Mémoires d’un journaliste rédempté
J’avais dans un premier temps songé à un autre titre : “Eloge de la collaboration, ou le règne des medias-moutons”.
Je trouvais que cela sonnait pas mal, mais un peu trop consensuel à mon goût.
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J’aurais commencé par enfoncer des portes ouvertes, à dire ce que tout le monde ici sait déjà : une “presse aux ordres”, une presse “vendue”, une presse “muselée” qui aime d’autant plus parler de liberté qu’elle barbotte et se complait dans une crasse servilité envers le Dieu-Argent.
Que n’aurais-je dit qui ne l’ait déjà été ? et ce à maintes reprises et par des plumes plus aiguisées que la mienne.
Aussi me suis-je dit, “Igor” (oui, il me plait de m’appeler Igor à cette occasion, la fiction à cela de bon qu’elle permet quelques fantaisies !).
-Igor !
-Quoi ? (me suis-je répondu)
-Imagine une petite histoire : la troisième guerre mondiale vient d’avoir lieu. Une scène quelque part dans un sombre recoin du monde (évite de mettre trop de details, car tu es nul pour dépeindre les paysages) – tu dis juste que c’est sombre, triste et que l’humanité (enfin ce qu’il en reste) ne la mène pas large.
Il ne fait pas bon vivre en ces temps. Il règne une telle obscurité que l’on en vient à penser que c’est bel et bien de ces temps dont il fut dit jadis “Les vivants environs les morts.”
J’écoutais avec attention, ce que j’étais en train de me dire
Il, enfin “je”… poursuivit :
Un père, et son fils.
Tous les autres membres de la famille sont morts.
Ce père avait été journaliste dans un grand media avant la “dernière guerre” - car en ces temps on ne dira pas “3ème guerre mondiale”, on dira juste “la dernière guerre”, celle après laquelle il n’y plus rien à perdre, tout ce qui pouvait être détruit l’aura déjà été.
-David, (prénommons ainsi ce na-guerre journaliste) avait assisté à toutes les étapes du déclenchement du conflis.
Il avait bien fait son travail, il avait menti comme un arracheur de dents. Il avait abboyé à l’unisson avec tous ses con-frères de meute. Il avait goutté le frêle tressaillement glacé de l’orgeuil qui tel une onde, parcourt l'échine à chaque acte égoïste adoubé par le mensonge. Il aimait le petit pouvoir qu’il croyait détenir. Il se sentait important. Il se sentait quelqu’un.
Mais tout cela c’était “avant”.
-Papa, à quoi tu penses ?
(Premiere intervention du fils, il est assis sur un tabouret, on n’en saura pas plus, on vous l'avait dit, les décors, c'est pas mon fort.)
La mine taciturne, le regard vide de son “papa” l’avait invité à rompre le silence pesant qui durait depuis des jours.
David regarde son fils tout en ruminant intérieurment.
Est-il encore un homme ? Il a l'impresion d'être un spectre, il se sait déjà mort. Si il sentait encore en lui quelques petites lueurs de vie, il pourrait peut être trouver un peu de consolation. Mais rien, plus rien.. Et cette mort qui ne vient pas ! Pourquoi a-t-elle fauché tout le monde autour, et pas lui ? Est-ce pour lui laisser une dernière chance de se racheter ? Mais a...
- Papa !
Cette fois la voix de l’enfant est assez forte pour traverser l’épais brouillard de ses pensées.
-Quoi ?
-A quoi tu penses ?
David se détourne… il n’ose même plus regarder son fils dans les yeux. Cela lui fait trop mal, et pourtant là, l’espace d’une fraction de seconde , leurs yeux se sont croisés.
Cela lui a procuré comme une petite décharge éléctrique au niveau du coeur… et si… et si…
Si il lui parlait un peu… là, maintenant ?
Mais c’est tellement difficile.
Les premiers mots mettent du temps à sortir.
- Cette guerre… cette guerre…
On devine une lutte intérieure, et chaque mot qui sort est une victoire sur cette torpeur dans laquelle il s’était enfermé le jour où sa femme bien aimée avait rejoint l’autre monde… dans des circonstances qu’il avait essayé d’oublier pour échapper à la folie.
Mais l’horreur est tenace.
- Cette guerre… poursuit-il.
Une larme commence à rouler sur sa joue, il s’en rend compte, et l’essuie avec une colère qui lui donne enfin la force de sortir de son silence :
- Cette guerre… j’aurais peut-être pu l’éviter ! J’aurais pu faire quelque chose ! Là où j’étais… j’aurais … mon Dieu ! Pourquoi n’ai-je rien vu ! Non c’est faux ! Assez de mensonges ! J’avais TOUT sous les yeux !
Son discours est décousu, ce n’est plus un journalise, ce n’est plus qu’une âme tourmentée. Il fait peine à voir… et mal à entendre.
Quelque part au fond de lui, une conscience se fait jour, qui ne lui laisse plus aucune paix. Il se sent nu, il se sent mal, mais peut-être pour la première fois de sa vie… il ne triche pas.
Il n’a plus personne à qui “vendre” ses mensonges et il a cessé d’y croire.
A quel prix…
Son fils le regarde.
David détourne encore le regard.
L’enfant est là, transparent, semblable à un miroir de Vérité qui semble lui dire :
Regarde toi !
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