Mélenchon prophétise et Raymond la science analyse la campagne
C’est certainement Jean-Luc Mélenchon qui a su donner à cette campagne présidentielle un peu de punch, de piment, offrant aux esprits en mal de frétillement quelques scènes qui, en y regardant de plus près, autrement dit avec le retrait que procure le décalage herméneutique, donne franchement l’impression d’assister à une sorte de péplum post-moderne très bien conçu, avec des dizaines de milliers de figurants. C’est sympathique, beau à voir, comme un film réalisé par Spielberg sur la vie de Louise Michel ou de Jean Jaurès et pas cher à produire. Je reste sceptique, car au fond, sans vouloir rabaisser ni dénigrer le « peuple de Mélenchon », tout ce spectacle ressemble à un phénomène qui est plus d’ordre religieux qu’authentiquement rationnel. C’est tout à fait naturel me dirait Hermann Broch. Ajoutant tout de même que Mélenchon n’a rien d’un éveilleur ni d’un visionnaire providentiel.
De quoi Mélenchon est-il le nom ? Pourquoi pas un mélange de Savonarole, de Shabbataï Zevi et d’Abd-el-Kader. Cependant, on ne trouvera nulle explication de la rhétorique mélenchienne dans les thèses de la Mirandole, le Zohar ou le Coran. Jean-Luc Mélenchon, c’est notre Moïse qui tente de nous sortir d’on se sait quel esclavage face aux marchés sans pour autant qu’il y ait une terre promise. Autrement dit une révolution sans avenir. La rhétorique risque bien de s’effondrer comme un château Descartes. Il suffit de convoquer la raison. On n’imagine pas Robespierre risquer la guillotine pour imposer un smic à 2 Louis d’or. Peut-être y a-t-il une terre promise au 21ème siècle mais ce serait plutôt un ciel. Apprendre à voir autrement le monde et se libérer de toutes les formes d’esclavage, technologie, marchandise, traditions oppressantes et autres diktats culturels ou idéologiques. L’universel est un mystère que l’on peut rencontrer et non pas ce pathétique universalisme franchouillard et jacobin dont se réclame Mélenchon qui a replongé dans la marmite moisie des planches maçonniques. La France présente sur cinq continents, la France bigarrée de ses diversités. Quel rapport avec l’universel ? Mélenchon se trompe et finalement, il veut prendre ses distances avec les Etats-Unis parce qu’au fond, il envie ce pays qui est devenu première la puissance régnante.
C’est Pâques. Nous fêtons la résurrection et gloire à Mélenchon pour avoir ressuscité le parti communiste et la politique gaulliste de défiance face à l’Otan. Mais pas de quoi revenir aux débuts de la cinquième avec un PC dépassant les 20 points. Et puis Mélenchon n’a pas l’intention de restaurer cette époque. Il se réclame plutôt de la troisième république. Pâques c’est aussi une méditation sur l’incarnation et il faut bien le reconnaître, Mélenchon incarne bien son personnage et sa rhétorique à la Jaurès passe bien mieux que lorsqu’elle fut racontée par le président désincarné qui cette fois, en 2012, préfère jouer sur la peur. Sarkozy aime la France silencieuse, celle qui rase les murs, épie son voisin suspecté de recevoir des aides sociales pour glander. Sarkozy aime les gens qui se sentent impuissants, les victimes, les pleutres. C’est son fond de commerce politique. Alors on ne va pas se plaindre de cette agitation des indignés, des travailleurs, des gueux républicains décidés à clamer la révolte contre le système financier et à suivre le tumulte et le vacarme. Un meeting de Mélenchon, c’est un peu comme une fresque de Delacroix commentée par Michelet. Ou alors un match de ligue des champions avec son effervescence des dévotions. Il ne suffit pas d’assister à un meeting et de sauter comme un cabri en criant révolution dirait notre ami le général de Gaulle.
Et Raymond la science, qu’en pense-t-il ? Raymond a noté qu’il y a dix candidats et que c’est génial pour les chaînes de télé. Deux semaines et dix jours pour inviter chaque camp. Certes, le lundi de Pâques est moins fréquenté, sauf sur les routes, alors les télés ont offert l’antenne aux petits candidats. Dix candidats, dix jours, et cette campagne, Raymond, comme la vois-tu ? Eh bien je vois un gros avion, de la compagnie En-France. Un quadrimoteur. Deux puissants moteurs de part et d’autres, alimentés par des équipes et commandés par François Hollande qui a le moteur de gauche et Nicolas Sarkozy qui a le moteur de droite. Deux puissances équivalentes. Presque 30 ouates. Deux moteurs d’appoint qui font la moitié, presque 15 ouates pour Marine le Pen à droite et Jean-Luc Mélenchon à gauche. Sur le tarmac, il y a un type qui veut entrer dans la cabine de pilotage. C’est François Bayrou. Et sur le tarmac, une petite dame blonde qu’on voyait souvent avec des bésicles rouges mais qui maintenant, joue les stars avec des lunettes de soleil. Elle calcule le bilan carbone du quadrimoteur. Elle s’appelle Eva Joly. Dans la tour de contrôle, il y a un type qui discute avec passion. Il veut que le plan de vol ne prévoie pas d’escale en Allemagne. C’est Nicolas Dupont-Aignan. Dans un coin de l’aérogare, un vieux bonhomme tente d’interpeller les passagers en vendant des voyages sur mars. C’est Jacques Cheminade. Dans les bureaux de la direction, une jeune dame assez agitée croit qu’elle va convaincre les dirigeants de donner la compagnie et le gros avion aux travailleurs qui sauront mieux s’en occuper que les propriétaires. Elle s’appelle Nathalie Arthaud. Et voilà, c’est cela la campagne… zut, j’en ai oublié un, ce gars franchement sympa et souriant aux anges. Il est à la buvette et regarde l’avion sur le tarmac. Il rigole avec ses potes, sirote un pastis et se demande ce qu’il fait là. Il s’appelle Philippe Poutou.
Eh dis donc, Raymond, c’est pas sérieux ton truc, et la politique, les gens, t’en fais quoi ? Moi, je vote pour le parti d’en rire !
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