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Mondialisation, modernité et spécificités socioculturelles

Depuis trois décennies, le terme de mondialisation tend à s’imposer au détriment de celui d’internationalisation. Alors que l’internationalisation désignait les relations économiques (marchandises, capitaux, firmes ), entre des espaces économiques nationaux, le terme de mondialisation (globalisation en anglais ) suppose l’existence d’un espace économique commercial ; financier , productif et culturel de plus en plus unifié.

Cette évolution conduit un certain nombre d’auteurs à penser que la mondialisation entraîne dans son sillage un processus d’uniformisation culturelle. Selon S. Latouche par exemple, les effets néfastes de la mondialisation ( dans le domaine culturel entre autres ) sont imputables à l’extension considérable du marché au niveau mondial : les solidarités sociales sont réduites à de simples liens marchands au sein desquels les individus privilégient une logique utilitariste aux dépens des autres formes de relations sociales et des spécifiés culturelles . On assiste selon lui à une « occidentalisation du monde » qui ne se réduit qu’à une anti-culture. Ainsi « mégamachine technoéconomique anonyme et désormais sans visage, l’occident remplace en son sein la culture par une mécanique qui fonctionne à l’exclusion et non à l’intégration de ses membres, et sur ses marges, à sa périphérie, elle lamine les autres cultures (…) Cet impérialisme culturel aboutit le plus souvent à ne substituer à la richesse ancienne qu’un vide tragique (…) ».

Ce processus de déculturation se manifeste, selon S. Latouche, à deux niveaux : Au niveau de la production et de la consommation de biens qui ont un impact culturel : les firmes multinationales d’agroalimentaire ( Mc Donald’s , Coca Cola ,etc. ) ou vestimentaire (Nike, Reebok, Adidas, etc. ) en imposant une production une consommation de masse standardisées qui détruisent progressivement les spécificités issues des cultures traditionnelles tant dans les pays développés à économie de marché que dans les pays en voie de développement. Au niveau de la production et de la consommation des biens culturels par exemple, les instruments de communication de masse américains tels que CNN ou CBS sont omniprésents dans la quasi totalité des pays ( avec l’anglais comme langue dominante ) ; le cinéma hollywoodien construit sur le principe de l’« entertainment » (divertissement en français ) contribue à soumettre de plus en plus la production cinématographique aux seuls impératifs du marché ( de nombreux produits dérivés accompagnent aujourd’hui les superproductions américaines ). Ainsi, selon le PNUD (rapport mondial sur le développement humain 1999) « le marché mondial des produits culturels subit une concentration , évinçant les petites entreprises locales. Les produits américains dominent de plus en plus le secteur du divertissement ( films , musique et télévision ), au détriment des produits de ce secteur dans les autres pays (…) ». Cependant « (…) Si l’on considère la culture sous son aspect anthropologique au sens de M.J.Herskovits et de E.B.Tylor , il apparaît que la mondialisation de la production et de la consommation de certains biens directement ou indirectement culturels n’implique nullement une tendance à la disparition des spécificités culturelles . Ainsi selon J.P.Warnier, « Une enquête sur les vignerons d’Arbois révèle des hommes et des femmes qui allient le fût de chêne et la cuve inox dans une culture du vin qui confine au travail d’artiste. Telle écolle de danse de Madras transmettra des danses séculaires, en les adaptant aux besoins du temps. Un séjour dans les élevages andalous de taureaux de combat permettra au témoin attentif d’observer un groupe qui vibre aux lignées de reproducteurs et aux soins des animaux plus qu’aux prestiges de l’écran cathodique. Tous portent blue-jeans et boivent Coca-Cola mais leur vie est ailleurs et l’observateur superficiel n’y verra que du feu" . De même, si l’on assiste bien à la progression d’une culture de consommation mondiale, celle-ci ne se fait pas à sens unique, de l’Occident vers le reste du monde. Selon le PNUD (rapport mondial sur le développement humain 1999) « La salsa des Caraïbes, la cuisine éthiopienne et thaïlandaise et nombre d’autres traditions se propagent à travers le monde et de plus en plus de pays deviennent pluriethniques (…) le débat des anthropologues sur la question de l’homogénéisation culturelle reste ouvert . Aucune étude ne montre que les individus deviennent plus semblables les uns aux autres . Et si certains prétendent que la mondialisation est un processus idéologique imposant une culture mondiale , d’autres affirment que , même si les produits culturels circulent de par le monde les individus les reçoivent et les utilisent à leur manière". Il est à noter que la présence de spécificités culturelles peut conduire à des stratégies d’adaptation de la part de la production industrielle de biens standardisés.C’est ainsi que dans certains quartiers de grandes villes en France, les restaurants Mc Donald’s proposent