Mes chroniques italiennes 18
Deux jeunes Africains assurent la sécurité du va-et-vient des spectateurs lors d'une manifestation historico-folklorique. Je m'arrête pour un peu bavarder avec eux en français, plaisirs de ma langue. Nous sommes, eux et nous, étrangers en ce pays. Mais, si j'en crois les réponses qui me sont données lorsque, m'énervant contre les commentaires contre les étrangers, et qui m'expliquent que non, je ne suis pas étrangère parce que je suis blanche, ils sont donc encore plus étrangers que nous.
Je leur explique que nous comptons retourner en Belgique. Ils nous comprennent et, visiblement, ils chercheraient bien fortune ailleurs. Selon mes habitudes, j'aborde la question franchement : constatez-vous du racisme ici ? Les visages, pourtant souriants, en disent long. J'en avais vu un enseigner à l'autre quelques prises d'auto-défense. Celui-là me dit : “C'est nécessaire. On ne se sent plus en sécurité”. Les deux sont unanimes pour affirmer que le pays souffre d'un racisme exacerbé.
Quand je lis des écrits sur les réseaux sociaux, lorsque j'entends les déclarations de certains politiques en place, je le constate aussi. Comme le dit Roberto Saviano, ils sont nombreux à avoir trouvé une réponse à leur malaise : tout est de la faute des étrangers.
Or, le phénomène n'est pas nouveau, mais force est de constater qu'il s'est accentué. En 2013, l'Italie avait une ministre noire, Cécile Kyenge. Que n'a-t-elle entendu d'insultes ! On lui a lancé des bananes en plein meeting, le vice-président du Sénat l'a traitée d'orang-outan (il a eu une peine d'un an et demi d'emprisonnement pour cela), une responsable du parti majoritaire actuel lui a souhaité un viol, etc.
Encore une fois, qui a tiré leçon de ces attitudes extrémistes ? Qui a voulu renverser la vapeur ? Visiblement pas les presque 35% qui ont voté Lega dernièrement. Pourtant, “Le Monde” attirait l'attention sur cette déplorable réalité, le 1er aout 2018 : “Un climat de plus en plus malsain s'installe en Italie. Depuis le début du mois de juin, plus d'une dizaine de faits ont été relevés où des Italiens ont attaqué des personnes étrangères ou prises pour telles”. C'était il y a un an. Salvini était déjà au pouvoir, il a été confirmé. Le même journal écrivait aussi à propos des attaques physiques sur une athlète nigériane à Turin. Et il précisait que le ministre Salvini était déjà “accusé d'alimenter un climat d'intolérance”. Ce n'est pas tout. Et moi, qui fréquente la péninsule depuis 30 ans, je vois ce qui suit pour la première fois. Un site, “glamourparis”, invite à ne pas aller en vacances en Italie cette année (2018, ndla). Parmi les raisons invoquées, on lit, en chapeau : “ … depuis l'arrivée de la Ligue du Nord au pouvoir, le pays est aussi traversé par une rafale de xénophobie et de racisme. L'Italie, une No-Go-Zone potentiellement dangereuse pour les personnes non-blanches ?” Et d'argumenter en citant l'agression évoquée ci-dessus, la multiplication des crimes racistes par onze en 4 ans, le ministre Salvini qui cite Mussolini.
Je ne ferai pas d'analyse. Je ne proposerai pas d'explication. Je me borne, aujourd'hui, à rapporter ces faits, ces écrits de la presse reconnue. Cette Italie, que tant j'ai chérie, est poussée bien bas … quelle tristesse.
A suivre
Sources :
www.courrierinternational.com ;
www.lemonde.fr/idees/article/2018/08/01 ; www.lemonde.fr(europe/article/2010.07.31 ;
www.glamourparis.com/societe/phenomenes/article
Françoise Beck
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