Mélenchon, l’Argentine et l’Empire

Dimanche soir, à L’Usine, le QG de Mélenchon, le PG recevait trois témoins de la lutte de l’Argentine contre l’Empire : Ruperto Godoy, Juan manuel Inazabel, Marcelo Brigone, sénateur et député et militant argentins.

En France, on a récemment parlé de l’Argentine à propos de quatre nouvelles :

- La décision de privatiser Repsol, la compagnie pétrolière espagnole. Renationaliser serait plus juste car, appartenant à l’Etat, elle avait été privatisée. Ce que l’on ignore c’est que l’Europe dénonce cette privatisation et entend s’y opposer. On n’en attendait pas moins d’une Europe néo-libérale. Tout ce qui peut aider le peuple et amoindrir le capital est à bannir.

-D’autre part l’affaire de la frégate Libertad, navire école de la marine argentine arrêté au Ghana à la suite d’un recours de fonds détenteurs de la dette argentine. Que vient faire le Ghana là-dedans ? C’est comme si la Sénégal arrêtait un sous-marin russe de la part des possesseurs de leurs fameux emprunts. Le chef de la marine a présenté sa démission. Mais à qui obéit le Ghana ? Serait-ce un des pions de l’Empire ????

-La visite de Mélenchon reçu par la présidente Kirchner mais pas par l’ambassadeur de France qui s’est intéressé à lui sans l’inviter dans son ambassade, sans doute pour faire l’économie des fameux Rochers d’or Ferrero. (Mais Mélenchon qui veille à sa ligne et à son honneur n’a rien perdu.)

-De la grande manifestation qui a réuni dans les rues de la capitale une contre-manif opposée à la politique de Kirchner. « Clarin », leur « Monde » a eux, tout est dit, parle d’une foule de paysans, non ce sont de gros producteurs de soja transgénique qui ne veulent pas payer de taxe, et du peuple, non, ce sont les classes aisées qui entendent ne pas participer à l’effort national. Le tout soutenu par tout ce que les US comptent d’agitateurs dans les pays qui leur résistent.

Le matin sur FR3, on avait posé à Mélenchon l’éternelle question vicieuse : Pourquoi vos voyages en Amérique du Sud ? C’est un modèle ? (Sous-entendu un modèle de dictature car tout ce qui échappe à l’Empire, doux pays de doux agneaux évangélistes, est une sale dictature communiste en gestation.)

Non.

(A ce sujet j’ai adoré une de ses formules : « Le socialisme est une conviction, ce n’est pas une carrière. » Quelqu’un, sur un fil, a dit qu’il avait du culot de dire cela puisqu’il avait fait carrière dans le socialisme. Hé Non. C’est justement parce que sa carrière, au sein du PS, déviait rudement du socialisme, qu’il a quitté ce parti de plus en plus socio-démocrate pour créer le parti de Gauche, qui, lui, est le fer de lance d’une action pour la renaissance du vrai socialisme.)

Il y a depuis un moment, en Amérique du Sud, un vaste combat sur tout un continent. Et Mélenchon a raison d’attirer notre attention sur des luttes qui vont être les nôtres. L’Amérique du Sud est en avance, par rapport à nous, qui a souffert, bien avant nous, des exactions des banques et du FMI. C’est suite aux voyages de Mélenchon que je me suis fait un tableau des différents pays d’Amérique latine et de leur appartenance au camp du peuple ou de l’empire narcotrafiquant de la CIA. C’est très instructif. Et à ce sujet le livre de Peter Dale Scott « American War machine » nous renseigne d’une manière admirable.

L’empire et ses impitoyables escadrons de la mort, n’oublions pas l’opération « Condor ». Dans tous les coups d’Etat favorables aux US, avant, c’était l’armée qui intervenait. Maintenant c’est la police, nous précise Mélenchon, la police qui essaie, par tous les moyens, de reprendre la main là où les gouvernants veulent donner au peuple une meilleure vie.

Ne pensons pas que c’est loin l’Amérique du Sud. Ne pensez pas que c’est loin l’Argentine. C’est chez nous.

Nous en sommes maintenant au moment où s’est abattue chez eux la « règle d’or » du capitalisme qui, sous l’égide du FMI et des banques, enjoint au peuple de crever la bouche ouverte car il a trop dépensé et qu’il faut rembourser ses dettes.

 Mais parlons de l’histoire de l’ Argentine courageuse.