des produits Kasher ou Hallal en fonction des caractéristiques religieuses de leur clientèle (…). Face au phénomène de la diversité des sous- cultures et des contre-cultures dans les sociétés occidentales, on assiste depuis quelques années au développement d’une pensée multiculturaliste qui tend à remettre en cause la conception universaliste et unitaire de la culture. A la vision optimiste du processus d’intégration symbolisé soit par le « melting pot » aux Etats -Unis soit par le « modèle d’intégration républicaine » en France, la pensée multiculturaliste oppose une analyse qui met l’accent sur la coexistence des spécificités culturelles, - image du saladier ( Salad bow ) ou du jardin botanique ( botanic garden ), - et qui conduit par conséquent à repenser les problématiques de l’intégration, de l’égalité des citoyens et du droit à la différence. Le débat sur le multiculturalisme ne se réduit pas à des opposition entre deux conceptions, celle revendiquant une culture, unitaire d’une part et, d’autre part, celle reposant sur l’idée d’une cohabitation figée, plus ou moins conflictuelle, de groupes sociaux aux identités culturelles spécifiques et incompatibles. A. Semprini, par exemple, propose une analyse plus nuancée et distingue quatre approches possibles du débat sur le multiculturalisme : - Le modèle politique libéral classique ( …) ; le modèle multiculturel maximaliste (...), .le modèle du Corporate multiculturalism (..). ; le modèle libéral multiculturel ou modèle de la « citoyenneté multiculturelle « (…) ce dernier « est principalement défendu par des auteurs tels que M.Walzer, C. Taylor ou W.Kimlieka. Il s’agit de montrer que le modèle politique libéral classique ne trouve aucune application concrète : dans la réalité des rapports sociaux, l’individu libéral n’existe pas, l’intégration sociale s’opère par l’appartenance communautaire. Le modèle libéral multiculturel souhaite donc que l’on reconnaisse le rôle des spécificités culturelles dans la constellation des identitaires. Il faut pour cela considérer que chaque groupe puisse être représenté légitiment au sein de l’espace public. Selon A. Semprini, « Si des formes d’autonomie et de reconnaissance sont reconnues à certains groupes, une zone de partage subsiste, où les groupes participant à une sphère commune. Cette-ci devient la zone qui assure « la tenue du système ». Pour les tenants du modèle libéral multiculturel, les trois premiers modèles souffrent d’un certain nombre de limites. Le modèle politique libéral suppose l’existence d’un espace public ouvert, égalitaire et ne tient donc pas compte de l’existence de communautés culturelles ; le modèle multiculturel maximaliste n’offre aucune réponse à l’enjeu de la gestion des différences culturelles : en revendiquant l’existence de groupes culturels autonomes et immuables on considère par la même que la société se réduit à une multiplicité d’espaces mono-culturels ; enfin le modèle de « corporate multiculturalism » se limite à un multiculturalisme de consommation .Ce qui ne modifie en rien les rapports de domination qui existent entre les groupes et ne permet pas de penser la question de la comptabilité des différences. A ce propos, il serait instructif de se pencher sur le cas de la France, pays, qui de par ses caractéristiques démographiques, son histoire coloniale et sa tradition terre d’asile, est depuis longtemps un territoire d’immigration dans lequel la question de l’intégration des différentes minorités se pose avec une acuité particulière. C’est que depuis la révolution de 1789 la problématique de l’intégration se fonde pour l’essentiel sur le modèle républicain national : l’espace public de la citoyenneté impliquant que les individus acceptent de réserver leurs particularismes (spécificités culturelles, raciales, sexuées, religieuses etc.). à la sphère privée. Dès lors l’étranger ou tout individu appartenant à un groupe spécifique, quelle que soit sa différence, est de fait intégré à la communauté nationale. Or, selon A. Semprini, « (…) les « vertus » du modèle républicain s’affaiblissent. Le modèle d’intégration traditionnel entre en crise, parce qu’il n’arrive pas à tenir ses promesses, parce qu’il n’assure pas l’égalité réelle de tous à l’intérieur de l’espace public (...) ». Face aux limites de ce processus d’intégration, on observe des minorités qui aspirent de plus en plus à une reconnaissance culturelle et politique, au risque d’un « repli communautaire ». la controverse autour du parti du voile à l’école au milieu des années 1990 illustre bien cette question. La mise en évidence de ce type d’événement dans les médias, les difficultés rencontrées par le ministère de l’éducation nationale à adopter une position claire, conduisent à opposer deux conceptions : Ceux qui sont favorables à l’application du principe d’intégration républicaine ce qui implique le refus de tour particularisme religieux dans l’enceinte scolaire ; Ceux qui considèrent, sur la base du principe du droit à la différence, qu’il s’agit la d’une revendication identitaire permettant aux individus de s’inscrire dans un processus d’intégration.

