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Accueil du site > Tribune Libre > Microfinance : les Women Groups

Microfinance : les Women Groups

Avant de rentrer dans le vif du sujet (qu’est-ce qu’un « women group »), je vais commencer par me présenter : je m’appelle Léa et je suis étudiante à Sciences-Po . Actuellement en « année de césure », je suis en stage chez VSSU, une Institution de Microfinance (IMF) située en Inde (à 60 km au Sud de Calcutta). Je suis correspondante sur place de Veecus, un de leurs partenaires.

Vous avez peut-être entendu parler de Microfinance grâce au prix nobel de la paix Muhammed Yunus, qui a rendu le terme et la pratique populaires.

Je vais consacrer cet article à vous donner une vision de la microfinance d’après mes premières expériences de terrain. Je vais d’abord vous parler du fonctionnement des « Women Groups » puis vous raconter ma rencontre avec trois d’entre eux.

Avant tout, il est important d’expliquer brièvement les particularités de VSSU en termes de clientèle. VSSU s’écarte légèrement du « schéma » habituel des Institutions de MicroFinance. En effet, VSSU procure, la plupart du temps, des prêts individuellement ; et ce, en direction des hommes (majoritairement). La grande partie des IMFs fonctionnent sur le modèle traditionnellement utilisé par la Grameen Bank (IMF créée par Muhammed Yunus), à savoir : des prêts à des groupes de femmes.

Ma première expérience sur le terrain s’est focalisée sur le schéma atypique pour VSSU que sont ces « women group ». Je vais donc vous expliquer comment tout cela s’organise…

Généralement un groupe est formé de 5 femmes (mais cela reste très flexible). Dans ce groupe de 5 femmes, une personne responsable des autres est désignée. Elle est chargée de récolter l’argent des autres au moment du « collection day » (jour où les employés de VSSU – collectors- viennent récupérer une certaine somme d’argent correspondant à une fraction du remboursement du prêt de chacune).

Un « center » est créé en regroupant plusieurs de ces groupes. Parmi les femmes « responsables » de ceux-ci, une est choisie comme responsable de l’ensemble du center (c’est dans les mains de cette personne que l’argent de tous les groupes doit arriver).

Le schéma que je viens de vous présenter est plus ou moins flexible, l’essentiel est que l’argent de toutes soit récolté in fine. Le collector reçoit aussi lors de ce « collection day » les « passbooks » de chacune. Toutes les informations à propos de leur remboursement y sont soigneusement référencées. Celles sont retranscrites également dans un autre grand cahier qui archive l’ensemble des opérations de prêt et d’épargne de chaque client et qui est précieusement gardé dans les bureaux de la « branch office » (bureau-antenne de VSSU).

Vous avez maintenant une idée générale du fonctionnement de ces Women groups. Il est temps d’aborder l’expérience sur le terrain…

Je suis donc partie accompagné de Durpan (un des managers de VSSU en charge des activités de microfinance) dans la « Kakdwip branch » de VSSU, situé dans la zone des Sudarbans. Le voyage pour atteindre les bureaux a déjà été une aventure en soi.

Nous avons du prendre le train à Lashkmikantapur, ville la plus proche de Ullon – le petit village où se situe VSSU - (en prenant le rickshaw jusqu’à la gare) où j’ai pu, de nouveau, observer le dynamisme invraisemblable de l’économie indienne : des vendeurs de tout, partout. Fruits, bijoux, gâteaux, lampes de poche, bouteilles de Perrier : vous avez tout sous la main. Les marchands ambulants passent d’un wagon à l’autre à la recherche de clients. Ils n’en manquent pas ! Il y a du monde dans les trains et les marchandises sont très bon marché donc se vendent très bien.

Arrivés à bon port nous reprenons le rickshaw jusqu’à la « Branch office ». Nous rencontrons le « Branch manager » et les « collectors » (au nombre de trois). Durpan nous explique le fonctionnement général de Kakdwip. Et après avoir compris les rudiments, nous partons sur le terrain.

Les groupes de femmes que nous devons rejoindre sont situés dans des villages assez reculés : on doit prendre divers rickshaw, marcher, s’enfoncer dans des petites sentiers boueux au milieu des rizières pour enfin atteindre le lieu du meeting.

C’est un miracle de voir marcher un tel système ! Les collectors doivent se rendre dans les endroits les plus reculés avec un timing très précis pour pouvoir récolter le plus d’argent possible et offrir leurs services à leurs clients.

Nous arrivons enfin à notre premier lieu de rencontre avec un groupe de femmes composé d’une dizaine de personnes. Nous avons l’occasion de leur poser toutes les questions que nous voulons grâce à Durpan qui a la gentillesse de tout nous traduire. Le contact est très bon. Les femmes semblent parler librement et nous adressent de grands sourires. Elles nous racontent en quoi les prêts de VSSU ont changé quelque chose dans leur vie, comment elles s’en servent, en quoi elles sont plus indépendantes qu’avant, etc. L’échange est très fructueux.

Après avoir beaucoup parlé nous partons vers un nouveau groupe de femmes qui nous attend déjà. Suivant un chemin tout aussi compliqué et tortueux que pour la première rencontre, nous nous retrouvons assis dans une chambre, les passbooks sont collectés ainsi que l’argent. Nous avons l’occasion de poser les mêmes questions à ce nouveau groupe afin d’avoir une idée globale sur l’impact des prêts sur la population locale. Le dialogue est toujours très libre et Durpan n’hésite pas à leur demander quelles sont les choses qu’elles aimeraient voir améliorer concernant les services de VSSU.

