• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Mieux vaut une Tech World qui illumine la planète qu’une Tech World (...)

Mieux vaut une Tech World qui illumine la planète qu’une Tech World qui illumine Las Vegas

La Pandémie a accéléré la World tech a une vitesse telle que l’on doit s’interroger sur les impacts sociétaux au-delà des « utopies de l’ingénieur » et « du ruissèlement que l’on ne voit jamais » comme le disait si bien Jeremy Rifkin. On sait aujourd’hui que les grandes périodes de foisonnement intense d’innovations (Périodes post-pandémiques, Seconde Révolution industrielle, belle époque pour n’en citer que trois), ont vu émerger les prophètes d’un monde libéré par l’automatisation et la technologie. Pourtant, le résultat a été systématiquement et assez rapidement celui de la précarité et du chômage technologique, juste le temps d’une illusion face à l’explosion de la croissance. Pour l’heure, les utopistes du ruissèlement et de l’ingénieur ont surtout laissé place à un monde porté par la recherche de valorisation boursière hors norme. Ceci est bien regrettable car sans adéquation avec la recherche de sens qui caractérise les périodes qui suivent aussi les Révolutions technologiques et les Pandémies. La World Tech devra être philanthropique et humaniste où la transformation économique et numérique sera totalitaire engluée et enfermée dans un capitalisme technologique disciplinaire.

La World Tech explose : Selon les dernières estimations de l’UIT, près de 5 milliards de personnes sont désormais connectées à Internet. Une croissance spectaculaire en 10 ans, la Covid ayant accéléré le phénomène. Aujourd’hui, d’après l’OCDE, 3,7% des emplois des pays de l’OCDE sont directement dépendant du secteur des TIC. Coté Licornes, l’année 2021 a été une année record, 120 milliards d’investissement dans le monde selon la société d’investissement Atomico, trois fois plus qu’en 2020. Parmi les 100 licornes créées, 26 sont valorisées à plus de 10 milliards de dollars. En France, le montant des fonds levés par les start-up de moins de 10 ans s’élève aux alentours de 10 milliards d’euros, c’est 2,5 fois plus qu’en 2020. Il est clair que l’abondance de cash en quête de rendements dans un contexte où les produits de taux ne rapportent plus rien a favorisé la tendance. Il faut cependant ajouter la fiscalité du patrimoine, avec des exemptions sur le volet financier. La tendance est similaire pour la zone Europe et Israel. Ce sont les marchés allemand et britannique qui ont les plus fortes croissances. La France a aussi un marché d’acteurs ayant fait leur preuve sur les marchés nationaux et internationaux avec donc un ecosystème performant. Cette amélioration de la position française s’explique par deux principaux facteurs : la hausse du nombre de tours de financement et l’irruption de mega-deals. En France, 15 licornes supplémentaires sont valorisées à plus d’un milliard d’euros, ce qui fait au total 25 licornes françaises, la France se positionne désormais devant l’Allemagne et derrière l’Angleterre. Il faut quand même s’interroger sur le caractère sociétal de ce qui est proposé en terme de fonctionnalités ou de progrès. La plupart du temps ce ne sont que des innovations à la marge et non de rupture. Ce sont des développeurs de solutions sur le net, dans les FinTechs, les Martech, le e-commerce. Dans le divertissement aussi, avec Sorare, jeu mêlant « fantasy football et NFTs », qui a réussi à réunir 620 millions d’euros en l’espace de quelques mois et pulvérisé le record historique pour une levée française[1]. On le voit bien l’intérêt sociétal reste extrêmement limité et une question éthique dans ce monde en quête de sens doit se poser surtout que ces solutions reposent souvent sur des systèmes d’abonnement, le système de la capitulation par excellence. Finalement, peu de sociétal. Les grands enjeux d’innovations à impacts sociétaux dans la santé, les biotechnologies, l’énergie, l’environnement, les agritech sont encore bien loin du rêve des technophiles humanistes.

 

Quant aux Gafam, il faut en parler : c’est plus de 300 milliards de bénéfices nets pour 1350 milliards de chiffre d’affaires au 30 septembre 2021. Porté par le boom numérique, des estimations montrent qu’Apple aurait gagné 3000 dollars par seconde en 2021. C’est l’entreprise la plus rentable du monde, suivie par Alphabet et microsoft, respectivement 2239 dollars, et 2153 dollars, suivi par Facebook, 1278 dollars, alors qu’amazon 833. Il faut savoir en outre que ces montants sont similaires voire supérieurs aux profits combinés de Pfizer, BioNTech et Moderna qui réaliseraient 1000 dollars de bénéfices par seconde en 2021 avant impôts.

