Mercenariat : des emplois en veux-tu en voilà
On retrouve des mercenaires dans tous les conflits et leur terrain de prédilection a longtemps été : Angola, Congo, Comores, Yémen, Liban, Israël, L'ex-Yougoslavie, Rhodésie, Amérique latine et le sud-est asiatique. Des noms mythiques résonnnent : Robert Denard - Jean Shramme - Rolph Steiner, dernier en date Evgueni Prigojine. Pour le petit Robert la définition du mercenaire est claire : « qui n'agit, ne travaille que pour un salaire ». Hasard du lexique, cette définition est proche de celle du mot prolétaire : « celui qui ne vit que grâce à son salaire ». Ce mot tend à disparaître remplacé par militaire privé, contractor, voire milice. Adieu : affreux - chiens de guerre - soldat de fortune termes répandus lors de la post-décolonisation.
Le mercenariat a connu un changement de paradigme. La physionomie des engagements a changé et il ne s'agit plus de contre-guérilla. Les hommes protègent des plates-formes offshore, des installations industrielles, minières, des navires, et certains participent à des conflits armés, des opérations de contre-terrorisme ou à des guerres hybrides dont l'organisation s'apparente plus à une armée privée. Le marché est estimé à près de 300 milliards de dollars.
On distingue peu ou prou cinq catégories de recrutement :
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par un gouvernement ou un mouvement étranger ;
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une firme internationale ;
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son propre gouvernement (hors cadre ou non) ;
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force de sécurité personnelle ;
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privé pour participer à un sauvetage ou à une exfiltration.
Trouver un pays de destination ? rien de plus simple. Il suffit de suivre la géopolitique où menace une guerre civile, une guerre de libération, une guerre entre nations ou tout pays dans lequel l'ordre et la sécurité sont très gravement compromis. Le profil type : célibataire âgé d'une vingtaine à une quarantaine d'années - bonne condition physique - capable de s'exprimer dans une langue autre que la sienne - expérience militaire souhaitée. Les grades déclarés par les impétrants ne signifient pas grand-chose. Il y a souvent inflation du grade en raison du manque de compétences des locaux. Un sergent peut être nommé lieutenant.
Pour décrocher un contrat il suffit d'avoir conservé quelques relations. Dans les années 70, un bar du quartier Saint-Gilles de Bruxelles servait de lieu de rencontre (et de la Jupiler ;-)). En 1977, la société France Outre-Mer Service recrutait pour les Comores. Au cours des années 90, le « colonel » traînait ses guêtres vers le haut du faubourg Saint-Antoine (Paris). Out Comes avait son siège au 535 king Road à Londres. Aucune plaque sur la façade de l'immeuble. Les bureaux étaient situés au deuxième étage. Le Parti Populaire National Haïtien recrutait des hommes pour renverser « Baby Doc » via le numéro de téléphone 24. 35.06.... à San José (Costa-Rica). Actuellement les candidats peuvent postuler en ligne ([email protected]../.......). Se méfier des « pots de miel »... Ne jamais candidater en ligne ni se répandre sur les réseaux sociaux surveillés par tous les SR.
On rencontre des groupes composées d'Anglo-saxons, hispanophones, russophones (Syrie, Lybie, Ukraine, Centrafrique, Mali), francophone et des hommes d'Europe centrale. Un groupe composé d'étrangers n'a que peu à voir avec une unité traditionnelle. Les hommes ne se connaissent pas et si tous participent à la même aventure, il n'en règne pas moins une certaine individualité. Dans une petite unité toute défection peut être lourde de conséquence et l'adversaire n'est pas prêt à faire de cadeaux à des étrangers venus les combatre.
Ce n'est que rarement une guerre de chasse. Les combats sont faits d'accrochages, d'embuscades, d'engagements sporadiques, de contacts, et de replis. Pas question de poursuivre l'adversaire, cela reviendrait à être très rapidement coupé de ses arrières. On y perd en puissance de feu et en déplacement ce qu'on gagne en mobilité. Il n'est pas rare qu'une compagnie ne compte qu'une cinquantaine d'hommes, un régiment 300 hommes, effectifs à peine suffisants pour le bouclage et le ratissage d'une zone. A cela s'ajoute le manque de munitions, d'armement, de véhicules, d'appuis, de moyens de communication, de vivres et de médicaments. Bref tout ce qui appartient en propre à la logistique. « Cette guerre est dure, elle ne ressemble pas du tout à d’autres, comme les guerres de Tchétchénie. Chez moi, la consommation de munitions est environ deux fois et demie plus importante qu’à Stalingrad » Evgueni Prigojine.
