Mon programme pour 2022 (1)
« La définition des alternatives est l'instrument suprême du pouvoir ; ses adversaires ne peuvent que rarement se mettre d'accord sur ce que sont les enjeux, parce que le pouvoir est impliqué dans leur définition. Celui qui détermine ce qu'est la politique dirige le pays, car la définition des alternatives est le choix des conflits, et le choix des conflits alloue le pouvoir. »
E.E. Schattschnieider, The Semisovereign People
Répondre aux « préoccupations des Français », voilà le secret d'un programme consensuel qui vous mène à la magistrature suprême. En plus de quelques dizaines de millions d'euros. Attirer l'électorat consiste, pour un candidat, à cibler une clientèle, et lui dire tout ce qu'elle veut entendre. Le système serait « honnête » si l'électeur avait conscience des réels enjeux. C'est le but de la presse de formater la perception de ces enjeux, et plus généralement la perception du monde, du pays, etc. C'est une véritable cage pour l'esprit, qui tend, avec la surmultiplication des médias et de leurs supports, a créer une réalité virtuelle, un univers parallèle du débat public, dont la principale vertu est d'empêcher la réflexion, l'interprétation des informations, et finalement la remise en cause du pouvoir et de ses bénéficiaires.
Le phénomène n'est pas nouveau en soi, mais s'est considérablement développé avec Internet, et en particulier les réseaux dits sociaux. Contrairement à la « croyance populaire », ces instruments ne sont pas des outils de communication, et même pas de simples aspirateurs de données personnelles, c'est bien plus pervers que ça. Fonctionnellement, une plateforme telle que facebook est une « boîte de Skinner », c'est-à-dire un dispositif permettant, non pas seulement d'analyser les comportements, mais également de les modifier à volonté, sur commande de ses clients, qui vont du vendeur de lessive à la CIA. Ceci mériterait un article à part entière, mais pour aller directement aux conséquences de l'usage généralisé des réseaux, on peut compter, dans le champ du débat politique, trois effets délétères principaux :
- L'enfermement dans une bulle idéologique, le système va renforcer la croyance de l'individu, en ne lui présentant que des informations qui confirment ses préjugés. Il est progressivement amené dans un microcosme idéologique, qui est une vision de plus en plus réduite, mutilée, « spécialisée » et cohérente de la réalité.
- La dégradation des comportements et attitudes : violence, insultes, outrances, moqueries, imperméabilité aux arguments, rejet du débat. Ceci est un résultat inévitable, car l'efficacité des techniques de modification du comportement passe par l'action des stimuli négatifs. L'utilisateur est amené dans un état de stress, et régulièrement confronté à des informations susceptibles de l'indigner. Je détaillerai ceci dans un article séparé.
- Le renforcement de l'identification et de l'implication personnelle dans une cause, un courant d'idées, etc. L'exposition publique, et le temps passé à défendre ceci ou attaquer cela va progressivement empêcher toute évolution des idées chez l'individu, ou tout changement de regard. Ceci, qui est pourtant le mécanisme primaire de la réflexion, et peut-être de la sagesse, sera perçu comme un reniement, à la fois par les autres et par soi.
En résumé, les gens deviennent de plus en plus ignorants, tout en consommant de plus en plus d'informations, de plus en plus agressifs et arrogants, de plus en plus bornés, sourds à la raison et à la logique, incapables d'honnêteté intellectuelle, et finalement, de plus en plus contrôlés, pilotés par les classes dominantes, qui financent le système médiatique. Et tout cela est volontaire.
J'ai fait ce long préambule avant tout pour illustrer pourquoi je n'espère pas grand'chose de l'exposition de ce que j'appelle, ironiquement, « mon programme ». Non seulement il sort des codes de la prétendue « politique », mais se base sur une perception de la réalité largement antagoniste à celle diffusée par le système médiatique.
Mon intention initiale était de décrire la structure du pouvoir réel en France, ce qui, de nos jours, est appelé « état profond ». Je n'aime pas cette expression, et encore moins l'effet qu'elle produit dans les cerveaux : comme souvent, il semble qu'avoir un mot, fût-il vague, jamais clairement défini et utilisé à tout-va, dispense d'explications. Chacun y voit et y met ce qu'il veut, ce qui le vide de sens. Mais comme le temps de cerveau des Français semble accaparé par les candidats au concours de beauté présidentiel, j'ai préféré tourner l'article en programme.
Rassurez-vous, encore une fois, je ne caresse pas le secret espoir de devenir président de la république. Simplement, on trouve beaucoup d'articles qui parlent de la nullité de nos « politiciens », mais très peu de contre-programmes, de visions et de propositions alternatives, qui puissent illustrer concrètement leur nullité profonde, le manque d'imagination et de consistance de leurs programmes, et la vacuité des milliers d'heures de débats, pugilats et autres bavardages prétendus politiques.
Le programme s'articule sur quelques grands principes, exposés dans la liste qui suit.
- La phrase : « nous devons laisser une meilleure planète à nos enfants » est une absurdité. Nous devons laisser de meilleurs enfants à notre planète.
- Refuser le totalitarisme : nous ne sommes pas la propriété de l'état, son champ de compétence et son autorité ne doivent jamais déborder sur la liberté de conscience, et la liberté tout court des citoyens.
- Ni étatisme soviétique, ni dictature du marché prétendu « libre », il y a une voie médiane.
- Guerre à mort contre la corruption.
- Bienveillance, amnistie, pardon dans la phase de transition vers un nouveau régime.
- Transparence de l'état. Réforme, simplification, démantèlement des machines bureaucratiques, lutte à mort contre les passe-droits, les combines, le népotisme.
- Les technologies numériques, leurs immenses possibilités, ne doivent plus servir l'état à fliquer les citoyens. Le numérique doit servir au citoyen à contrôler l'état.
- Les médias sont un « quatrième pouvoir », qui échappe au système démocratique. Ceci doit être contrebalancé, sans limiter la liberté d'expression et la liberté de la presse.
- Introduction progressive de la démocratie directe.
1. Mettre les technologies numériques au service du bien commun
Il y a eu dans la décennie précédente d'indéniables progrès dans le traitement numérique de l'information, ce qu'on appelle vulgairement dans les médias « l'intelligence artificielle ». Mais bizarrement, il y a tout un champ d'application de ces technologies qui n'est jamais exploré. C'est pourquoi la première mesure de mon programme est la mise en place de systèmes informatiques ayant pour but d'assainir les finances publiques et les administrations.
A. La traçabilité de l'argent publique, à l'euro près, depuis les caisses du trésor jusque dans les poches des particuliers.
Vous l'avez sans doute remarqué, au fil du temps, on paye de plus en plus d’impôts pour de moins en moins de service public. Où part le fric ? Dans de nombreuses poches, souvent le plus légalement du monde. Vous connaissez sans aucun doute l'expression « les 1% » pour désigner les oligarques. Certes ils existent bien, mais ce terme est un piège sémantique, typique de l'opposition contrôlée. La réalité est que les caisses publiques entretiennent le train de vie d'une quantité largement supérieure de parasites, via des postes et emplois plus ou moins bidons, des subventions à des associations plus ou moins bidons, des commandes publiques de biens ou de services inutiles, des infrastructures surdimensionnées etc.
D'où l'idée d'utiliser le numérique pour y voir clair. Le principe est simple : tout euro qui sort des caisses doit être tracé jusqu’à la personne physique qui l'empoche. Si les flux d'argent se perdent dans des montages d'entreprises inextricables, ce qui est la combine la plus utilisée par les magouilleurs, la règle est simple : on arrête tous les versements à ces entités, jusqu'à clarification de la situation.
Une fois les comptes établis, on procédera à des vérifications sur la base de la « détection d'anomalies », spécialité des systèmes numériques de traitement des données en masse. En outre, toutes ces données seront rendues publiques, en vertu du principe de transparence. Autant le flicage des activités privées par l'état est une chose révoltante, autant lorsqu'il s'agit d'argent public, il n'y a aucune pudeur à avoir.
B. La modélisation complète des structures et organisations étatiques, afin de détecter les différentes anomalies : les machines à emplois fictifs pour placer les copains et les rejetons, les entités redondantes, les pompes à fric au profit d'une caste, les complexités invraisemblables qui sont des machines à faciliter la magouille.
Considérez le diagramme suivant, c'est une petite partie du système de santé en France.
Vous y comprenez quelque chose ? Bien sûr que non. Rassurez-vous, c'est fait exprès. Pourquoi les bureaucrates adorent les plats de spaghettis administratifs ? Eh bien, ils y trouvent plusieurs avantages.
Première chose, ça permet de multiplier les postes donc les rémunérations. Pus d'entités, c'est plus de « directeurs » etc. Plus l'entité est creuse, plus on peut cumuler une fonction avec d'autres fonctions rémunérées. Jackpot.
Ensuite, ça coûte cher. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'argent en circulation, ce qui permet d'en mettre une partie « à gauche » sans que ce soit trop visible. De plus, la traçabilité des dépenses devient rapidement difficile.
D'autre part, ça a la vertu « d'éloigner les curieux ». Les maîtres de ces administrations sont les seuls à pouvoir y exercer, car tout est fait pour que le système soit le plus opaque possible, avec les meilleurs prétextes bien sûrs.
Enfin, ça permet de noyer les responsabilités, c'est-à-dire faire en sorte que personne ne soit jamais responsable lorsqu'un scandale ou une « affaire » éclate.
Or, ici aussi, la modélisation et l'analyse numérique est absolument capable de mettre fin à ces pratiques, et redessiner une organisation rationnelle basée sur l'économie, l'efficacité, la responsabilité, la transparence et la traçabilité.
C. L'analyse numérique des lois et règlements, en vue des mêmes effets que le point précédent.
« Nul n'est censé ignorer la loi » ! Il y a 400 000 lois et règlements en vigueur, bon courage. Même un avocat qui y consacre sa vie ne peut pas ingurgiter ça. Pourquoi cette monstruosité existe ? Deux grands avantages.
D'abord, c'est un habile contournement de l'état de droit. Si on veut chercher quelque chose à reprocher à quelqu'un, on trouvera toujours.
D'autre part, c'est une pompe à fric pour de nombreuses entreprises et professions libérales. Celles-ci ont trois objectifs vis-à-vis du pouvoir législatif : éviter les réglementations contraignantes, par exemple en matière de pollution ou de droit du travail, payer le minimum d’impôts, et parfois obtenir des rentes, des contrats ou des marchés via des dépenses obligatoires imposés par la loi ou des réglementations frelatées. Sur ce dernier point, il y a un exemple historique assez connu. Dans les années 30, la réglementation sur les poids lourds a été « concoctée » au profit de Citroën contre Berliet, en imposant des contraintes absurdes de largeur d'essieu des camions. Concernant les impôts, la technique en vigueur est la célèbre « niche fiscale » qui peut prendre de nombreuses formes. Pour favoriser l'emploi dans les DOM-TOM, la construction de votre yacht de croisière est défiscalisée. Le chèque emploi service vous permet d'employer votre personnel de maison sans frais. Etc. Le procédé est toujours le même : un prétexte vertueux, par exemple l'emploie des « petites gens », et un résultat constant : ceux qui ont les moyens de payer sont exemptés d’impôt.
Ici aussi, c'est la complexité artificielle qui est l'amie des magouilleurs. On ne voit rien, on ne comprend rien si l'on est pas initié, et on ne le sera pas si on ne marche pas dans la combine. Et ici aussi, l'analyse numérique, l'intelligence artificielle peut en finir avec ces pompes à fric, parfaitement légales, formellement.
Quels effets peut-on attendre de ces mesures ? Des dizaines de milliards d'économies, des administrations simples et rationnelles, des fonctionnaires responsabilisés. En un mot, il s'agit de mettre un terme à ce sport national qu'est le pillage des caisses publiques.
Avant de conclure cette première partie, je tiens à préciser que les systèmes informatiques que je décris dans l'article sont parfaitement réalisables, et que ce fût mon domaine d'expertise professionnelle.
J'espère que le lecteur appréciera l'effort d'illustration de ce concept fumeux « d'état profond », ainsi que l'argumentation de ce point : vos chers candidats parlent de tout sauf de l'essentiel. Opacité et complexité sont les deux mamelles du système des « copains », des « frères ».
Ce qu'on appelle « politique » dans le système médiatique n'est qu'un spectacle idiot, qui consiste à flatter la bêtise des masses maintenues dans l'ignorance par ces mêmes médias.
A suivre...
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