En 2003 quand Nestor Kirchner est élu président de la république, il hérite d’une crise sans égale. 17% de chômage (qu’il va réduire à 11%), une monnaie dévaluée de 75%. Qui va le conduire à annuler la dette publique, la plus importante de l’histoire mondiale.

Il ya une grande similitude, comme le fait remarquer Mélenchon entre l’Argentine de 2003 et la Grèce d’aujourd’hui.

La différence c’est que Kircher a chassé le FMI alors que Papandréou, président de l’internationale socialiste, s’est couché devant lui. Et qu’on ne dise pas qu’il ne pouvait pas faire autrement. La preuve.

Un autre sujet de Mélenchon sera de souligner le désespoir qu’il y a, pour lui, à constater qu’au moment où le socialisme aurait tellement besoin d’être uni, il est abandonné par cette internationale qui a glissé chez les socios-libéraux. Fausse gauche qui abuse le peuple et dirige vers les abattoirs du néo-libéralisme.

Le grand but de Mélenchon et de tous les véritables hommes de gauche est de recréer cette internationale socialiste dont le monde à tant besoin pour sauver la planète et lancer des programmes d’économie écologique.

L’Argentine est-elle un modèle ?

C’est une source d’inspiration.

Sur certains points elle est en retard.

Ainsi, l’opposition du Vatican, a empêché la légalisation de l’avortement. Les femmes riches s’en tirent mieux que les autres. Comme toujours.

 Mais elle vient de voter le vote à seize ans et une loi qui permet à chacun de dire : « Quel est son genre », ce qui est pour beaucoup surréaliste ! N’en parlez pas à monseigneur 23 qui ne ferait ni une ni deux pour passer l’arme à gauche en cinq-sept ! 

Ce que l’on ressent quand on écoute ces trois représentants de la démocratie argentine, qui, après avoir rencontré la Grèce et Tsipras viennent soutenir le Front de Gauche, est cette universalité en marche qui va devenir une force qui sera de plus en plus exigeante, intraitable. Face à eux on connaît les armes de nos adversaires libéraux : les coups d’Etat en particulier.

Ceux qui disent : Ah mais les coups d’Etat c’est en Amérique du Sud !

Non. C’est en Europe où la clique Goldman Sachs dirige. Ou le MES et le TSCG font loi, où Hollande, se présentant faussement comme un socialiste, applique les programmes de la droite et de l’extrême-droite.

L’élection de Hollande est une forfaiture car il a abusé d’un nom « socialiste » et de sa signification pour tromper un peuple. C’est beaucoup moins violent que le 11 novembre 1973 au Chili, mais beaucoup plus économique et néanmoins efficace. Après le hardware, le software.

Je voudrais dire à ceux qui sont de droite ou d’extrême-droite et fermement enfermés dans ces convictions : « Il faut rembourser les dettes, il faut réduire la dépense, il faut dégommer les conquêtes de CNR », plus le temps passe, moins elles seront tenables. La montée des eaux a commencé. Le naufrage va suivre. Selon votre position, plus haut ou plus bas sur la colline de la hiérarchie sociale, vous serez plus tôt ou plus tard contraints de dire qu’on ne peut pas, en France, puisque c’est notre pays et que là est le cœur de notre combat, renoncer à un siècle de progrès pour retomber au temps de l’esclavage. Tout le monde est dans le même sac. Vous êtes riche ? Vous vous croyez au-dessus de ce cataclysme ? Que pensez-vous que feront les peuples quand, comme aux Etats-Unis, les villes seront en faillite, ne pouvant même plus payer l’électricité commune, ni la police ? Avez-vous réfléchi aux conséquences de cet abandon d’une immense partie de la population ? Vous viviez dans un monde équilibré, n’est-ce rien de le perdre, détruit par des jeux de casino ? Pourquoi aspirez-vous au chaos sans rien dire ? Le chaos pour les autres ? Non, le chaos pour tous ! Le chaos pour vous ! Le chaos pour vos enfants !

J’étais dimanche soir à l’Usine…

Il est évident que quand on écoute un discours de Mélenchon, à côté des discours de Copé, Fillon ou Le Pen , je ne parle même pas d’Ayrault ou de Hollande, on a l’impression d’être en Grèce ancienne sou les colonnes des grands temples. C’est un homme, on le sait, d’un art oratoire consommé. D’une aisance incroyable dans l’improvisation, mais aussi d’une intelligence, d’une connaissance de l’histoire et des évènements actuels qui instruit et émeut.