Nous comprenons que le temps tourne et qu’un troisième groupe nous attend ! Elles se sont réunies principalement pour nous parler car ce n’est pas jour de collecte. Nous avons donc la possibilité d’entamer de nouveau un dialogue très riche avec elles. La responsable du « center » fait office de porte-parole, nous explique comment fonctionne les groupes, que se passe-t-il s’il y a un problème avec un de ses membres, comment elles ont pu ouvrir et faire prospérer leurs activités, etc.

Ces échanges sont passionnants. Pouvoir être face à face avec les clients donne beaucoup plus de réalité à la « microfinance ». On comprend beaucoup mieux l’impact que ces prêts peuvent avoir, les relations que les clients ont avec leurs IMFs, les problèmes qui peuvent se poser. Les longues explications que nous aurons ensuite au bureau avec les employés et le branch manager m’éclairent encore davantage. Nous abordons toutes sortes de points essentiels concernant : le type de produits, la compétition avec les autres IMFs, les procédures, le rôle de chacun, les différents types de clients, etc.

Nous en avons fini avec les groupes et nous allons prendre un petit repas dans un restaurant près d’un des marchés avec lequel travaille VSSU. Nous mangeons avec la main droite comme il est coutume, et repartons vers notre bureau (en empruntant les mêmes moyens de transport : rickshaw, train, rickshaw, marche).

Je n’ai qu’une hâte : repartir sur le terrain !

Pour suivre les aventures des correspondants de Veecus sur le terrain (Inde, Cambodge, etc), et découvrir ce qu’est la microfinance, vous pouvez vous rendre sur : http://www.veecus.com/blog/

 


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6 réactions à cet article    


  • stephanemot stephanemot 24 juillet 2009 11:29

    c’est sympa de citer une quinzaine de fois la marque de l’employeur, mais il serait interessant d’evoquer les polemiques sur les abus du microcredit en Inde, l’absence de regulation, l’explosion des enseignes peu scrupuleuses et des declarations bidon, les phenomenes d’addiction au credit, les faillites personnelles, et les tragedies humaines se multipliant au nom d’un concept au depart tres positif, mais qui a completement derape ces dernieres annees.


    • LéaG. 24 juillet 2009 17:57

      Bonjour
      je nai aucune pretention a couvrir dans cet article lensemble des problematiques du secteur de la microfinance
      je suis simplement en stage et je raconte mon experience et ce que je vois, pas a pas, sur le terrain ( cest pour cela que je cite le nom de linstitution dans laquelle je suis, il nest pas question que je fasse des generalites abusives)
      je ne suis neanmoins pas naive au point de penser que la microfinance est une solution miracle ( jai dailleurs ecris un article sur les problemes de regulation en Inde)
      des que jaurais assez dinformations pour faire un article sur les derives de la microfinance je le ferai. Mais tel netait pas lobjectif de cet article.


    • bernard29 bernard29 24 juillet 2009 11:40

      Stage qui a l’air sympa. Dans le fin fond de la campagne indienne, on discute un peu, avec les managers, les collectors , dans les « women groupes » ou « at the office » , echanges de sourires puis on finit au restaurant où on mange de la main droite. 

      Mais, c’est vrai la vie est dure, parce qu’il y a compétition entre les IMFs ( Instituts de Micro Finance) ..... 

      Eh bien on a fait le tour de la micro finance. .. 

      la semaine prochaine, « les problèmes de l’eau dans le Sahel » vus par un stagiaire de Science Po.


      • trois14 24 juillet 2009 19:34

        merci léà pour cet article. Toutes les occasions sont bonnes pour évoquer les bonnes actions : microcrédit, social business...

        Vous pourriez nous parler de ce qui était passionnant dans ces discussions, de ce que vous disaient ces femmes, de ce qu’elles font de ces crédits. Et aussi pourquoi VSSU se concentre majoritairement sur les hommes contrairement à Grameen ? Pourquoi les microcredits contractés par les femmes ont-ils des effets différents ?
        Du coup, après un titre apétissant je reste un peu sur ma faim. Mais je compte sur vous pour y remédier !


        • pauline53 11 mai 2010 17:46

          Salut Lea,

          Je suis tres interessee par ton article car je suis moi meme en stage dans une IMF specialisee dans les women groups (dans le sud de l’Inde, a 150 km de Chennai).
          J’aimerais savoir en quoi consiste ton stage ? Quelle est ta mission precisement ?
          (En realite, j’ai quelques difficultes a trouver une mission interessante dans un organisme comme une IMF)
          Merci de ta reponse !


          • LéaG. 13 mai 2010 12:11

            Bonjour Pauline !

            Moi même je n’ai pas eu de mission claire à mon arrivée dans l’IMF mais j’ai essayé de trouver par moi même ce que je pourrais apporter à VSSU.

            Du coup j’ai travaillé pour des projets extrêmement variés. L’équipe de VSSU a fait en sorte de m’amener régulièrement sur le terrain pour que je puisse rencontrer les micro entrepreneurs et c’était aussi une étape très importante.

            Je suis maintenant de retour en France mais si tu veux que nous échangions plus sur le sujet voici mon email : [email protected]. Je serais ravie d’en savoir plus sur l’IMF dans laquelle tu es et ton parcours jusque là !

            Bon courage à Chennai !
            Léa

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LéaG.


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