Mon hommage à François Mitterrand, son secret de Bibracte, les forces de l’esprit
Après les récents documentaires sur l'ancien président de la République et sur ses secrets, aujourd'hui dévoilés, y a t-il encore quelque chose à ajouter ? Il ne semble pas, et pourtant.
Le document que je présente ici, une nouvelle fois, est une carte de visite qu'il m'a adressée. Je n'en comprends l'importance qu'aujourd'hui. L'enveloppe est tamponnée à la date du 10/5/95.
À cette date-là, François Mitterrand était en fin de mandat mais exerçait encore ses fonctions de Président de la République avec toutes les prérogatives attachées à cette charge. On pouvait alors se l'imaginer entouré d'une foule de collaborateurs et de secrétaires, travaillant sur de lourds dossiers engageant l'avenir de notre pays et du monde. Comment aurai-je pu pensé qu'en réalité, il passait ses journées, couché et souffrant, comme les récents reportages nous l'apprennent aujourd'hui ?
C'est durant son second septennat, en 1992 et 1995, que j'ai publié les deux ouvrages dans lesquels je conteste la localisation de Bibracte au mont Beuvray. Quand, après les lui avoir envoyés, l'un par la voie hiérarchique, l'autre à son domicile privé, j'ai reçu cette carte de visite, je n'y ai vu qu'une simple réponse polie, automatique, voire polycopiée, envoyée par le secrétariat chargé du courrier présidentiel... Et puis, le temps passant, je me suis interrogé et, après les dits reportages, encore plus. Cette affaire est en effet très curieuse.
Anne et Mazarine Pingeot en possèdent probablement la clef ; quant à moi, je ne peux faire que des suppositions en reprenant l'ordre chronologique.
Le 17 septembre 1985, François Mitterrand, lors de son premier mandat, avait prononcé au mont Beuvray un de ses plus grands discours.
http://discours.vie-publique.fr/notices/857011700.html
Discours très patriotique avec lequel on ne peut être que d'accord. Dommage qu'il n'ait pas été prononcé sur le bon site... mais ce n'est pas la faute du Président.
En décembre 1992, je publiais mon "Histoire de Bibracte, le bouclier éduen" dans lequel j'expliquais que Bibracte, capitale des Éduens - première en Gaule - ne se trouvait pas au mont Beuvray mais à Mont-Saint-Vincent. J'en envoyais un exemplaire par la voie hiérarchique au ministre de la Culture, Jack Lang. Par lettre DP/B2/PCM/CG du 3/3/93, Mme Wanda Diebolt, sous-directeur de l'archéologie, me remercia pour cet envoi. Il entrera, écrit-elle, à la bibliothèque de ce service.
Pressentant que le Président de la République - à défaut un ministre - allait prononcer un nouveau discours sur le mont Beuvray lors de l'inauguration du musée prévue le 4 avril 1995, je demandais à un ami de metttre en garde le ministre de la Culture qui était alors Jacques Toubon. Lors de l'inauguration, tout le monde s'attendait à ce que le président ou le ministre prononce quelques mots. Dans le compte rendu du journal, il est écrit, à l'étonnement général, qu'aucun discours ne fut prononcé. N'est-ce pas la preuve évidente que tous deux savaient que la planche était pourrie et les dés truqués ?
Le 20 avril, prenant acte que le président de la République n'avait toujours pas tranché le noeud gordien, je m'affranchis de la voie hiérarchique et lui envoie directement, à son domicile privé de la rue de Bièvre, mon deuxième ouvrage que je venais de publier "Histoire de Bibracte, l'épée flamboyante". Ma dédicace était assez sèche "À M. le Président de la République". À cette époque, je n'étais pas mitterrandien, mais pas du tout.
Le 10 mai, je reçois la carte de remerciement de la présidence de la République, signée François Mitterrand.
Le 20 novembre, je reçois du ministère de la justice une lettre de Jacques Toubon me félicitant pour mon important travail de recherche et de documentation.
Jacques Chirac ayant été élu le 7 mai 1995, la passation des pouvoirs ayant eu lieu le 15, j'en déduis que c'est entre ces deux dates que François Mitterrand a rédigé la carte de remerciement que j'ai reçue le 10. J'en déduis qu'il l'a rédigée depuis son bureau de l'Élysée, comme s'il mettait la dernière main à ses affaires. En toute logique, il me remercie pour l'envoi de mon "Histoire de Bibracte, l'épée flamboyante" que je lui ai adressée le 20 avril, lequel ouvrage, qui venait d'être publié, a dû définitivement le convaincre.
Que veut-il me dire dans sa courte phrase ? Certes, il me remercie mais - je ne suis pas naïf - non pas par grandeur d'âme ou civilité, mais pour n'avoir pas profité de cette erreur de localisation qui aurait pu nuire à l'image qu'il voulait laisser à la postérité. Il faut se rappeler le contexte, notamment la polémique que Jean-François Kahn avait lancée au sujet de la fameuse parcelle que le président aurait fait acheter sur le mont Beuvray pour s'y faire enterrer. Assez vite oubliée, cette polémique aurait pu rebondir en farce ridicule. Dans l'édition de Paris Match du 28 septembre, Madame Danielle Mitterrand avait expliqué, assez maladroitement d'ailleurs, pourquoi, elle et son mari, avaient décidé un moment de s'y faire enterrer, non pas par rapport à l'histoire du site mais en raison de la tranquillité du lieu, de la proximité de Château-Chinon et de l'école où son père avait enseigné. Elle n'avait pas prononcé une seule fois le mot de Bibracte. Et le 18 janvier 1996, ce même Paris Match - qui n'avait décidemment rien compris - annonçait le décès du président en présentant le mont Beuvray comme le lieu d'inhumation choisi.