En fait, les études publiées à la suite de cette polémique en France et à l’étranger montrent qu’il ne s’agissait pas, dans la majorité des cas, d’un comportement manifestant soit de manière spontanée, soit sous la pression familiale ou associative, une résistance à la « culture occidentale » au nom d’une quelconque appartenance à une revendication identitaire, plus symbolique que religieuse, traduisant le fait que, pour les français nés de parents immigrés du Maghreb, le modèle d’intégration républicain conduisait plus à un processus de discrimination sociale et culturelle qu’à une situation d’égalité permettant l’exercice de la citoyenneté. Certains auteurs, à l’image de Mtribalatou ou de Dsehnapper, considèrent que le modèle d’intégration républicain continue de prévaloir mais qu’il est simplement soumis à des difficultés croissantes face à la montée des revendications multiculturelles et des revendications en terme de « droit à la différence ».

Pour sa part, A. Touraine montre qu’il est possible de déterminer une voie médiane qui permette de rendre compatible égalité et différence. Ainsi, selon lui, « il n’y a pas de société multiculturelle possible sans le recours à un principe universaliste qui permette la communication entre les individus et des groupes socialement, et culturellement différents. Mais il n’y a pas non plus de société multiculturelle possible si ce principe universaliste commande une conception de l’organisation sociale et de la vie personnelle qui soit jugée normale ou supérieure aux autres ».(in : Sciences sociales, sirey- éditions dalloz- paris 2000). L’Identité entre tradition et modernité

Il ne passe pas un jour sans que ce phénomène de mondialisation ne s’étende de plus en plus, les paraboles, évidemment y étant pour beaucoup dans cette impression de resserrement du monde. C’est que modernisation,- comme nous avons tenu à le souligner-, ne signifie pas forcément occidentalisation, pour nombre de nations relativement ( telles que la Chine, le Japon, la Corée , la Malaisie, le Mexique, l’Afrique du Sud-est) qui ont su promouvoir leurs valeurs culturelles dans un cadre de Modernité ( universalisme planétaire) point assimilable à l’Occidentalité ( européocentrisme ) classique…Modernité planétaire au processus restructurateur qui se déploie, de plus en plus, actuellement à travers le globe, entrainant, partout, chez nous en Algérie comme dans le reste du monde en général, la métamorphose fulgurante de l’environnement quotidien, qui change à vue d’œil, avec le développement fantastique des technologies, nouveaux sites urbanistiques, les moyens de communication, notamment audiovisuels et informatiques ( internet, téléphonies portables, visioconférences, surgissement des locaux de bureautique-informatique, des vidéothèques- dvd, cd ; des cyberespaces, des commerces de téléphonie portable, des salles de visionnage de spectacles en trois dimensions, et autres nouveautés envahissant brusquement l’environnement de la société moderne en général et qui n’existaient absolument pas il n’y a guère longtemps… ), mutation véritable, en fait, à laquelle nous assistons depuis quelques décennies, au point que les différences entre les cultures du globe donnent l’impression de s ’estomper , et ce, d ’autant plus que des cerveaux , scientifiques et hommes d ’arts et de lettres etc., des diverses contrées sous-développées ou nanties du globe, participent, chaque jour, via les institutions, relations, coopérations et coproductions diverses, à l’extension planétaire, multiraciale et pluriculturelle de ce que l’on a nommé la « mondialisation ». Et comme l’écrit à juste titre l’universitaire tunisien Mohamed Charfi « On peut s’en féliciter parce que le rapprochement entre les cultures favorise la coexistence, la paix et l’entraide entre les nations, comme on peut le regretter parce que l ’uniformité absolue, la disparition de la diversité constituent un appauvrissement », faisant observer, pour cela, « les mesures de sauvegarde de la culture, notamment par l’incitation à la production dans la culture nationale , peuvent être légitimes. Mais à condition que l’incitation ne se traduise pas par des contraintes et interdictions et que la sauvegarde soit effectuée dans le strict respect de la liberté de chacun. » : dans cet ordre d’idées , la notion de spécificité invoquée par les intégristes, par