Au sujet de ses dernières analyses et traits d’esprit, rapportons-en quelques-uns :

Lors de son interview sur FR3 , au journaliste qui le provoque :

« -Mais vous êtes contre les gaz de schiste, cela va pourtant créer des emplois…Peut-on être contre la création d’emploi ?

-Oui, mais si l’on crée cent emplois pour vous donner des gifles, cela va-t-il être utile ? Il faut tout de même quand on crée des emplois qu’ils soient pour le bien de tous. »

Comme la gifle était bien donnée ! Plus sérieusement, hier, lors de la réunion de présentation du contre-projet budgétaire du Parti de Gauche présenté par Jacques Généreux et dont je vous parlerai demain en la comparant à la conférence de presse de Hollande, Mélenchon a deux éclaircissements remarquables en ce qui concerne des questions éternellement posées.

Ainsi l’une : « Certains disent que la France va être sauvée par la reprise de l’activité économique aux Etats-Unis et de son commerce extérieur, si son commerce intérieur traîne la patte. (Ce qui implique , quand même, que si, nous, à l’intérieur, nous n’avons rien pour acheter des clopinettes, ça n’a pas d’importance. » )

Réponse de Mélenchon : « Si les EU retrouvent un dynamisme économique alors qu’il n’y a rien de moins sûr, ils le feront en gardant un dollar très bas, ce qui sera totalement préjudiciable à l’Euro. Quant aux ventes « à l’étranger », l’Europe vend pour 80% à l’Europe. Donc comment des pauvres achèteront-ils à des pauvres ? L’affaire est mal engagée.

L’ autre : l’éternelle question : « Mais si on taxe les plus riches, (il s’agissait ici de supprimer les niches Copé qui ne rapportent rien en matière d’investissement), ne partiront-ils pas à l’étranger et facilement, puisque vous serez les seuls à faire ça en Europe ? »

Mélenchon : « Si nous sommes les seuls à faire ça en Europe, augmenter les bas salaires et développer la planification écologique, c’est chez nous qu’il y aura des opportunités de travail, pas chez les autres, et tout le monde y viendra vite. »

Je finirai sur ma préférée, toujours sur FR3 :

 -Mais est-ce nécessaire le lyrisme en politique ?

-Oui, l’amour des autres est important.

C’est ainsi que la finesse mystifie la lourdeur, répondant à une remarque sur la forme et lui substituant la seule réalité : celle de l’esprit.

Très fort M. Mélenchon.

Si vous êtes parisien et si vous ne l’avez jamais entendu en direct, je vous propose de venir l’écouter vendredi soir au Gymnase Japy à Paris. A 19h30. Cette réunion entre dans le cadre de la semaine organisée par le PG contre l’austérité. Il interviendra avec Pascale le Néouabnnic qui se présente contre Devedjian dont l’élection a été invalidée.

 Vous pourrez juger.

Mélenchon offre au peuple une voix à la fois populaire et aristocrate.

Peut-être que ce mot ne plaira pas à certains.

Il est mal connoté. Marquis poudrés aux têtes vacillantes.

Mais « communiste » n’est-il pas aussi connoté d’une manière épouvantablement négative ?

Il nous appartient de redonner aux mots leur sens juste. 

L’aristocratie (aristoï/ cratos) est le pouvoir des meilleurs.

Ceux qui, de Montaigne à Rousseau, pour ne citer que deux noms que j’aime, affirment, dans l’histoire de l’évolution humaine, l’existence d’une humanité au-dessus de l’animalité, de ses instincts, mais surtout au-dessus d’une humanité dévoyée qui, par ses excès, arrive à faire ce qu’aucun animal ne pourrait faire : détruire la planète qui le porte.

Les meilleurs, les plus informés, les plus combattants, les plus désireux de partage, les aristocrates du cœur et de la pensée, sont ceux qui, semblables à ces messagers argentins qui nous entretenaient, disent non à la dictature bancaire en descendant dans la rue, dans toute l’Europe le 14 novembre. Date unique et exceptionnelle.
Mélenchon a raison de dire qu’elle est importante car elle va permettre de compter les forces de cette Europe des peuples qui en train de naître. Oui, c’est une date historique

Merci les tyrans de nous aider à nous connaître et à bâtir un nouveau monde..

Et si les aristocrates étaient les sans-culotte en lutte contre un monde culotté dont il convient d’éclairer la lanterne ?

 La « jeune Europe » a soif de justice !