Mon regard sur le délitement de la France et la question de l’assimilation
Je suis un ancien responsable de l'association des kabyles de France (ASKAF), que j'ai dirigé entre 2008 et 2012. A l'époque, le but était d'extraire les kabyles de France du communautarisme arabo-musulman, que nous identifiions comme un obstacle à l'intégration à la France.
Désormais, une nouvelle étape est nécessaire : l'assimilation. C'est dans le but de promouvoir cette orientation que j'ai créé, avec d'autres, une nouvelle association : "Horizon Français".
Axel BAKIR
Une impression de déclin, de régression… Si la France reste un pays où il fait bon vivre comparativement à la majorité des nations qui composent notre planète, cette sensation de décomposition progressive (progressiste ?) du pays est prégnante, et au vu des observations, ce constat est partagé par une grande partie de la population.
Né à la fin des années 70, à Versailles, ville bourgeoise et catholique, vestige de la Monarchie Française, de parents paysans venus des montagnes de Kabylie, j’ai toujours mesuré la chance que j’ai eu de vivre en France, pays d’ouverture, dans lequel vivent des citoyens venus de tous les horizons. Toutefois, sans jouer les anciens combattants ou les nostalgiques, il est évident que mon enfance et mon adolescence, vécues loin des espaces ou sont concentrées des populations etrangères ou d'origine etrangère, m’ont sauvé du communautarisme, danger qui guette désormais tous les rejetons de l’immigration et qui menace la France dans ses fondements historiques.
Tout d’abord, mon éducation fut dénuée de tout dogmatisme. Avec mes sœurs, nos parents ne nous ont jamais élevé suivant les principes d’une quelconque religion. Mon père était d’ailleurs plus que distant vis-à-vis de l’islam de son pays de provenance et ma mère pratique un islam que je qualifierai de « convenance », car détaché des Livres Sacrés qu’elle n’a pas lu. Il n’y avait donc pas en eux cette affiliation qui pouvait les conduire à nous embrigader également sur le même chemin. Ma mère, qui n'a pas été scolarisée, pratique sans le savoir un islam "sécularisé" et ne se prive pas d'émettre des critiques vis-à-vis de ses "co-religionnaires"...
Tout cela additionné au fait que je n’ai jamais fréquenté, dans mon enfance et mon adolescence, de congénères de la même origine que la mienne, à quelques exceptions près, fait que j’ai grandi sans être tiraillé entre ma culture d’origine (celle de mes parents) et ma culture de naissance, à savoir la culture française. Je ne me suis jamais défini par rapport à mes origines et la question de la religion était totalement absente de mon quotidien. Même ado, les questions de religion m’étaient étrangères. C'est un sujet qui ne m'intéressait pas.
Au final, j’ai naturellement fait miennes les valeurs de mes camarades et copains de l’époque : ouverture aux autres, tolérance, respect des différences et respect de l’autorité, concept dont la destruction constitue le terreau de toutes les dérives. Même nos inévitables bêtises de l'époque, cadrées par ces principes, semblaient dérisoires avec le recul. Pour moi, n’existait que ce que je vivais dans ma vie quotidienne et que je partageais avec les autres. Tout le reste m’était inconnu. Et c'est ce vécu, ces fréquentations qui m'ont forgé et ont constitué la base de ma vision naissante du monde et de la vie en société.
Venons-en à l’autorité… Celle qui, aujourd’hui n’existe plus dans certaines parties du territoire français, hormis celle des « caïds ». Mai 68 était passé par là et avait commencé à saper ce qui incarne l’autorité : les parents, l’école, les forces de l’ordre et l’Etat. Dans le cas de la France, nous pouvons ajouter l'autorité de l'Eglise.
Si un assouplissement de la rigidité de l’époque était effectivement souhaitable, la destruction de ces piliers, dépositaires de l’autorité et donc de la cohésion sociale, allait avoir des conséquences désastreuses dans la société. Mais dans les années 80 et 90, période de mon développement, les effets de cette déstructuration restaient éparses et m’ont épargné. J’ai grandi avec la crainte des autorités. Qu’elles soient parentales, scolaires, policières et étatiques et cela m’a permis de me modérer, de me construire en intégrant les contraintes d’une vie harmonieuse en société. Il est évident que sans autorité, respectée par une écrasante majorité, il n’y a point de vie collective possible. Il en va d’une entreprise comme d’un pays. Je dirai même que sans respect de l’autorité, et je parle bien d’autorité que l’on reconnaît au préalable comme « légitime », il n’y a pas de respect de l’autre possible.
Certaines personnes, baignées dans un esprit de remise en cause des bases traditionnelles d’une société, voir de toute autorité, diront qu’elles sont bienveillantes et respectueuses des autres de nature, sans avoir besoin d’avoir recours à ces repères. Certes… Mais malheureusement les cas individuels, aussi légion soient-ils, se heurtent à la réalité de groupe mais également à la fragilité d’autres individus qui, sans ces contraintes, font montre d’une dangerosité… dont nous constatons, impuissants, l’expression dans notre ère postmoderne.
