme a la gentillesse de ne pas lui répondre que non, il est pour le mariage homo, mais une de ses grandes joie dans l’existence consiste à participer à toutes sortes de manifestations et ce quelles qu’en soient les revendications.

_ Je suis pour le mariage, tel qu’il existe depuis des millénaires. Pas vous ?

_ Moi… Vous savez… L’une de mes chansons préférées de Brassens est « La non demande en mariage ». Alors…

_ Vous aimez Brassens ?

_ J’adore Brassens.

_ Je l’ai vu sur scène, à quelques mètres de là. Bobino. C’était à Bobino. En quelle année était-ce déjà ?

_ Vous avez vu Brassens sur scène ?

_ 66 ? 67 ? Je ne sais plus.

_ Vous avez vu Brassens sur scène ?

_ Il a chanté « A l’eau de la claire fontaine », il a chanté « La mauvaise réputation ». J’aimais beaucoup « La mauvaise réputation ». J’étais jeune, je faisais quelques bêtises.

Alors ils ont parlé de ses bêtises. Plus tard il a demandé au vieil homme s’il pouvait lui offrir une autre bière, et ils ont encore et encore parlé puis se sont séparés avec une franche poignée de main en sachant que jamais plus ils ne se révéraient. (Ca c’est Paris). Il regarda l’homme s’éloigner en réalisant qu’il ne l’avait pas questionné au sujet de sa femme. Car oui, de femme il y avait, mais ce jour-là, faut croire, qu’il n’avait pas envie de savoir. Il regarda s’éloigner le facho.

 

Nombre de ses amis sont des théâtreux. Nombre de ses amis sont des artistes. Donc, ben oui, nombre de ses amis sont des homos. Chose étrange, ils ne comprennent pas tout ce battage médiatique qui serait censé leur venir en aide. De cette aide-là ils n’en ont rien à faire. De cette aide-là, ils ne veulent pas. Mais il se pourrait aussi que ses amis homos ne soient pas très représentatifs.

 

Et voilà qu’arrive jusqu’à ses oreilles la théorie du genre. C’est quoi encore ce truc qui n’existe pas ? Des gens s’énervent, des gens s’agitent. C’est quoi encore ce truc ? Ce truc qui n’existe pas ?

Ce pourrait-il qu’on ne nous trouva pas encore suffisamment abrutis ?

Deux de ses proches sont au chômage.

Son meilleur ami a la pudeur déchirante d’écourter un appel téléphonique de peur d’éclater en sanglots au vu de sa situation financière catastrophique.

Le silence après ce téléphone-là.

Et :

Mariage pour tous.

Et :

Théorie du genre.

La théorie du genre qui n’existe pas.

Bon !

C’est encore quoi ce truc de « théorie du genre » qui n’existe pas ?

Sur i>TELE Eric Zemmour parle d’un questionnaire de la Ligne Azur, un site soutenu par l’Education Nationale. Cela est si énorme qu’il ose à peine y croire.

_ Les enfants n’appartiennent pas à leurs parents, dit une sénatrice, et puis non, elle ne l’aurait pas vraiment dit. Pas de chance Madame, les verba volant de moins en moins de nos jours.

Voilà, nous étions passés tranquillement d’Instruction nationale à Education nationale, (pas à s’en faire, ce ne sont que des mots et les mots ça ne veux rien dire), et après on s’étonna de ne l’avoir pas vu venir. Il s’interroge, dans ses premières années l’aurait-on influencé pour jouer aux petits soldats plutôt qu’à la poupée ? Et plus tard en a-t-il été de même quand il trouva Jean Seberg infiniment plus attirante que Jean-Paul Belmondo ? Mais, oui bien sûr, cela venait peut-être du fait qu’il soit une forme particulière de lesbienne munie d’un appendice qui la dispenserait de s’accessoiriser.

Le pire cependant restait à venir dans une des vidéos des plus anodines où une éducatrice suisse apprenait aux tout petits que garçons et filles, (garçons – filles, filles – filles, garçons – garçons), pouvaient se prendre par la main, pouvaient se toucher, s’embrasser, et que cela était bon.

Du vol.

Le pire des vols.

A 4 ans il était tombé amoureux d’une petite de son âge. Il n’osait s’approcher d’elle. Il avait peur d’elle. Il avait peur surtout des autres qui allaient le traiter d’amoureux, il est amoureux ! Il est amoureux ! Mais finalement il s’approcha d’elle et pris même l’habitude de s’asseoir à ses côtés, il est amoureux ! Il est amoureux. Il n’en avait plus rien à faire des moqueries. Ce qui se jouait là était bien plus important. Il assumait. Et un jour il osa prendre la main de la fillette dans la sienne. Elle voulait bien. Ce fut infiniment doux, pudique aussi, et la déflagration qui en résulta le fit se hisser à 10 000 pieds au dessus de sa condition de « petit bonhomme ». Qui est donc cette pseudo toubib qui va lui voler cela en faisant mine de le lui apprendre ? Ce jour-là le petit bonhomme avait tout simplement inventé l’amour, tout seul. Quelques années plus tard, quand il aura 16 ans, au sortir d’un premier grand chagrin d’amour, les adultes lui diront que ce n’est rien, que cela lui passera, que ce n’est pas grave, et lui de répondre qu’ils ne peuvent pas comprendre. Que connaissent-ils de l’amour ceux-là ? Les adultes ne peuvent pas comprendre. Les adultes : non, vraiment, on n’est définitivement pas sérieux quand on a 47 ans.