Ce n'est pas dans le feu de l'action que l'on acquiert une formation de fantassin, grenadier voltigeur, infanterie mécanisée, génie de combat et encore moins des Forces spéciales. Toute personne désireuse de se lancer dans cette aventure devrait avoir suivi une instruction militaire : manœuvre, déplacement, observation, éclairage, renseignement, communication, armement, emplacement de tir, lecture de carte et orientation, embuscade, camouflage, attaque, défense, repli. Des entreprises proposent des stages d'une semaine (800 euros) et certaines se disent mandatées par Kiev pour accréditer des stagiaires ! Il se dit que les combattants étrangers sont utilisés en première ligne afin d'épargner les vies des siens. Prendre un position défensive solidement défendue et sans appuis aériens, autre que des armes à tirs courbes, reste une gagueure. Le contrat « avalisé » par le ministère de la Défense, le « légionnaire international » percevrait une solde de 1800 à 3 500 €/ mois selon son grade et sa spécialité. Du côté russe, il existe une trentaine de compagnies privées : Patriot, Redut, Enot, Fakel (Gazprom), etc. Une vingtaine est engagée dans un conflit. Les volontaires de Convoy : « Des gars capables de tout ce qui est possible » (Sergueï Axionov), souscrivent deux contrats, un avec Convoy et un avec le ministère de la Défense qui comprend une assurance en cas de blessure ou de décès.
La nature du lien d'engagement peut varier selon les conditions d'emploi, la solde, la façon dont le combattant est traité et/ou que son existence est menacée. Dans ce dernier cas l'instinct de survie peut commander le comportement. C'est le retour aux Condottieri. La corruption a gangréné les centres de recrutement ukrainiens et permis à ceux qui pouvaient payer des pots de vin afin de se soustraire à leurs obligations militaires. Des Ukrainiens, « bataillon de Monaco », se la « coule douce » au soleil de la Riviera. Début août 2023, le propriétaire du méga-yacht « Moon Rise » faisait escale dans génie de combat, la baie de Villefranche-sur-Mer et un autre y faisait l'acquisition d'une villa. De jeunes Refuzniks préfèrent fuir et solliciter le statut de réfugié politique, surtout depuis que le service obligatoire a été rallongé pour les 27-30 ans. Les autorités se montre discrètes sur leurs pertes, celles-ci sont classifiées et l'intox règne. Les communiquer peut tantôt constituer une faiblesse, tantôt une force... Les estimations (août 2023) font état de 120.000 morts du côté russe et 70.000 militaires et 30.000 civils ukrainiens. Selon certains statisticiens, ces chiffres seraient à diviser par deux... Quid des blessés (statistiquement trois blessés pour un mort), prisonniers, disparus, déserteurs, civils et officiers subalternes plus difficiles à remplacer ?
Pourquoi cette photo d'un 4x4 BMW X5 ? Le logo apposé sur la lunette arrière reprend le mot d'ordre de Sviatoslav le Brave (942-972) « Je viens POUR toi ! », répandu chez les Forces spéciales ukrainiennes qui connaissent de lourdes pertes. Qu'attendent les autorités ukrainiennes pour rapatrier ces patriotes dans la fleur de l'âge se disant prêts à défendre la Mère Patrie et dont les épouses proposent d'échanger les chèques alimentaires remis par les municipalités contre des espèces... Fermons la parenthèse afin de ménager les susceptibilités d'idéologues qui confondent la guerre avec un jeu de plateau.
Un rapport de l'Organisation des Nations Unies (ONU) du 4 décembre 1980, écrit sous l'égide du comité spéciale pour l'élaboration d'une convention internationale, a planché sur le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction du mercenaire. Mais le texte de référence reste sans conteste la convention de Genève du 12 août 1948 et son addendum du 29 avril 1977.
Est qualifié de mercenaire la personne :
spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé ;
qui prend directement part dans les hostilités ;
qui prend part, essentiellement, en vue d'obtenir un avantage personnel et auquel est effectivement convenu une rémunération matérielle supérieure à celle promise ou payée aux combattants réguliers ;
qui n'est ni ressortissante d'une partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une partie du conflit ;
qui n'est pas membre des forces armées ou d'une partie en conflit ;
qui n'a pas été envoyée par un État autre qu'une partie en conflit, en tant que membre des forces armées du dit État.
Cette résolution protège les « conseillers » étrangers envoyés par leur gouvernement mais pas le personnel envoyé clandestinement par son État (affaire Dulac et ministère de la Coopération 1983). L'article 47-1 de la convention de Genève stipule : « Un mercenaire n'a pas le droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre ». Il doit en principe être traité comme tout criminel. Dans la réalité, rares sont les mercenaires à passer devant un tribunal régulier.
Si un mercenaire ne peut être qualifié de prisonnier de guerre aux termes de la convention de Genève, il peut cependant être assimilé à une force irrégulière. Pour cela, il doit :
être encadré et commandé par un personnel auquel il est subordonné ;
être porteur de signes distinctifs et reconnaissable à distance ;
porter les armes ouvertement ;
conduire les opérations en accord avec les lois et les coutumes de la guerre.
Un « militaire privé » peut être poursuivi pour : association de malfaiteurs - entrée illégale - importation de matériel militaire - rébellion - activités subversives. Pour certains États, combattre dans une armée étrangère revient à faire allégeance et à trahir son propre pays. Pour contourner cette épée de Damoclès, certains optent pour un passeport de complaisance. S'ils n'ont pas renoncé à leur nationalité, ils tombent sous le coup des lois en vigueur dans leur pays d'origine. En France, un citoyen peut renoncer à sa nationalité à condition d'en posséder une autre, sinon il serait apatride.
L'article 413-1 du code pénal peut concerner le mercenariat : « Le fait en vue de nuire à la défense nationale, de provoquer des militaires appartenant aux forces armées Françaises à passer au service d'une puissance étrangère est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende ». Les articles réprimant les groupes de combat, et notamment les articles 431-13 - 14 - 16 - 17 du code pénal peuvent dans certains cas être retenus.
Le soldat de fortune doit parfois mener un combat à mort. La loi militaire n'a pas cour. La seule loi est celle édictée par des fanatiques doublés de lunatiques, voire de psychopathes et d'agents infiltrés. Un Tchétchène, titulaire de la nationalité belge, parti combattre auprès des forces ukrainiennes photographiait ses compatriotes. Les clichés étaient expédiés à un SR de Ramzan Kadyrov pour faire pression sur les membres de la famille. Avant de postuler, regardez « Les Meilleurs en enfer ». Si l'aventure vous tente toujours : rassemblez toutes les informations que vous pouvez sur le conflit, sa région, la culture, son histoire. Il ne saurait s'agir d'un voyage touristique. Emportez une carte des pays limitrophes, il vous faudra peut-être quitter le pays sans pouvoir rejoindre un aéroport, un port ou emprunter certains axes routiers. Avant le départ vous devrez être en possession d'un passeport en cours de validité et des visas nécessaires (pensez aux pays voisins et au fichage), d'un certificat international de vaccinations, d'un billet de transport (un second passeport est conseillé), une assurance (sans préciser le but du déplacement), en cas de blessure se faire soigner dans un pays non lié aux États belligérants.
Avant d'embarquer à bord d'un avion, d'un navire, ou d'un véhicule veillez à une présentation conforme à celle d'un touriste et ne transportez aucun objet illicite. Renoncez à tout vêtement ayant une connotation militaire, et emportez toujours une tenue neutre. Si vous devez traverser une partie du pays, ce n'est pas en tenue de combat que vous maximaliserez vos chances de retour. Si vous en revenez entier ou estropié, ne manquez pas « Lumière chaude » (coup de soleil). Ce film vous évoquera quelques souvenirs. Peut-être auriez vous dû commencer par visionner celui-ci avant votre escapade. Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait... Une correction, une précision, une information, un retour d'expérience ?
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