Meetic 2.0 a la faveur des bourses
Les « réseaux sociaux », ou plus simplement les communautés d’internautes, ont le choix entre deux modèles économiques : soit ils répondent à un véritable besoin et ils sont payants, soit ils sont financés par la publicité. Avec plus de 94% de ses revenus tirés des abonnements et un parcours financier brillant, Meetic, leader européen de la rencontre en ligne, le prouve : le désordre amoureux est une frustration solvable.

En parcourant la presse financière, je lis que « le site de rencontre en ligne Meetic, coté en bourse à Paris (FR0004063097 - code MEET), enregistre une progression soutenue de son chiffre d’affaires au premier trimestre 2007 (+ 59%), après une excellente année 2006 qui a vu ses revenus croître de 83% et le nombre de ses abonnés de 90%. La communauté financière conseille d’acheter la valeur ».
Bigre ! Un chiffre d’affaires qui fait boum ! Un résultat qui vire au rose bonbon et des actionnaires qui grimpent au septième ciel.
D’autant plus incongru que depuis cette année le nouveau Meetic version Web 2.0 oblige les femmes à payer pour courtiser et se faire courtiser en ligne. Une rupture avec le modèle économique originel qui laissait la gent féminine participer librement et gracieusement à l’aventure et ainsi servir d’appât aux hordes de mâles avides d’accouplements fougueux qui, submergés d’effluves de phéromones numériques, n’avaient d’autre choix que sortir leur carte bleue et s’abonner. Que n’avait-on pas entendu à ce sujet ! Que de Cassandres unanimes à prédire une vague de désertion féminine ne laissant sous le pavé numérique de nos claviers qu’une plage de « sumos, moches, désespérées, mal baisées et/ou déséquilibrées », provoquant la panique des crabes de cocotiers et l’effondrement des profits. Cataractes d’inepties et de jugements hâtifs !
Le nouveau slogan de Meetic le clame : « Les règles du jeu ont changé ». Fini le temps où le mâle en rut coursait la fragile créature de ses vœux, fourche en main, jusqu’à la première meule de foin. Les femmes ont pris le pouvoir. Meetic, c’est la revanche d’Eve, offrant à Adam l’Apple qui lui permettra de la retrouver au paradis des galipettes à haut débit. Au risque de l’effrayer ? N’ayez crainte mesdames, chassez le naturel, il reviendra en mode payant et en vidéo (au format « bête à cam » ?) dans une version 2.0 de l’éternelle parade amoureuse. Un philtre ADSL en prélude à toutes les ivresses ! L’amour en Open Source... Quand le « chat » fonctionne, les souris dansent. L’égalité des sexes ? Pas sûr... Tout au plus la possibilité pour les femmes de se comporter... aussi lourdement que certains rustauds.
Reste pour moi une énigme absolue, un des secrets les plus arcanes de notre société. Baba j’en suis... Avec une question qui me lamine jusqu’aux tréfonds du dernier neurone : Comment Meetic fait-il pour augmenter continûment le nombre de ses abonnés, alors que son unique et noble vocation (celle qu’il affiche) est d’aider de purs célibataires à trouver l’âme soeur ? Ce qui devrait logiquement éroder chaque jour un peu plus le nombre de membres de sa communauté...
Alors que je tentais de répondre à cette question, j’ai vu dans le magazine que je feuilletais deux images que je n’ai pu m’empêcher d’associer à deux manifestations imaginaires.
Une réunion à Bercy de stéréotypes Meeticiens, hommes frustes se nourrissant de menus mensonges et de sexe (ou vice versa).
Ndlr : l’affluence du palais omnisports rendant l’accès difficile, la photo aurait été prise à l’extérieur.
Un congrès des Meeticiennes intelligentes, belles, drôles, douces, compréhensives et sensuelles.
Pour imaginaires qu’ils soient, certains clichés ont l’avis dur ! Ils alimentent le doute qui m’assaille... Meetic serait-t-il donc devenu un nid d’abonnés caractérisés par une quête frénétique de relations furtives et par une tendance névrotique à se dépeindre (âge, taille, poids, situation familiale, revenus ou profession, objectifs de vie) sous un jour sensiblement plus avantageux que la (cruelle) réalité ne les y autoriserait ?
Moi qui fus jadis pion de cet échiquier, fou de ses moindres diagonales et le temps de quelques joyeuses Netscapades... l’amant de Lady Firefox, j’abomine à la vue des images, je me flagelle ! L’émotion me submerge et la cataplexie me guette ! Mamelouks et Bachi-bouzouks ! Si je ne me repentis pas séant d’avoir séduit quelque odalisque, je veux bien que le Grand Turc m’enterre candide... Mille cimeterres ! Qu’il m’enturbanne sultan et bien con dans les plis de l’indignation des masses bien pensantes... Vaurien kebab !
Sérieux ! Sûr qu’à ce rythme, le fonds de commerce n’est pas prêt de se tarir. En deux flashes l’abcès est percé... A présent, le jus de l’évidence coule, un glaire épais... Deux mille huîtres ! Je comprends subitement les recommandations hautement favorables d’éminents analystes financiers, unanimes à placer l’action Meetic au firmament des étoiles boursières et à lui conférer une place privilégiée, à la droite de L’Oréal et d’Air Liquide, au panthéon des valeurs dites de « fonds de portefeuille » ou si vous préférez... de « pères de famille ». Du parfait nougat ! Aucun souci... Y a encore montagnes de talbins à glaner dans cette aventure.
Mais ne craignez rien, l’être romantique que je suis ne vous abandonnera pas pantelant(e) au seuil lugubre et glacé de ce billet, perverti(e) par d’abjectes considérations financières... Livré(e) transi(e) aux ravages d’un impérialisme capitaliste aussi libidineux que cynique.
Pour preuve, je vous laisse avec Baudelaire et Bossuet. Baudelaire qui évoquait déjà Meetic en ces termes fort prémonitoires « Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxure, calme et volupté ». Et Bossuet qui écrivait, plus de trois siècles avant l’invention du téléphone portable, de la photographie numérique et des sites de rencontres : « C’est dans la vocation qui nous prévient et dans la persévérance finale qui nous couronne, que la bonté qui nous sauve paraît toute gratuite et toute pure ». Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre, duchesse d’Orléans (1670).
La voilà bien la rédemption de nos âmes Meeticiennes repues de luxure et de stupre... Alleluia ! Les temps sont venus pour chacun d’entre nous d’emprunter les voies jésuites de la licence globale... On aime et sème sur les messageries instantanées du désir et on s’unit pour le meilleur et pour le... Pire To Pire. Mais qu’il est doux de relire Bossuet, l’évêque de Meaux (sans « dem » celui-là) à une époque où un accès ralenti à Internet est aussi pénalisant qu’un abcès dentaire en Transylvanie au XVe siècle. « Madame se meurt, Madame est morte... »... Sacré Bossuet... Il ne possédait pas la clé USB du paradis, mais quelle modernité !
1 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON