Mohammed Merah, l’itinéraire du pire
Mohammed Merah... un nom qui mérite d'etre oublié. Mais avant quelques questions s'imposent sans relache. A quel individu avions-nous affaire ? Jusqu'ou l'humain peut-il aller dans sa ruée vers l'abject ? Plus simplement, dans quel monde vit-on pour produire ainsi de tels hommes ?
La France est encore sous le choc. Horrifiée par le déchaînement d’une haine sans nom. Elle voit avec effarement comment un jeune homme a pu se transformer en machine à tuer, enclencher une folie meurtrière et pire encore. Elle constate chaque jour cette trajectoire qui n’en finit plus de creuser un sillage d’atrocité. Les faits étaient déjà épouvantables avec l’assassinat de plusieurs militaires. L’abominable s’est fait jour au petit matin devant une école juive avec la mort de trois enfants et d’un adulte, pris pour cible aveuglément. Car il s’agit de cela. Une barbarie froide. Mais aujourd’hui, on apprend que Mohammed Merah avait filmé ses tueries en professionnel. Il avait envoyé des clefs USB à Al Jazeera pour semer des vidéos sur la planète et finir starisé… Il avait sur lui également une clef contenant des vidéos de ses meurtres. Des témoignage du GIGN ont enfin montré qu’il avait pris une jouissance infinie à tuer. À quel individu avions-nous affaire ? Jusqu’où l’humain peut-il aller pour dépasser les barrières de l’atrocité ? Plus prosaïquement, dans quel monde vit-on ?
À quel individu avions-nous affaire ? Mille et une questions se posent devant le carnage qui s’est produit dans la ville Rose. Comment peut-on arriver à cela ? Un jeune homme qui a juste dépassé la vingtaine se transforme en agent d’Al Qaeda tenant tête pendant plus de trente heures aux meilleurs flics de France. Un gamin des banlieues pas fini qui charge un groupe d’intervention avec des techniques de « forces spéciales ». Un jeune homme dont on apprend enfin qu’il a fait des stages au Waziristan avec quelques contrôles de la DCRI. La personnalité qu’on dresse de Merah est au vu de son action particulièrement troublante et inquiétante. On le dit taciturne selon ses voisins. On le sait délinquant avec des délits mineurs assez tôt dans sa vie… mais rien ne pouvait laisser penser qu’il pourrait « s’activer » brutalement pour réaliser une œuvre si noire. C’est ce point qui laisse songeur. Quel est l’élément déclencheur… on sent qu’il y a eu justement une forme de glissement vers cet état de folie. Tout visiblement a été préparé, prémédité au fil du temps avec une rigueur militaire. Il y a même ce refus de conduire un attentat suicide, montrant qu’il voulait « voir » ses victimes et jubiler de ses actes. Cette crise paroxystique fait froid dans le dos, car finalement les professionnels du renseignement n’ont pas vu venir ces préparatifs. Aussi, Merah semble rentrer dans le cadre de délirants narcissiques qui mettent leur intelligence à faire le pire. Le bilan de cette personnalité est malheureusement simple. Une folie installée, attirée par le macabre, car on a vu même la presse évoquer son attrait pour les scènes de décapitation sur Internet. Nous avions donc affaire au pire dans une mécanique de décompensation psychique.
Jusqu’où l’humain peut-il aller pour dépasser les barrières de l’atrocité ? Tuer des enfants à bout portant et visiblement en filmant cela dépasse l’abject. L’être humain alors touche le fond et ce qu’on appelle « La part obscure de nous-mêmes » (Elisabeth Roudinesco, Albin Michel). Avec le progrès et la technique, on aurait pu penser que les réflexes de barbaries pourraient cesser, mais encore une fois, on sent cette propension d’une minorité d’individus à se canaliser pour le pire. On a des témoignages concernant les camps d’Al Qaeda au Pakistan assez effarant. Là, il s’agit d’endoctrinement total : ainsi, il était fait état d’un salafiste actionnant sa charge suicidaire juste pour montrer aux nouveaux arrivants sa capacité de mort en martyr. Ce pouvoir sectaire de ces mouvements montre donc comment on peut réduire en bouillie des cerveaux pour ensuite en faire des machines à tuer et se tuer. La première étape vers l’atrocité semble bien être un sectarisme religieux poussé à l’extrême. Mais l’humain va souvent plus loin. On voit un danois préparer pendant plusieurs années l’assassinat d’une centaine de jeunes à Atoya. Encore là, une folie, une adoration pour le morbide. Indétectable évidemment.
Mais là encore, ces perversions semblent être tout droit sorties d’une cohorte de monstres qui ont jalonné l’histoire. On pense à Gille De Rais (Barbe Bleue), Georges Chapman (Jack L'Éventreur), Erzebet bathory (la comtesse sanglante), Peter Kurten (le vampire de Düsseldorf) ainsi que les serials killer américains qui sont pléthores. Là encore les monstruosités sont nombreuses, les ressorts finaux sont cette attirance pour le sang, le mal et cette déviance fatale vers le pire. Aussi, que dire hormis que ces affreux finissent toujours par périr de leur folie, mais avec tant de dégât. Jusqu’où irons-nous ? la question reste sans réponse. Il semble que l’histoire se répète avec une régularité affligeante malgré justement aujourd’hui les nouvelles technologies visiblement incapables de « filtrer un Merah ».
Dans quel monde vit-on ? Filtrer un Merah aurait été si important… mais aujourd’hui la question qu’on peut poser c’est justement cette trajectoire de ce jeune. Comment passe-t-on de la délinquance à Al Qaeda ? Notre société aurait dû trouver une réponse à ces vocations noires. On voit alors se dresser la problématique des politiques de la ville. Endiguer le désoeuvrement de la jeunesse pourrait être une solution à ces carrières sinistres. Trouver de l’emploi pourrait aussi détourner ces jeunes de ces expériences pakistanaises. Ce sont ces leviers sociaux qu’on trouve à l’évidence. L’emploi, l’insertion, l’accompagnement. Merah était un ouvrier modèle, mais il avait déjà eu son parcours de « formation » du coté de Peshawar, autant dire que c’était trop tard. La solution à ce drame aurait pu être dans une prévention de la délinquance alors que la France vit une crise sans précédent. Signe inquiétant, des hommages pour Merah ont eu lieu en banlieue… c’est là encore un signe que le monde actuel est en souffrance, que les solutions passent par l’éducation, la formation et le respect.
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