Merci pour mon frère, Patrick Adam
Il me semblait juste d’informer les habitués d’AgoraVox de la mort de mon frère Patrick Adam. Je n’ai pas eu ce privilège. Je veux pourtant répondre à tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont envoyé un message.
Je m’appelle Philippe, Patrick était mon frère. Bien que très différents, nous étions très liés par le cœur et l’esprit par delà le temps et l’espace. L’imparfait est parfois d’un emploi difficile, il me faudra pourtant m’en accommoder. Je ne suis pas un familier d’AgoraVox, même si nous avons souvent, mon frère et moi, débattu sur les articles ou commentaires qu’il écrivait. Il n’est pas facile, quand on est directement concerné, d’appréhender autant de messages ou de réactions. C’est chose faite, au bout de quelques jours, et bien des serrements de cœur. Je me fais le porte-parole de toute ma famille pour remercier tous ceux qui nous ont adressé leurs condoléances et leur sympathie. Aux amis, inconditionnels, amateurs virtuels, merci. Aux détracteurs, combattants respectueux, merci. Malgré quelques erreurs, quelques inconvenances, merci. A ceux qui transpirent la haine à chaque syllabe de leur texte, je vous plains, vous n’avez rien à décrire que votre propre image. Merci quand même, il a bien fait de vous combattre.
Pour ceux que cela touche, et ils sont nombreux, Patrick a été inhumé dans le cimetière de Poet Laval, à l’ombre du donjon des Hospitaliers de St Jean de Jérusalem ou chevaliers de Malte. Pour un amoureux de l’architecture et des vieilles pierres, c’est un bel endroit.
Voici le texte que nous avons fait lire lors de cette cérémonie.
A Dieu Patrick.
Tu es toujours parti vers d’autres horizons, parfois près, parfois loin, qu’importent les distances quand le cœur et l’esprit savent se retrouver. Ceux qui t’aiment ont depuis longtemps appris à s’accommoder de tes absences.
Cette fois c’est un autre départ, celui vers lequel nous devrons tous aller mais que tu prends aujourd’hui avec beaucoup d’avance. C’était il y a trois jours, et on se sent déjà tellement orphelins.
Les mots sont pauvres pour parler de toi, mon frère, mon fils, mon oncle, mon cousin, mon ami. Il y aurait tant à dire. Fini les discussions enflammées, les controverses, les indignations et les passions profondes. Nous étions opposés sur tout, unis sur l’essentiel, question de point de vue, au fond. Tu as chargé tant de moulins, mon frère, que Don quichotte ne peut que tirer son chapeau. Dieu sait si aujourd’hui il y a du grain à moudre en la matière.
Comme Cyrano, ce vieil ami de notre jeunesse, tu t’es battu, battu, battu, toute ta vie contre les préjugés, les mensonges, les lâchetés et la bêtise. Contre la maladie, depuis vingt ans, en mettant un point d’honneur à ne rien laisser paraître, surtout à ceux que tu aimais. Contre les faux-semblants, les faux prophètes, les faux penseurs, tous ceux qui remanient l’information, l’histoire, le sens des mots, à leur convenance ou à leur profit. Ces combats de tous les jours, tu les a menés avec une application méticuleuse, une énergie sans faille, sans concession ni haine, juste la vérité au millimètre, comme toutes tes mesures dans le temps ou l’espace. Il était difficile de te suivre mais tu n’as jamais pris de route facile, au propre comme au figuré.
Aucun n’a eu raison de toi. Tu as même gagné contre ton plus vieil ennemi, ce n’est pas lui qui t’emporte, mais un autre, que personne, même toi, n’avait imaginé. Pardonne-moi, mon frère, si nous n’avons pu adoucir tes derniers instants. Pour un maître de la pensée et du verbe, je sais ce que tu as dû endurer de ne pouvoir, comme tu l’avais depuis longtemps décidé, tirer ta révérence, à ta manière. Faire tes adieux avec tes mots. Nous avons pu nous joindre par bribes, et ces quelques paroles essentielles, je sais que tu les as emportées avec toi au milieu d’un océan de souffrance et d’indifférente sollicitude. On le dira, on l’écrira demain, c’est un autre combat.
Je veux fermer tes yeux sur un moment de notre histoire, c’était hier quand nous étions tous trois avec maman, puis tous les quatre avec notre cousine et grande sœur Marie-Jo dans notre immense vieille maison au pied du Canigou. Le temps n’existait pas encore. Et puis on a grandi, on croyait pouvoir toucher les étoiles, rien n’était impossible alors. Nous avons pu en attraper quelques-unes, sous tous les cieux et à quel prix. Les tiennes ont brillé très fort. Ceux qui voudront te retrouver le feront dans ce livre que tu as eu tant de mal à écrire, sur les traces de celui que tu as remis dans la lumière, Michel Vieuchange. Tu es reparti vers ce désert que tu aimais tant, qui t’a brûlé le cœur et l’âme, avec en filigrane Léo, François, Luis, et tant d’autres, créateurs ou dépositaires de la beauté de l’expression humaine, sous toutes ses formes. Finis les doutes, tu as les réponses, aide-nous maintenant à supporter le vide.
A Dieu Patrick.
NDLR : Sur la disparition de Patrick Adam, voir également l’article de Marsupilami et celui de Demian West
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