Car oui, le centre de mon propos est celui-ci : le fait d’avoir balancé les valeurs fondatrices de toute civilisation par-dessus bord, au nom d’un progressisme qui n’est que l’expression d’un besoin vaniteux de certaines élites de se sentir exister, a produit la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui : une société sans repère, ou la violence et la délinquance explosent, ou le niveau d’instruction et de culture dégringole et ou le choix de « ringardiser » le patriotisme français, loin de les avoir ouvert à l’universel, a jeté des pans entiers de citoyens dans des appartenances communautaires de substitution, la nature ayant horreur du vide. Et si la communautarisation, la fragmentation de la société en diverses catégories d'appartenance était la conséquence de cette entreprise de diabolisation du patriotisme en France ? Cela montre bien, en tous les cas, que sans identité affirmée, sans insertion dans un groupe partageant des valeurs et un destin commun, aucun individu ne parvient à trouver son équilibre.
Et c’est là que ma description de départ prend son sens. Car si les français d’origine nord-africaine de ma génération ne sont pas tous devenus de « bons français », pour les générations suivantes, en revanche, la sentence est implacable : beaucoup d’entre eux ne se sentent pas « français » du tout, agissent et pensent en agents extérieurs au territoire alors même qu’ils y sont nés et y ont grandi. La décision (au nom d’un super état européen ?) des élites françaises de renoncer à faire aimer la France aux citoyens et pire, de lui mettre sur le dos tous les maux de la terre, n’a pas eu des effets pervers que sur les « français de souche », qui se sont vus culpabilisés d’être français et priés de pérpetuellement battre leurs coulpes. Mais aussi et surtout sur les populations d’origine immigrée, livrées à leur identité d’origine, identité « flattée » par les élites françaises, notamment de gauche (mais pas seulement), et idéalisées par ces populations. Idéalisation du pays d’origine et rejet de la France : c’est à cela qu’a conduit le travail des associations dites « antiracistes » et autres éducateurs locaux à qui les autorités ont « sous-traité » la gestion de l’usine à gaz que constituent la gestion de la concentration de ces populations.
Résultat : cette allégeance au pays d’origine s’accompagne également d’une adhésion radicale, chez une partie importante des enfants des dernières générations à la religion musulmane, ciment venu combler le vide spirituel et de sens crée en France par la destruction du patriotisme et des valeurs susceptibles de les cadrer et les encadrer. Car certains de ces fameux éducateurs ne se sont pas contentés de jouer les soupapes au service de l’Etat mais se sont érigés en formateurs religieux. Ainsi, d'une pratique sécularisée de l'islam des premières générations, nous sommes passés à une pratique radicale, d'ailleurs souvent liée à une pratique de la religion dénuée de foi ou d'une quelconque recherche de transcendance spirituelle mais uniquement d'une volonté de revanche et d'affirmation identitaire. La décision de confier la constitution et la gestion d'un islam dit "de France" à des représentants des Frères Musulmans et à des salafistes vient parachever ce tableau morbide et nous promet un avenir radieux...
Eric Zemmour n’a pas complètement tort de dire que l’orthodoxie musulmane est incompatible avec les valeurs du cadre républicain français. Sauf à accepter de réduire la pratique à la foi et au spirituel, sans imposer le texte. Cela s’appelle la « sécularisation » et vaut évidemment pour toutes les religions. Mais c'est souvent l'aspect de l'islam le plus négligé des "néo-musulmans"...
Et malheureusement, la France a trop peu de choses à proposer aux plus radicaux en guise de valeurs de substitution, sinon des valeurs « progressistes » qui d’ailleurs, sont souvent rejetées par les français en général, plutôt en recherche d’un équilibre entre les apports de la modernité et le retour aux valeurs traditionnelles...
Toutefois, je pense qu'il serait bon que la critique légitime des dérives et du danger de l'islamisme soit accompagnée d'un soutien franc et déterminé à ceux qui, parmi les musulmans, combattent le fondamentalisme et le dogmatisme et prônent une pratique apaisée et sécularisée de leur religion. Mais également des citoyens d'origine nord-africaine qui n'adhèrent pas à l'islam et qui se retrouvent souvent sous pression de gens de leur origine sans appui dans un pays qui a pourtant fait de la liberté de conscience l'un de ses principes fondamentaux.
Le polémiste pose également la question du rôle des prénoms dans l’assimilation, ou la « francisation », pour reprendre son terme, des populations d’origine étrangère. C’est un débat qui mérite d’être mené, loin des manipulations et du clientélisme. Clientélisme qui est d’ailleurs souvent la raison inavouable de certains responsables politiques pour refuser ce débat. Pourtant, au vu de la situation du pays, aucune question ne doit être frappée du sceau du tabou.
Sans être un rigoriste, il est évident qu'il faut réfléchir à tous les outils permettant de remettre en marche la logique assimilationniste. Et la question des prénoms revêt, de ce point de vue, une importance symbolique.
Car il faut reconnaître que, quel que soit le faciès de l’individu, dès lors qu’il a un prénom français, ou au moins à consonance occidentale, plus personne ne se pose la question de ses origines… moi le premier. Malheureusement, il est à craindre que "contraindre" par la loi les individus à donner des prénoms français à leurs progénitures ne suscite des resistances dont il sera difficile de venir à bout. Il est donc impératif de rendre aux français la fierté de ce qu'ils sont par un changement de paradigme qui permettra à coup sûr d'augmenter, au sein des populations d'origine étrangères, la proportion de ceux qui voudront s'assimiler.
Par ailleurs, on parle beaucoup du concept de "liberté" pour justifier le fait de tout accepter. Mais la liberté n’a pour moi de sens qu’adossée au respect de l’intégrité physique et morale des gens qui nous entourent. Et sans autorité pour contraindre à cela, il n’y a donc pas de liberté "civilisée". Ou alors une liberté « égoïste » ou chacun est tenu de se débrouiller tout seul face aux coups qui ne manqueront pas d’advenir.
Il est encore temps de revenir sur nos pas et renouer avec certaines valeurs qui ont été balancées par-dessus bord sans réfléchir. Les conséquences désastreuses qu’on observe aujourd’hui devraient nous y contraindre.
Repenser la politique d’immigration dans le sens d'une reprise du contrôle des flux, revenir au respect de l’autorité, appliquer la loi de manière stricte, cela ne peut que créer les conditions d’une amélioration progressive de la vie collective dans notre société. Tant qu’on acceptera que des communautés entières, pourtant établies sur le territoire, manifestent leur hostilité à la France et ce qu’elle représente, ce sont tous les citoyens que nous mettons en danger.
Car si les problèmes de pouvoir d’achat, de développement économique, de réindustrialisation, d'institutions, de souveraineté, d’environnement, les enjeux de recherche, l’emploi, la santé et la nécessaire recherche d’un filet social pour les gens en difficultés sont de réelles préoccupations pour les français, comment les régler quand de plus en plus de gens ont désormais même peur de sortir de chez eux ? Quel est leur poids quand les « communautés » passent leur temps à s’affronter ? Quel est leur poids quand les individus se sentent dépossédés de leur pays et de leur identité ?
Quand vous détruisez, dans une société, les autorités « naturelles », « légitimes » et « positives », à savoir celles des parents, de l’école, de la police et de l’Etat, alors il ne faut pas s’étonner que des autorités illégitimes et toxiques pour la collectivité prennent le relais.
Alors évidemment, ce positionnement, émanant d'un français d'origine nord-africaine, suscitera la désapprobation de gens qui, consciemment ou non, pensent que des gens comme moi ont des comptes à leur rendre, ainsi :
- De certains citoyens d’origine nord-africaine, qui voient les avantages qu’ils peuvent tirer de ce statut de « victimes » perpétuelles à consoler. En premier lieu celui de se masquer leurs propres incapacités. Qualifier leurs semblables qui ont choisi d'être cohérents avec eux mêmes de "collabeurs", de "traîtres" ou brocarder une "volonté de plaîre aux occidentaux" leur permet de se cacher la propre impasse dans laquelle ils se mettent : vivre dans un pays qu'ils détestent mais sans aucune intention d'aller s'établir et aider le pays qu'ils croient aimer. Victimes de leurs schizophrénies, ils ne supportent pas que leurs semblables s'épanouissent quand eux se débattent dans un mal-être incessant.
- De la gauche « intersectionnelle » au courant dit « islamo-gauchiste », en passant par certains intégristes, qui se planquent derrière la bannière de la gauche, qui leur offre le cachet "humanistes" et autres « lâches » ou simplement ignorants, les accusations vont fuser. Ces gens ne se laisseront pas « déposséder » de leur électorat ou leur clientèle, qu’ils se sont fabriqué après la désertion du petit peuple, qu’ils ont trahi. Le maintien ou l’accession à des mandats électoraux, avec tous les privilèges que cela procure, vaut bien, pour eux, d’accompagner la lente destruction de la France : "après moi, le déluge"...
La démagogie, le clientélisme, la soif de pouvoir et de privilèges, la corruption, la manipulation et le mépris de classe ont conduit notre pays dans une impasse qui se traduit non seulement par un délitement de la société, mais également par un divorce entre le peuple et ses représentants, comme l'illustrent les taux d'absention records observés lors des derniers scrutins, la crise Covid n'expliquant pas tout. Sans parler des innombrables mobilisations de rue qui ont émaillé la quasi totalité du mandat d'Emmanuel Macron.
Il est désormais temps de reprendre le parcours dans le sens de la montée car en bas (plus très loin), ce qui nous attend n’est vraiment pas réjouissant.
Axel BAKIR, fondateur de l'association "Horizon Français".
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