Mensonge officiel sur la mort d’un adjudant en Afghanistan
Dans un communiqué de presse publié hier 6 juillet 2011, l'ADEFDROMIL (Association de Défense des Droits des Militaires) dénonce un mensonge officiel sur la mort d'un adjudant en Afghanistan en novembre 2008.

LE COMMUNIQUE :
En novembre 2008, en Afghanistan, on a camouflé les circonstances de la mort d’un sous-officier démineur et celles des blessures graves de l’un de ses camarades, envoyés en reconnaissance dans une zone dangereuse et interdite en vue d’y organiser un simple exercice d’entraînement.
Le 22 novembre 2008, en Afghanistan, à proximité du camp de Duralaman, à 10 km environ de Kaboul, l’armée française a eu à déplorer un mort et un blessé grave à la suite de deux explosions dans un champ de mines soviétiques. Par la suite, un officier et un adjudant participant également à la mission, ont développé un syndrome de stress post-traumatique, appelé névrose de guerre.
Dans son communiqué daté du même jour, le Chef de l’Etat avait dénoncé : « le piège meurtrier par engin explosif tendu à une patrouille » et « condamné avec force les pratiques lâches et barbares des ennemis de la paix en Afghanistan ».
Or, selon les témoignages concordants recueillis par l’Adefdromil, ce mort et ces blessés résultent en fait de graves négligences et imprudences, susceptibles d’engager la responsabilité pénale d’officiers supérieurs.
Ainsi, après que toute activité sur le terrain où se sont produites les explosions, a été interdite par note de service, il a été néanmoins décidé, début novembre, d’organiser un entraînement sur ce même terrain, non dépollué et non reconnu.
Le détachement du Génie, chargé du déminage, a reçu, le 17 novembre, un ordre particulier de reconnaissance s’affranchissant de la consigne : Suite à la note de service du 23 octobre 2008, la zone au sud ouest du camp de DURALAMAN est interdite à toute activité. Le DUBS challenge sera organisé dans cette zone à compter du… C’est au cours de l’accomplissement de cette mission, que deux sous-officiers démineurs hautement qualifiés se sont retrouvés pris dans un champ de mines antipersonnel datant de la présence soviétique en Afghanistan.
Après avoir neutralisé deux engins, ils ont reçu l’ordre de regagner un chemin sûr. Lors du repli un sous-officier a fait exploser une première mine et a perdu une jambe. L’autre sous-officier, l’adjudant REY, choqué par le souffle de l’explosion, s’est alors assis sur une autre mine antipersonnel non repérée. Son corps a été pulvérisé.
L’officier a parfaitement réagi et a pu faire évacuer le blessé dans un véhicule et lui a prodigué les premiers soins, lui sauvant ainsi la vie, selon les médecins.
L’enquête de commandement à laquelle ont pris part les officiers impliqués dans la violation de la consigne n’a débouché, à ce jour, sur aucune poursuite pénale. La carrière de ces officiers semble se poursuivre normalement.
Dans les jours et les mois qui ont suivi, l’officier et l’adjudant profondément choqués, isolés, laissés sans soutien psychologique, rabaissés professionnellement, ont servi de boucs émissaires. L’officier a même été sanctionné, près d’un an après les faits, pour le protéger d’une « judiciarisation » à ce qu’on lui a dit. Ce comportement de la chaîne hiérarchique a eu pour effet d’amplifier le traumatisme vécu et de culpabiliser les deux militaires.
L’adjudant souffre d’une névrose de guerre reconnue imputable au service. Il est marqué à vie. Il est en congé de longue durée depuis deux ans. L’officier, un capitaine, souffre également d’un stress post-traumatique important. Il a été arrêté plus de six mois, puis a repris son service dans un poste non-opérationnel. Une expertise est en cours pour déterminer son taux d’invalidité et l’imputabilité au service.
La prescription des délits susceptibles d’avoir été commis, n’étant pas acquise, une plainte contre X a été déposée devant le tribunal aux armées de Paris, compétent pour connaître des crimes et délits commis hors du territoire de la République, lors des opérations extérieures de l’armée française. Le plaignant est assisté par Maître Elodie Maumont, du cabinet MDMH, avocate au Barreau de Paris.
L’Adefdromil soutient cette démarche courageuse qui vise à établir la vérité sur la mort d’un sous-officier et les blessures graves infligées à quatre autres militaires.
Cette affaire porte atteinte à la crédibilité des communiqués officiels émanant aussi bien de l’état-major que du chef des armées, s’agissant des circonstances des blessures mortelles ou graves reçues par des militaires de l’armée française engagés en Afghanistan.
Elle démontre :
- la nécessité de mettre en place sur les théâtres d’opérations extérieures un procureur aux armées, chargé d’enquêter avec des officiers de police judiciaire des prévôtés mis à sa disposition sur toutes les blessures mortelles ou graves reçues par des militaires de l’armée française ;
- l’inanité, dans un Etat de droit, de l’étude demandée récemment à un avocat par le ministre de la défense, sur la « judiciarisation » des opérations militaires. Cette étude vise en fait à proposer des modifications législatives permettant aux chefs militaires de mieux dissimuler non pas le secret des opérations, mais des erreurs graves d’appréciation aussi bien à l’entraînement qu’en opérations, erreurs qui constituent des fautes professionnelles susceptibles d’être qualifiées pénalement ;
- le défaut de prise en compte en amont du risque de stress post-traumatique pour les militaires confrontés à des accidents dramatiques et à la violence des engagements sur le terrain. Par ailleurs, l’Adefdromil a reçu d’autres témoignages qui soulignent l’insuffisance de l’aide aux blessés aussi bien sur le plan psychologique que sur le plan administratif.
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