exemple , pour contrer l’universalité des droits de l’homme apparaît sous son vrai jour , nous dit M.Charfi qui dénonce « Ce n’est qu’un moyen de légitimer la contrainte , l ’oppression, les atteintes qu’on veut continuer à porter à la liberté de l ’homme et à l’égalité entre les êtres humains … » ( in Islam et liberté, Le malentendu historique, Mohamed Charfi, Casbah Editions, Alger 2000.) Dans cet ordre d’idées, la modernité constitue incontestablement un atout incontournable, pour les jeunes pays émergeants, en quête de leur évolution sociale, culturelle-identitaire et progrès social en général… Cependant, afin d’éviter toute équivoque, il convient de faire observer à l’adresse de certains « esprits incorrigibles et adeptes irréductibles d es bricolages catastrophiques », que la modernité n’est pas à appréhender de manière superficielle par les tenants de s idéologies populistes , nationalistes chauvinistes et autres tendances radicalistes, notamment religieuses , tendant , entre autres à islamiser abérrement la modernité, en ne retenant d ’elle qu’uniquement ses apports techniques et technologiques et excluant la quintessence de ses valeurs démocratiques libertaires et culturelles émancipatrices, humanitaires à l ’origine de ses fondements philosophiques historiques. La Modernité, il faut y insister, ne saurait se prêter au jeu des dissections , ni à celui des « mises en conformité s adéquates » etc. , étant un tout harmonieux indissociable de ses grands idéaux liber aux et indépendantistes distants des chapelles inquisitoires religieuses dogmatiques et des dictats des pouvoirs absolus, et autres, ne pouvant absolument pas être l ’objet de « nationalisations » quelconques ou se prêter aux « pliages sur mesure » calculés « fyfty-fyfty », retenant d’une main l’aubaine du profit technologique procuré et rejetant de l’autre la dimension culturelle des fondements libertaires et droits humains fondamentale … pour motifs d’inconvenance idéologique !

La Modernité , de cette façon-là est complètement annihilée et cacherait des desseins de domination certaine par ceux qui cherchent à la plier à leurs stratégies de pouvoirs foncièrement anti-démocratiques, sous prétexte, qu’elle ( la modernité) est étrangère aux valeurs autochtones, niant ainsi, de la sorte, sa dimension universelle ou les multiples opportunités de progrès et d ’évolution multidimensionnelle qu’elle offre aux sociétés sous-développées. Surtout qu e la Modernité pourrait très bien faire l ’objet d’adaptation s adéquate s ( et non pas pliage ) avec les éléments culturels et civilisationnels spécifiques d ’une contrée géographique quelconque du globe, et ce de façon plus ou moins harmonieuse avec les temps nouveaux ou les exigences du processus de modernisation et d ’acclimatation avec les données de plus en plus évolutives de la vie complexe de nos jours : il n ’y a aucun mal à s’inspirer de ce que la modernité peut contribuer à apporter à nos sociétés émergeantes ou sous-développées , en matière de progrès social, culturel et technologique etc. Nombre d’esprits cultivent à tort , en entretenant la confusion, cette tendance passéiste consistant à rattacher au courant de la modernité toutes sortes de violences, injustices, abus, crimes et guerres abominables commis dans l’ère moderne et qui ont été, surtout, les faits d’hommes belliqueux ayant trahi, en fait, les idéaux fondateurs libertaires et émancipateurs originels de la Modernité. (partisans néocoloniaux voilant leurs desseins d’hégémonisme et de domination des aires stratégiques pétrolifères, projets de bases militaires, contrôle des énergies diverses et ressources en eau etc…derrière les prétextes d’idéaux démocratiques, qui ne s’imposent pas, en principe, de l’extérieur par la force dévastatrice et décivilisatrice, mais doivent émaner surtout d’un processus de maturation évolutif interne de la société concernée). Tout comme il y a lieu de se garder, en conséquence, de vite assimiler les valeurs authentiques de la modernité à celles des pouvoirs coloniaux, néocoloniaux et autres oppresseurs , qui se sont certes appuyés sur ses formidables atouts propulseurs, d’hégémonisme technologique et scientifique mais qui n’ont, dans le fond, absolument rien à voir avec les valeurs démocratiques libertaires et humaines, héritières de la Magna Carta de 1215, la « Pétition of Rights » à l’issue de la