Mes doutes après l’investiture de Ségolène
Marie-Laure, qui est venue grossir le nombre des adhérents du PS par Internet avant le 1er mai dernier, s’est lontemps interrogée, jusqu’à poser la question à un groupe d’amis, dont j’étais, lors d’une soirée un peu arrosée, à une semaine du vote : Dominique ou Ségolène ? La réponse est tombée, sans appel : Dominique ! A une large majorité.
Je n’avais pas grande légitimité à me prononcer. Je ne suis pas adhérent du PS et je ne vote jamais pour une grande formation politique au premier tour, parce que c’est justement l’occasion de faire dans la nuance, et que j’aime bien la nuance. Ce soir-là, j’ai malgré tout donné ma voix à Dominique, que j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer en tant que journaliste et que je trouve brillantissime sur bien des sujets, même si comme dit un de mes amis : « On peut se demander ce qu’il a de vraiment socialiste. »
Marie-Laure, donc, ne nous a pas écoutés. Elle a voté Ségolène, comme plus de 60 % des adhérents du PS. Dans le département où j’ai grandi (l’Aude, qui est un vieux fief socialiste), Ségolène a été carrément plébiscitée par plus de 80 % des adhérents. Pourtant, on est plutôt fabusien dans le coin.
Ce sera donc Ségolène, et quand je vois son sourire en une du Journal du dimanche, je suis bien content pour elle. En pages intérieures, 33 % des adhérents du PS déclarent que ce qui les attire le plus dans sa candidature, c’est qu’elle incarne un renouveau de la gauche (mouais...). Et 30 % invoquent le fait qu’elle soit la seule capable de battre Nicolas Sarkozy au second tour.
Le adhérents du PS ont certainement fait le bon choix
Je crois finalement que les adhérents du PS ont fait le bon choix. Je lui aurais de loin préféré un Kouchner, mais il vient toujours un moment où on ne peut plus prendre ses rêves pour des réalités. Kouchner a le même travers que moi en politique (toute proportion gardée, puisqu’en termes d’engagement, je n’arrive pas à la première maille de sa chaussette) : il se soucie trop, à juste titre, des problèmes internationaux, de la pauvreté dans le monde, de la nécessaire solidarité avec les pays en développement, de notre responsabilité à l’égard de tous les déshérités de la planète.
« Il faut quand même commencer par régler les problèmes que nous avons en interne », me disait encore ce week-end une amie. « Sauf que les questions planétaires auront un impact qu’on ne soupçonne même pas sur la situation intérieure dans les années à venir, et qu’on refuse tout simplement de voir les choses en face », lui ai-je répondu. Comme on se refuse à entendre Kouchner nous dire que même les plus pauvres d’entre nous devrons un jour prochain être solidaires de ceux qui le sont encore plus qu’eux ailleurs.
Jouons franc jeu. En cas de duel Ségo-Sarko au deuxième tour, il y a peu de chances, sinon aucune, que je vote Sarko. Cependant, il y a quand même quelque chose qui me gêne chez Ségo : elle est complètement à la rue sur les questions internationales. A un point que je ne soupçonnais d’ailleurs pas avant de voir la retransmission du deuxième débat des candidats du PS à la candidature sur LCP.
Le risque d’un repli ombilical de la France
Ma crainte, c’est qu’au terme d’un mandat de Ségolène, la voix de la France sur la scène internationale ne soit plus qu’un insignifiant petit fluet sans effet. Que la France se replie sur une sorte de petit cocon familial dans les jupes de Ségolène. Que notre pays choisisse la voie d’une sorte de repli ombilical qui ne me dit rien qui vaille.
Cela dit, l’issue du premier tour, et le score d’un éventuel candidat unique de la gauche antilibérale ou de Bayrou, peuvent changer du tout au tout la nature et la composition du gouvernement qui serait celui de la France en cas de victoire de Ségolène au deuxième tour. A moins que dans l’euphorie de la victoire, elle ne fasse rien d’autre que reconduire au pouvoir une cohorte d’éléphants du PS, ce qui n’est pas à exclure.
Enfin bon, quoi qu’il en soit, je ne voterai pas Sego au premier tour (toujours ce souci de la nuance). J’avoue que je m’interroge sérieusement sur ce que sera mon vote. N’étant pas à une contradiction près (je suis libertaire, donc libéral, ai-je déjà confié), j’ai caressé l’espoir ces dernières semaines de voir la gauche antilibérale se ranger derrière la candidature d’une Clémentine Autain. Parce qu’elle apporte un sang neuf à la gauche de la gauche, et que son discours m’intéresse.
Kouchner, s’il te plaît...
Ce que je partage avec les antilibéraux, c’est la critique des dérives de l’hypercapitalisme, dont Attali nous donne un effrayante mise en perspective dans son livre Une brève histoire del’avenir. Ce que je ne partage pas avec eux, c’est l’assimilation du libéralisme et de l’économie de marché à cet hypercapitalisme (encore ce souci de la nuance). Cela dit, je trouve urgent de se braquer contre les dérives de l’hypercapitalisme, qui n’a rien de libéral, de mon point de vue.
Malheureusement, si je me fie à ce qu’a déclaré Besancenot samedi soir sur France 2, « c’est le bordel » à la gauche de la gauche, et il y a peu de chances qu’on aboutisse à une candidature unique, encore moins que Clémentine Autain soit désignée. L’entêtement de la LCR à refuser la perspective de participer à un gouvernement de gauche est un des éléments qui va faire capoter le projet.
Vais-je donc me retrouver à voter Bayrou au premier tour ? Excepté au deuxième tour en 2002, ce serait bien la première fois que je voterais à droite. Ou plutôt au centre. Allez, Kouchner, présente-toi, s’il te plaît.
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