 

Sexualité : la connexion exacte de l’âme et du corps ; pourquoi veut-on manipuler ce qui se passe là, et ajouter de la confusion à une confusion déjà bien grande ? Le problème le plus important à l’école est-il l’homophobie ? En 2011 ils ont trop vite déclaré vouloir faire entrer la théorie du genre à l’école. Ils ont depuis fait marche arrière et traduit cela par « égalité filles – garçons » ; de même, quelques années auparavant, plutôt que de parler de la salarisation des femmes ils avaient hissé le drapeau de leur « Libération ». Bien joué ! Quand il s’agit de salarisation on négocie avec le patronat pour qu’il n’y ait pas de baisse de salaire, mais qui irait négocier pour que les femmes soient oui ou non libérées ? Qui négocierait sur l’égalité entre garçons et filles ? La méthode est toujours la même, et allons donc de ce pas soutenir la pauvre fille du professeur d’université dominée par la puissance du petit mâle, fils d’ouvrier au chômage !

 

Jeanne Hersch est enterrée au Cimetière des Rois, à deux pas de la maison où il a passé la plus grande partie de son enfance, Ses grands-parents eux sont au cimetière de Paleo Faliro. Ils ont eu la chance de partir avant de prendre acte de la disparition de leur pays. Les canards s’en vont et s’en viennent au parc George Brassens. « Pour sortir du cadre il faut avoir un cadre ». Il a depuis revu maintes et maintes fois « Il était une fois en Amérique ». Sortir du cadre est fort jouissif mais le briser n’est-ce pas se condamner à vivre en apesanteur, aussi déconnecté du réel que peut l’être un camp de nudistes de l’érotisme ?

 

« Mon bienaimé est blanc et rose

Sa tête d’or pur est belle entre toute

Son cou est comme une tige gracieuse

Et pourtant il y a peut-être un an qu’il ne l’a pas lavé ».

 

 

Trassibul.

Documents joints à cet article

Mauvais genre Mauvais genre

Moyenne des avis sur cet article :  4.71/5   (28 votes)




Réagissez à l'article

6 réactions à cet article    


  • bleck 8 février 2014 07:38

    Merci l’Auteur


    Pour cette bouffée de fraîcheur

    Revenez quand vous voulez ; cela fait un bien fou

    • bluerage 8 février 2014 07:42

      Belle prose...

      Les factieux du PS veulent nous voler nos enfants en leur disant que leurs parents n’ont rien à leur apprendre et que ce n’est pas à eux de faire leur éducation. Plutôt que de leur faire l’apologie de l’homosexualité ou du transsexualisme il serait peut être convenant de leur apprendre de quoi trouver un boulot à la sortie non ? Hors du boulot, à moins d’être la fille de Peillon, c’est loin d’être gagné...


      • Aldous Aldous 8 février 2014 08:42

        Να σε καλα. smiley


        • Francis, agnotologue JL 8 février 2014 11:59

          Bonjour Trassibul,

          oui, revenez quand vous voulez. Et même plus souvent si c’est possible.

          Je crois que je vais retenir cette phrase, si belle dans ce cadre : ’’Qui est donc cette pseudo toubib qui va lui voler cela en faisant mine de le lui apprendre ?’’


          • alinea Alinea 8 février 2014 14:31

            Vous n’êtes pas un homme, ou alors pas un vrai ! Trop de douceur, de candeur, de beauté, d’empathie, d’intelligence ! C’est peut-être que l’on ne vous a pas contraint à « ressembler à quelque-chose », qui ferait bien, encadré sur la cheminée, ou bien qu’il y a eu trop de laxisme qui a laissé une sensibilité s’exprimer !
            Les mots et tous les discoureurs étouffent la réalité de la vie ; vivre va devenir une résistance... je n’ai rencontré d’êtres que comme cela, c’est vrai, des artistes mais pas homos pour la plupart, mais féminins, tellement, mâles, étonnamment ! Un être humain quoi !


            • 65beve 65beve 8 février 2014 22:50

              Le danger rôde autour de la France,
              il est déjà en Suisse.
              Salauds de Suisses !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON

Auteur de l'article

Trassibul

Trassibul
Voir ses articles






Les thématiques de l'article


Palmarès