Mini-ministère de l’Inculture ?
Le pays des Lumières qui risquent de s’éteindre... Le ministère de la Culture menacé de disparaître !
Jean-Claude Carrière, Costa Gavras, Agnès Jaoui, Pierre Jolivet, Cédric Klapisch, Jeanne Labrune, Claude Miller, Miossec, et Bertrand Tavernier signent un article du Figaro dans lequel ils s’émeuvent de la suppression envisagée du "ministère de la Culture", ou à tout le moins de sa rétrogradation au rang de "secrétariat d’Etat" rattaché au "ministère de l’Education nationale"...
Et en effet, au pays des Lumières, il y a de quoi s’émouvoir... Mais sans doute pas pour les raisons avancées par ces aristocrates du Showbiz !
Quand je lis que : "l’échec
de la démocratisation culturelle impose de faire un effort
particulier sur la formation et l’éducation des plus
jeunes de nos concitoyens qui seront les spectateurs et les
professionnels de demain.", mon sang ne fait qu’un
tour ! Quel échec ? Celui qui empêche les jeunes
créateurs de passer sur des médias privés
(privés surtout de diversité et de renouvellement) ?
Et cette "formation des jeunes", n’est-ce pas là le
meilleur moyen de "formater" d’éventuels artistes à
un art et une pensée "officiels" ?
Et plus loin... : "Limiter l’action publique en faveur de la culture à la formation de générations de spectateurs avertis, aussi prioritaire soit-elle,
ne peut rendre compte de l’ampleur de ce que doivent être
l’ambition et les objectifs culturels d’un pays comme la
France."
Mais comment donc ! Et pourquoi pas du
cathéchisme ?!!! Ces privilégiés du
système n’en ont pas encore assez ?... Ils voudraient
aussi que l’État forme les spectateurs et
téléspectateurs à recevoir leurs productions comme
on reçoit l’eucharistie ?
Et encore... : "Quant à la
dissociation entre la culture et la communication, elle semble
être à rebours du monde dans lequel nous vivons et
particulièrement des effets de la convergence numérique
qui doivent nous inviter plus que jamais à ne pas scinder la régulation des tuyaux de celle des contenus, si nous ne voulons pas hypothéquer l’avenir de la diversité culturelle sur les nouveaux réseaux."
Alors là c’est le bouquet ! Non contents
d’être parvenus à faire voter une loi, dite Loi
DADVSI, aussi inique qu’inapplicable, ils persistent à
vouloir considérer "l’oeuvre" et son support comme un
tout indissociable. Mais réveillez-vous, messieurs-dames !
Est-ce que vous écrivez encore vos scenarii sur du
parchemin ou des tablettes d’argile ?... Dans ce cas, il
faudrait réglementer tous les troupeaux de veaux vaches et
moutons, et toutes les carrières d’argile du monde au
prétexte que quelqu’un peut y graver vos œuvres avec
un simple stylet !...
Ne confondez pas tout ! Les tuyaux sont des tuyaux, et les contenus sont le flux de cette "substantifique moelle"
dont parlait déjà Rabelais bien longtemps avant
qu’on inventât la télévision, la radio ou
l’Internet...
Vous démontrez là avec une innocence
désarmante ou une mauvaise foi insoutenable, le peu de
connaissance que vous avez des technologies modernes ou même des
technologies en général.
Vous êtes des créateurs, c’est incontestable,
mais votre problème - comme le mien d’ailleurs - est de
tirer profit de ces créations. Et c’est normal ! Il
est juste que tout créateur puisse vivre de ses productions si
elles ont l’heur d’être appréciées du
public et dans cette proportion. Mais de grâce, après le
marketing médiatique, ne nous faites pas le coup de la
prétention à contrôler les supports. Vous en
êtes incapables, tout comme les Majors ou même les
gouvernements.
Enfin, vous confirmez... :"Au
contraire, l’affirmation d’une politique ambitieuse en
faveur de la culture et de la création ne peut intervenir que
dans le cadre d’un ministère de la Culture et de la Communication conforté dans son rôle et doté d’attributions
élargies pour réguler la culture dans toute sa
diversité et sur tous les supports où elle a vocation
à s’exprimer..."
Réguler la culture !... Là c’est
carrément du délire ! C’est vous qui, avec ces
principes, détruisez la culture pour conserver vos
privilèges de parvenus !
Dans un tel cas de figure, jamais nous n’aurions eu de
facteur Cheval, de douanier Rousseau, d’Andy Warhol, ou
même (c’est un comble) certains d’entre vous...
Arrêtons de vouloir tout régenter, ou ce sera
précisément la culture qui en crèvera ! La
Culture est vivante ! Elle vient du bouillonnement créatif
populaire. Pitié pour elle ! Ne lui mettez pas les fers
à fond de cale !
Le "droit d’auteur" est en danger. C’est
vrai, il est menacé par le P2P notamment, mais n’est-ce
pas précisément parce qu’il est mal conçu
à la base, ne s’appuyant que sur le "matériel", que
sur le vente des supports de diffusion, au lieu de dégager une
véritable qualité de création et mettre en exergue
sa seule valeur "immatérielle" ?
Contrairement à certains défenseurs des positions
acquises, vous n’êtes pas des marchands de soupe. Pourquoi
voudriez-vous à toute fin contrôler le nombre
d’assiettes ? Ce qui compte, pour vous comme pour nous,
c’est ce qu’on met dedans !...
Je vous rejoins pourtant quand vous dites : "Parce
que la culture a trouvé avec le numérique et Internet un
nouveau support pour sa diffusion qui bouleverse
l’économie générale de la création et
de son financement, parce que la propriété intellectuelle
devant ces bouleversements technologiques est un vaste champ qui reste
à investir, parce qu’il est, par exemple, aberrant que les
pratiques amateurs relèvent du ministère de la Jeunesse
et des Sports, il est urgent de trouver une organisation plus efficace, plus moderne et plus adaptée, qui ne saurait passer par la "fusion-dilution" proposée."
Il faut défendre l’exception culturelle, nous sommes
tous d’accord là-dessus (sauf bien sûr les fonds de
pensions américains), mais pas en érigeant des lignes
Maginot partout ou en mettant des cadenas numériques sur vos
supports. Il faut défendre les oeuvres, pas les
supports !
Et donc, vous allez devoir choisir entre le public et les industries de la culture.
Ces industries n’ont été créées
que dans un but logistique, à une époque où le
"transport" d’œuvres de l’esprit, par nature
immatérielles, était impossible sans un support fixe. Ce
temps est révolu et on ne reviendra pas en arrière. Il
faut donc se faire une raison et s’adapter.
Il est indispensable de remettre à plat le droit
d’auteur, pas pour le supprimer mais pour l’adapter aux
nouvelles technologies (actuelles et à toutes futures tant
qu’on y sera) en séparant justement la substantifique moelle de l’os lui-même...
Tout le contraire de ce que vous préconisez !
Quant au reste...
Le ministère de la "Culture", créé sous le général de Gaulle en 1959 par André Malraux, a
subi de nombreuses modifications depuis presque cinquante ans.
Au fil des années on lui a adjoint la "Communication",
puis "l’Information", comme s’il était naturel dans
une démocratie que le gouvernement formate l’information
diffusée et les esprits qui la reçoivent !... La
valse des journalistes a toujours existé après les
élections (cette fois on a juste pris un peu d’avance...)
et la Télé a toujours été sous tutelle
d’un CSA nommé par le gouvernement et dépendant du ministère de la Culture et de l’Information. On
s’était habitué... S’il est
rétrogradé au rang de secrétariat d’Etat
dans le giron de l’Education nationale, ça changera
quoi ?... Dans le fond c’est plus clair et moins
hypocrite !
Le comble évidemment serait que la "culture" soit
enseignée comme matière distincte à
l’école... Les enfants y apprendraient sagement ce
qu’ils devront penser quand ils seront plus grands...
Magnifique ! Ce serait vraiment le "Meilleur des mondes"... de
Huxley.
Mais enfin ! Qu’est-ce que ce pays-là ? Est-ce bien toujours celui des Lumières ?...
J’ai peur qu’à l’instar de Pierrot, nos
chandelles ne soient mortes... d’étouffement !
Vite, de l’oxygène !
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