Bref, lorsque François Mitterrand rédige sa carte de visite vers le 9 mai 1995 pour me remercier, il ne fait aucun doute qu'il est convaincu que Bibracte n'est pas le mont Beuvray. Peut-être même m'est-il reconnaissant de lui avoir évité un enterrement discutable tout en lui laissant le temps d'organiser une sortie plus digne.
Le 15 mai, soit seulement quelques jours après la carte, il accorde au Monde une interview (édition du 29 août), dans laquelle il met en exergue l'importance de l'Histoire, véritable culture de l'homme politique, mais il rejette sur l'historien la responsabilité de l'interprétation... étonnant testament.
François Mitterrand connaît la nature humaine. Les récents reportages montrent à l'évidence qu'il n'est pas dupe du monde politique machiavélique qui l'entoure, s'amusant à opposer l'un à l'autre. Quelle idée peut-il se faire de moi, une idée différente j'espère, celle que lui donne l'officier de carrière Christian Prouteau ? Celle des jeunes châtelains du château de Cormatin, sauveurs de monuments historiques ? Image d'écrivain comme il le fut ? Mitterrand croit aux forces de l'Esprit. Il pense qu'elles peuvent passer d'un être à l'autre. L'écrit le permet.
Il me dit qu'il est sensible à ma pensée. Plûtôt que le simple fait de l'avoir prévenu, ne serait-ce pas aussi et surtout la "pensée" que j'ai mise dans mes écrits ? Y a t-il trouvé l'esprit qui, jadis, animait nos ancêtres ?
Bien sûr que je ne suis ni naïf, ni dupe. Comparée à la sèche dédicace que je lui ai faite en lui envoyant mon ouvrage, sa réponse, presque élogieuse, me "flatte" sans toutefois m'apporter l'argument définitif et immédiat que j'aurais souhaité.
Grand connaisseur du milieu de son époque, François Mitterrand était conscient des lourdeurs de son administration, de la puissance des oligarchies, notamment archéologique, du manque de culture d'un grand nombre d'élus, et même de ministres. Moi qui croyais qu'il suffisait de dire la vérité pour qu'elle soit crue, lui savait, bien mieux que moi, que beaucoup d'eau allait couler sous les ponts avant que la communauté scientifique reconnaisse cette vérité, aussi argumentée soit-elle : que le vrai site de Bibracte ne s'est jamais trouvé au mont Beuvray.
Emile Mourey, 21 décembre 2015, photo Gazetteinfo.
De profundis.
1996 : extrait de mon site www.bibracte.com "Le troisième secret de François Mitterrand."
S'il est un lieu magique au centre de l'hexagone national français, c'est bien ce Morvan montagneux aux ténébreuses forêts de hêtres, et dominant ce Morvan, l'imposante hauteur du Mont-Beuvray. L'eau qui s'écoule de ses pentes transportait, jadis, jusqu'à Paris, le bois d'oeuvre et de chauffe ; et le lait de ses nourrices apportait aux enfants délicats de la capitale la vigueur d'une nature intacte.
L'industrialisation sauvage l'a oublié. Les grandes voies de communication s'en sont écartées. Bien que se dépeuplant progressivement, le Morvan est resté tel qu'il fut : un vestige archéologique vivant. Dans cette autre forêt de Brocéliande, de mystérieuses légendes hantent les sous-bois, les pierres branlantes et les rivières à truites.
Député de la Nièvre, François Mitterrand s'est laissé prendre au charme de cette région qui lui parlait si bien d'Histoire et de Mort, se recueillant dans cette atmosphère si particulière où le silence métaphysique pénètre tout jusqu'à l'esprit. Dans le cadre de la fenêtre de sa chambre du "Vieux Morvan", c'est le Mont-Beuvray qu'il voyait renaître dans la clarté du jour.
François Mitterrand n'est pas resté dans la religion de ses pères. Il s'est échappé dans les ciels tourmentés de la politique et des peintres romantiques tout en s'accrochant à une espérance d'éternité qu'il croyait découvrir dans les forces de la nature ou dans le mystère des pyramides.
Bref, s'il est une chose qu'on ne peut pas reprocher à François Mitterrand, c'est son attachement au Morvan. Ce n'est un secret pour personne ; l'homme aimait la nature, la culture, l'histoire, et en particulier l'archéologie car c'est la science de la recherche des origines.
4/4/2008, extrait de l'allocution prononcée par la Secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet lors de la remise du label "Grand site de France" au mont Beuvray (fausse Bibracte)... S’il est un lieu magique au centre de l’hexagone, c’est bien ce Morvan montagneux aux ténébreuses forêts de hêtres, et dominant ce Morvan, l’imposante hauteur du Mont-Beuvray. L’industrialisation l’a oublié. Les grandes voies de communication s’en sont écartées. Bien que se dépeuplant progressivement, le Morvan est resté tel qu’il fut, tel qu’on l’aime : un vestige archéologique vivant. Dans cette forêt druidique, de mystérieuses légendes hantent les sous-bois, les pierres branlantes et les rivières à truites. Avant de rejoindre le buffet gaulois, je vais donc remettre officiellement l’objet symbolisant le label "Grand site de France".
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