Modernisme ou progrès, il faut choisir
« Il faut être absolument moderne », disait Rimbaud. Non ! Il faut savoir progresser ! La modernisation n’est pas synonyme de progrès. Quant à la modernité, elle est surtout une manière se s’afficher. Elle se veut révolutionnaire, veut faire table rase (« liquidons ! » l’héritage du passé). Elle se fiche de l’évolution des esprits, ce qu’elle veut c’est les révolutionner et les prendre de vitesse. La modernité scandalise et prétend abolir les tabous. Mais elle ne touche pas au dogme et aux situations établies ; elle les renforce ! Le modernisme fait l’éloge de la vitesse, de l’efficacité, du rendement, de l’évaluation par l’argent.
Négocier pour obtenir des résultats rapides et spectaculaires, c’est être moderne. Le président Sarkozy a précipité la libération des otages bulgares et du médecin palestinien par cette méthode, tandis que les négociations européennes progressaient et auraient permis d’atteindre le même but. Une réforme va sortir qui prévoit la modernisation de l’Etat. Il ne s’agit pas là non plus d’un progrès, mais d’un recul. C’est quoi d’autre être moderne ? C’est parler au peuple avec le" parler vrai", maîtriser les moyens de communication, se mettre en scène dans les médias. Etre moderne, c’est penser argent, c’est compter, amasser. Or, si avancer, c’est progresser, amasser n’est pas avancer.
Le président Sarkozy a un problème avec la notion de dette : la dette financière - colossale - de l’Etat, et la dette morale de la France pour laquelle il ne permet nulle excuse. Etre moderne, c’est s’exonérer de ses obligations envers la dette et les générations futures. Seul compte le présent : le passé c’est dépassé. L’avenir, nous pouvons l’hypothéquer pour mieux jouir aujourd’hui ! Alors que progresser serait regarder en face les dettes, et tenir un comportement responsable. Il consentira à s’excuser des fautes de la France auprès des puissants (les Etats-Unis) ou ceux qui ont rendus des services à l’Etat (Harkis). Les autres, ceux qui ont perdu familles et biens, ceux-là ne comptent pas. Bref ! Si Sarkozy a un problème avec l’idée de dette, il n’en a, en revanche, aucun avec la pratique de l’échange de services. Il est moderne...
Le modernisme ne peut envisager le long terme ; il se repaît exclusivement de l’immédiateté. La recherche du profit et de la satisfaction immédiate en sont les signes les plus marquants.
Le modernisme a un prix : la décomposition du tissu social : le seul vrai lien social n’est plus que le lien par le marché, l’industrie. De façon générale, tout ce qui fait lien, qui relie les gens les uns aux autres, perd du terrain. Ce qui se trouve déstructuré, c’est le "vivre ensemble". Au contraire est valorisé tout ce qui sépare et, dans ce contexte, les propos rejetants, discriminatoires sont légion. Des boucs émissaires sont désignés.
Le progrès, c’est autre chose. Cela commence par la sauvegarde et le renforcement de ce qui relie et qui protège : les engagements entre générations (retraite, dette publique, environnement), les engagements solidaires (impôt, couverture des risques maladie, handicap), les droits de l’homme.
Le progrès social n’est pas dans la distribution toujours plus grande d’allocations, ni dans l’extension tentaculaire de l’Etat providence. Le vrai progrès, c’est celui de la société tout entière. C’est la part supplémentaire qu’une génération peut apporter au patrimoine de l’humanité, à la génération suivante. C’est donc tout le contraire que de priver les générations à venir d’une part importante des richessses et des bienfaits de notre monde actuel, en leur léguant une dette trop lourde et un environnement très dégradé.
Chacun peut améliorer quelque chose et, ce faisant, s’améliorer lui-même. Chacun ne demande qu’à être acteur de changement et non pas simple spectateur : passif devant un Etat spectacle ! Quels que soient son âge et sa condition, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice et améliorer sa connaissance. Car il y a en chaque être une curiosité naturelle - que la société du spectacle et de la consommation étouffe - et il veut explorer, valoriser la part de lui qu’il aspire à mieux connaître et à mieux faire connaître.
Etre moderne n’exige pas de nous beaucoup d’efforts : il suffit de suivre la mode, de consommer ce qu’on nous demande de consommer, de ne vivre que pour le présent. Le progrès est au contraire une exigence de tous les instants. Ce sont des sacrifices consentis, mais qui ne seront pas vains et qui ont un sens. Le progrès, c’est semer pour l’avenir et les générations futures. Quel arbre faisons-nous pousser ?
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