Mes Malédictudes
Les Béatitudes sont l’un des passages les plus connus des Évangiles de Matthieu et de Luc. Jésus y annonce les diverses consolations et récompenses que le juste, le persécuté obtiendra dans son Royaume. Celles de Luc se terminent par une séquence de quatre « malédictions1 » où le grec Ouai retranscrit l’hébreu Hoï2. Le mouvement absurde et trop souvent démoniaque de notre monde m’inspire une réactualisation (plagiaire) de ces malédictions. L’imprécatho de pacotille se lâche, il espère être assez lucide sans être injuste, et ne pas trop en oublier en route.
Malheureux les vieux qui ne sont plus ni productifs ni solvables : ils seront euthanasiés.
Malheureux les enfants nés de PMA sans père, de GPA, ou tous ceux qui succombent à l´idéologie du genre : les mutilations anthropologiques, physiques ou psychiques dont ils souffrent seront niées.
Malheureux les enfants envisagés comme des projets, ou ceux qui ne seraient pas conformes à l’idéal rêvé : ils seront avortés.
Malheureuses les femmes qui n’ont plus assez d’espoir ou de courage pour donner la vie aux enfants qu’elles conçoivent, elles porteront cette blessure jusqu’à la fin de leurs vies3.
Malheureux les hommes qui les y incitent ou les confortent dans cette décision : l’égoïsme asséchera leurs cœurs.
Malheureux les couples qui ne se réparent pas et malheureuses les familles qui se brisent, leurs naufrages entraîneront des noyades.
Malheureuses les personnes perméables à la propagande : elles y seront soumises.
Malheureux ceux qui dénoncent cette propagande : ils seront censurés, puis broyés.
Malheureux tous ceux qui n´ont pas assez de mots pour réfléchir et comprendre : ils seront manipulés.
Malheureux ceux qui souffrent d´addictions (alcool, drogue, écrans, sexe, argent, etc.) : ils seront rassasiés et, de ce fait, aliénés.
Malheureux ceux qui n’aiment que le reflet de leurs miroirs, les miroirs sont froids.
Malheureuses les foules, elles tueront de nouveaux boucs émissaires.
Malheureux tous ceux qui ne savent plus distinguer le bien du mal : sans carte ni boussole, ils seront perdus.
Malheureux tous ceux qui considèrent leurs frères comme le bétail d´un cheptel dont ils seraient le guide : même les guides forment un troupeau.
Malheureux les tyrans qui ordonnent les guerres et les casuistes qui les justifient coûte que coûte, le sang sur leurs mains sera un témoignage.
Malheureux les soldats qui font les guerres, et les peuples qui les subissent, ils en sortent meurtris, quand ils en sortent.
Malheureux tous ceux qui imaginent que l´homme peut transformer l´homme pour le rendre surhumain : depuis le jardin d’Éden ou la tour de Babel, leurs efforts sont voués à l´échec.
Malheureux ceux qui savent leurs faiblesses et qui en souffrent, mais qui imaginent que la Miséricorde de Dieu n´est pas faite pour eux : c´est la faute la plus grave qu´ils puissent commettre.
Malheureux suis-je, moi qui suis pécheur comme les autres, et hypocrite comme un pharisien : je m’érige en donneur de leçons. Aujourd’hui, j’aimerais n’être qu’un faux prophète, et que nous soyons tous heureux. Mais je n’ai pas d’autre mode d’emploi à proposer pour y parvenir que quatre évangiles.
Notre monde a besoin de Miséricorde.
Illustration : Le sermon sur la montagne, Fra Angelico
1Elles visent les riches, les repus, les rieurs, les adulés par des hommes.
2La traduction en Français de ce Hoï / Ouai ne pose pas de problème. « Malheur à vous » chez Émile Osty, Louis Segond, David Martin, John Nelson Darby et pour la Bible de Jérusalem ; « Quel malheur pour vous » dans la traduction liturgique de l’AELF ; « Malheureux » dans la TOB et chez sœur Jeanne d’Arc op. ; « J’ai mal pour vous » dans la Peshittâ traduite par Patrice Calame. Ni Claude Tresmontant, ni André Chouraqui ne traduisent ce Hoï / Oïe et se contentent d’une translittération.
3Merci à Jean Jardon de m’avoir permis d’éviter ce trou dans la raquette.
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