 

Car en parallèle à tout cela, la fracture numérique se renforce. D’après la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), cette explosion du numérique a bien alimenté une augmentation des inégalités dans le monde et selon des schémas multi-dimensionnels (géographiques, éducationnelles, numériques, alimentaires, organisationnelles, par rapport à la maladie). Comme le dit Shamika N. Sirimanne, Directrice innovation de la CNUCED , « à mesure que l’économie numérique se développe, une fracture additionnelle liée aux données et à la connaissance en réalité vient aggraver la fracture numérique ». En claire, le problème n’est pas uniquement celui de l’exclusion numérique ou d’un simple internet divertissant mais bien l’exclusion de la transformation économique et numérique sur la scène mondiale, en gros du capitalisme de demain et des métiers qui vont avec. Il faudrait donc mettre en place un nouveau système international de régulation des flux de données, du numérique et de la connaissance, afin d’en redistribuer les gains de façon plus équitable et de créer les conditions d’accès au numérique selon le principe de l’égalité des chance. De plus, second niveau, il ne faut surtout pas en effet que les pays en développement ne deviennent de simples fournisseurs de données brutes aux plateformes numériques mondiales alors qu’ils devront dans le même temps payer pour avoir accès à l’intelligence numérique obtenue à partir de leur propre donnée. A cela il faut ajouter que seuls 20% des habitants des pays les moins avancés utilisent internet à des vitesses de téléchargement faibles et à un prix élevé. Il faut donc sérieusement non pas penser à une World Tech qui illumine Las Vegas, mais à une World tech qui illumine la planète c’est-à-dire responsable et philanthropique, tout en étant rentable.

Vers la philanthropie de la World Tech. La notion de philanthropie apparaît au début du XVIIIème siècle par le théologien Fénelon en 1712, mais c’est aux Etats-Unis qu’elle se développe, à la Belle époque et les premières fondations sont créees : Carnegie ou Rockfeller. Il peut bien évidemment s’agir de start-up à partir de laquelle la technologie sert au progrès commun : c’est l’exemple de Niven Narain, un chercheur en cancérologie. En 2005, il cofonde Berg, une start-up qui permet d’appliquer l’intelligence artificielle à la découverte de médicaments. Les installations de Berg disposent de spectromètres de masse à haut débit qui tournent en continu et produisent plusieurs milliards de points de données résultant de l’analyse d’échantillons de sang et de tissus, associés à de puissants ordinateurs. En sortie, les données aident à préciser certaines molécules pour améliorer l’efficacité des soins. Ici, l’approche ascendante permet d’ajouter de la valeur grâce à une utilisation des données et de prendre de la hauteur, donc d’améliorer les soins. D’une certaine manière, on peut dire qu’il y a complémentarité parfaite entre l’homme et l’intelligence artificielle. Côté Gafam aussi. Bill Gates sera de la partie avec sa propre fondation en 2000. Il la dote de la moitié de sa fortune pour financer la lutte contre la malaria. Jeff Bezos a suivi le pas ou encore Mark Zucherberg. Sur la question alimentaire plus précisément, un plan de lutte contre la faim grâce à la data et à l’IA est tout à fait possible, l’idée consiste à fournir des signaux d’alerte permettant de prévenir les crises alimentaires, et donc de réagir rapidement par exemple via des programmes de financement de la Banque mondiale. La fondation Google.org en 2010 après le séisme d’Haïti a lancé son application Google Person Finder pour retrouver les personnes disparues. Le projet Loon en est un autre, l’idée consiste à diffuser de la 3G via des ballons dirigeables pour donner accès au réseau à plus de 250 000 habitants privés d’internet de Porto Rico après le passage de l’ouragan Maria. Zuckerberg a préféré en 2015 financer Andela. Un projet pour former des jeunes développeurs numériques en Afrique, pour s’appuyer sur un formidable réservoir de talents. On aura regretté quelques reproches faits à google : google aurait eu accès aux données personnelles des utilisateurs et des personnes recherchées….

 

[1] Olivier Passet, l'envolée de la French Tech en 2021 : enfin ! 12 janvier 2022, Xerfi. 

 


Moyenne des avis sur cet article :  1.57/5   (7 votes)




Réagissez à l'article

2 réactions à cet article    


  • Clark Kent Schrek 22 janvier 2022 08:18

    « Apple aurait gagné 3000 dollars par seconde en 2021. C’est l’entreprise la plus rentable du monde, suivie par Alphabet et microsoft, respectivement 2239 dollars, et 2153 dollars, suivi par Facebook, 1278 dollars, alors qu’amazon 833. Il faut savoir en outre que ces montants sont similaires voire supérieurs aux profits combinés de Pfizer, BioNTech et Moderna qui réaliseraient 1000 dollars de bénéfices par seconde en 2021 avant impôts. »

     

    CUI BONO ?

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité