Misère du vote blanc ... et de l’élection
Les élections approchant, il nous faut reparler du vote blanc.
Rappelons que voter blanc consiste à dire au pouvoir qui sortira des urnes que vous ne vous êtes reconnu dans aucune des propositions politiques du scrutin, ce qui arrive fréquemment quand ce pouvoir préfère le scrutin majoritaire au scrutin proportionnel. Ce qui pose problème, c'est la piètre considération qu'il attache à votre participation citoyenne, qu'il sollicite grandement par ailleurs (1). Notre admirable assemblée à fait mine en novembre dernier, de rehausser cette considération en accédant avec bienveillance à cette demande largement soutenue par la population, de la prise en compte du vote blanc. Les votes blancs seront désormais comptés à part, valides donc, mais sans l'être toutefois puisque non comptabilisés dans les suffrages exprimés. Le ridicule ne tue toujours pas, semble-t-il.
On comprend que cette comptabilisation dans les suffrages exprimés, aurait pu générer des cas de candidats élus avec des pourcentages ridicules, voire non élus - les sièges restent vides -, ce qui ne serait pas de nature à renforcer la légitimité fortement entamée de nos institutions. Cachons donc au grand animal (le peuple) la réalité des choses, pour ne pas l'éveiller inutilement. Notez que cette modification du code électoral entrera en vigueur le lendemain du second tour des municipales, ce qui n'est pas très bien dissimuler ici quelle priorité existe entre le conservatisme institutionnel - protéger le régime et ses élus – et l'écoute des citoyens-électeurs. Gageons que ceci constitue une goutte supplémentaire dans le vase déjà fort rempli du mépris du peuple à l'égard de la classe politique comme l'est probablement aussi cette loi de non-cumul, votée, mais dont l'application est reportée en 2017.
Attachons-nous maintenant à cette machine à voter à répétition, j'ai nommé l'électeur.
Il se répartit en deux familles selon la couleur de son bulletin de vote, blanc - l'enveloppe vide convient aussi - ou noirci d'un joli nom de candidat. C'est en fait à peu près tout ce qui les distingue même si tout un chacun croit y déceler une différence majeure, celle du message envoyé.
La première famille - celle des obéissants - voit la seconde globalement d'un mauvais œil, assimilant les votants blancs à des mauvais-coucheurs, des insatisfaits de notre bonne soupe démocratique. « si tout le monde faisait comme vous, mon brave monsieur, où on en serait aujourd'hui ? »
La seconde à l'inverse, voit la première avec une certaine condescendance, forte de son audace supposée à dire à côté, nourrie parfois d'une légère analyse critique des institutions. Mais une petite gymnastique intellectuelle autour de quelques fondamentaux de notre régime politique met à jour le grave déficit de réflexion dont sont porteurs les votants blanc. Dans l'attente de temps meilleurs possiblement très lointains, n'ayant pas trouvé leur champion dans l'offre cette fois proposée, ils votent blanc car il n'ont pas reconnu dans leur impossibilité de choisir, le signe d'une défaillance majeure de notre organisation politique. Cette défaillance, c'est celle de l'immense masse des électeurs qui votent par défaut, insatisfaits du choix réduit à l'extrême du scrutin majoritaire, et le vote blanc n'est finalement que l'expression par une minorité de la position ressentie par la majorité. Les uns émettent donc pour les autres ainsi que pour eux-mêmes une plainte faible, alors qu'une défaillance majeure appelle un acte fort.
Une plainte est toujours accueillie avec bienveillance par le pouvoir car elle lui permet de magnifier son haut niveau d'écoute du peuple. Mais ce qui lui importe fondamentalement, c'est que cette plainte reste dans le cadre par lui défini, et c'est d'ailleurs absolument le sens de l'aménagement récent du code électoral à propos du vote blanc. Désormais le vote blanc n'est plus nul, et une nouvelle possibilité de plainte existe, mais la prise en compte de ses effets en le comptabilisant dans les suffrages exprimés est évidemment hors cadre, et de fait élaguée. Voter blanc, c'est être au beau milieu du cadre, c'est ronchonner gentiment, c'est donc ni plus ni moins soutenir le système électif. Et c'est tout ce qui compte pour ce régime qui repose sur ce pilier, cette illusion régulièrement entretenue par la mise en scène élective, que le pouvoir est entre les mains des électeurs. Votez blanc, nul ou n'importe quoi, peu lui importe pourvu qu'il y ait des élus à l'issue du scrutin et que le système se perpétue.
L'acte fort, sous entendu hors-cadre, et de fait moins bienvenu, c'est l'abstention active, celle qui prend acte de la manipulation jusque dans la contestation et qui indique de façon explicite son désir de ne plus participer à une telle organisation politique, à ce régime usurpant le mot démocratie pour se qualifier, alors que son vrai nom est l'oligarchie, de nature ploutocratique de surcroît. (Ploutocratie : gouvernement de la puissance financière)
Nos deux familles d'électeurs n'en font finalement qu'une, celle des citoyens parfaitement conditionnés à faire perdurer un système politique qui organise par l'élection, l'abandon par l'électeur de sa parcelle de pouvoir aux profit de personnes dont il ne sait rien et qui une fois élues, géreront les affaires publiques comme bon leur semblera, privilégiant l'intérêt général pour peu que celui-ci ne vienne pas en conflit avec leur intérêts personnels ou de parti - rarement donc -.
C'est cette encore vaste famille, dont les effectifs diminuent heureusement jour après jour, qui doit prendre conscience du tort qu'elle se fait à elle-même aussi bien qu'au peuple tout entier, en soutenant sans y penser un régime qui n'est pas, comme on a réussi à le lui faire admettre, « le moins mauvais des régimes politiques ». Comment le sait-on ? Les a-t-on essayés pour les comparer, disons au moins les principaux, et en particulier celui dont on usurpe le nom ? Sauf erreur la démocratie, tout du moins un régime digne d'être qualifié comme tel, n'a jamais été de nouveau pratiqué depuis la Grèce antique.
Le temps est venu de le faire, avec une certaine urgence même, car si la démocratie est un bon outil pour contrer le fascisme renaissant, elle nécessite un temps d'apprentissage qui pourrait faire défaut tant la pression totalitaire s'intensifie.
Commençons par dire tous ensemble au pouvoir en place (cet état autonome, séparé du peuple, servi par des élus, le tout au service des véritables dirigeants politiques, l'élite économique) que nous ne voulons plus de son organisation qui nous dépossède et que, compte tenu de ses résultats, nous ferons aussi bien nous-mêmes, pour ne pas dire beaucoup mieux car ce que nous subissons et auront à subir, toutes classes confondues, nous savons que c'est le plus souvent le fruit de ses décisions. Ce que nous voulons c'est la démocratie, la vraie, celle où nous déciderons ce qui est bon pour nous, forts de nouvelles institutions démocratiques que nous nous serons données après un long processus constituant à délégués tirés au sort. - le tirage au sort crée une assemblée que l'on peut qualifier de peuple en miniature, alors qu'une assemblée élue, comme l'assemblée nationale par exemple, est constituée de notables de la caste dirigeante -
Nous pouvons dire tout cela en nous abstenant. Que l'abstention soit générale, que les nobles personnes attachées à remplir leur devoir s'éveillent enfin pour reconnaître que ce recours au devoir - le devoir de voter – est un outil de manipulation - hélas fort puissant - pour consolider une organisation a-démocratique mise en place par la caste dirigeante pour continuer à diriger. Notre seul devoir est de faire cesser notre soumission à cette caste en cessant de participer à ce qui est organisé pour nous.
Soyons tous dissidents en 2014 !
Et pour bien faire, électeur, il faudrait le moment venu, renvoyer votre carte d'électeur à son expéditeur et, en lieu et place du vote, écrire au ministère de l'intérieur, pour lui faire part de votre abstention en détaillant les raisons de votre dissidence politique (lettre type). Nul besoin de recourir à la pensée comptable pour tenter d'évaluer l'efficacité d'une telle campagne. C'est l'acte symbolique de sédition qui importe, cette germination qui s'est opérée en vous et dont on pressent qu'elle aura lieu ailleurs en grand nombre.
« Campagne tous dissidents en 2014 »
N.B
Aux sympathisants de ce refus des élections, mais qui se verraient empêchés d'y adhérer dans les faits, de crainte de participer à une percée électorale de l'extrême droite, nous disons que ce ne sont pas eux, mais bien les électeurs des deux partis hégémoniques se partageant le pouvoir, qui favorisent cette lourde tendance. L' UMP et le PS, balisent en effet méthodiquement jour après jour, la route au FN vers le pouvoir. Leur incapacité à comprendre que nous arrivons au bout de ce modèle capitaliste libéral, les empêchent d'apporter la moindre solution, ni même l'espoir de solution, aux problèmes de notre temps qui s'accumulent. Le ressentiment qui en résulte gonflent les rangs du FN, qui tranquillement attend son heure. Mais le fascisme renaissant pourrait bien s'installer sans même faire appel aux bons services du FN, par la plus ou moins lente, mais déjà engagée, dérive autoritaire des partis précités. Contrer le chaos qu'ils organisent justifiera sans relâche cette dérive, afin de maintenir l'ordre inégalitaire, la protection des intérêts de l'élite économique et politique. Les années trente nous donnent une bonne idée de ce processus, approuvé si non suscité par l'élite économique pour ses bienfaits dans le contrôle du coût du travail (2). S'abstenir activement, c'est donc faire front contre l'extrémisme renaissant, ce danger utile de notre régime représentatif, en refusant de soutenir plus avant des institutions a-démocratiques qui d'une part le nourrissent et d'autre part s'y identifient peu à peu. Un percée du FN n'est rien sans ce régime qui le soutient en sous-main.
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http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pour-une-abstention-generale-142194
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Voir les travaux d'Annie Lacroix-Riz sur le sujet http://www.historiographie.info/
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