Révolution anglaise de 1688, et surtout la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » du 26 aout 1789 issue de la philosophie des Lumières qui a permis la concrétisation du lien, conceptuellement et historiquement, entre toutes ces théories et idéaux libertaires antécédents de divers horizons, dans le moule de la Révolution française . Tournant historique universel accentuant, en quelque sorte, l’héritage de l’esprit rationnel et libertaire de l’époque de la Renaissance Européenne et les valeurs humaines pour lesquelles d’illustres hommes d’arts et de lettres, de sciences et de philosophies, théologiens réformateurs et autres gens du savoir de tous les temps et de toutes les contrées du monde se sont battus, au prix de leur vie, pour leur consécration .Et depuis l’année 1948 , la Déclaration universelle des Droits de l’homme est majoritairement historicisée dans la conscience universelle et acceptée formellement par l’ensemble des Etats de la planète. Ce qui marque précisément l’entrée de l’humanité dans la phase active de la Modernité et postmodernité planétaire A ce propos, et à l’adresse des réticents vis-à-vis de la modernité et les apports de la culture occidentale en général, il convient de ne pas oublier « que l’un des facteurs essentiels de la Renaissance en Europe a été la découverte de l ’héritage grec et que cette découverte s’est faite grâce aux Arabo-musulmans et Maghrébins qui avaient traduit et enrichi la philosophie e t les sciences helléniques »( Averroès (Ibn Rochd) et l’apport de la rationalité, Hunain le traducteur d’Hippocrate et Avicenne dans le domaine de la médecine , Khawarizmi, Djaber dans le domaine des mathématiques et l ’algèbre, Ibn El Haithem dit « El Hazen » dans celui de l’astronomie et l’optique ( Traité sur la chambre noire), ou encore les berbères Algériens de l’antiquité comme Saint Augustin et l ’impulsion des réformes religieuses Luthériennes, Apulée de Madaure, un des fondateurs du roman et récit spirituel, etc., etc.( Bien entendu ces savoirs multiples ne pouvaient s’épanouir dans ces zones arabo-musulmanes en déclin du XIIe siècle, suite à « un dépérissement graduel d’une sorte d’amnésie…mais plus grave encore, de l’improductivité soudaine de l’esprit d’invention, de l’oubli manifeste d’une longue discipline de travail, de méthodes de recherches et d’acquisition du savoir, toute chose pourtant familière dans le passé récent » ( dixit Mostéfa Lacheraf in Ecrits didactiques sur la culture, l’histoire et la société, Editions ENAP , Alger 1988. ; c’est le « Roukoud »( décadence) dont partagent la responsabilité historique les monarques oppresseurs , les dictateurs et leurs polices de la pensée, les théologiens extrémistes et fossoyeurs de l’Idjtihad (réformisme musulman), et entre autres les dangereuses contradictions et misères socioculturelles engendrées et qui ont entrainé la paralysie de l’esprit de recherche scientifique et d’innovation culturelle-artistique, faisant ainsi le jeu des autres forces de destruction et d’aliénation portées de l’extérieur : chute de Baghdâd , capitale culturelle et scientifique de l’Islam en 1258 suite à la razzia mongole, les coups de boutoir portés au proche Orient par les invasions successives des Croisés, des Tartares et des sbires de l’empire Ottoman et également au Maghreb, qui vit défiler depuis le XVIe siècle les invasions coloniales, espagnole, turque, française, italienne…même cas de figure en Andalousie où les égarements des consciences contribua au dépérissement des savoirs et à l’autodafé des œuvres d’un maitre à penser comme Ibn Rochd ( Averroès) ,pour ne citer que lui, favorisant ainsi le déclin des savoirs , des legs patrimoniaux des gens d’art, de lettres et de culture méprisés et poussés ,malgré eux, à l’exil intérieur ou extérieur...

Malheureusement, des décennies plus tard, le monde maghrébo-arabo-musulman au lieu d’évoluer et de se développer n’en finissait pas, au contraire, de sombrer dans les marasmes culturels et sous-développements chroniques, au grand désespoir de ses populations opprimées et humiliées : les séquelles coloniales et des pouvoirs féodaux, entre autres, engendrant les multiples conflits politiques, crises économico-sociales et identitaires dont profiteraient notamment les nombreux prédateurs à l’affut , tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ces infortunés pays. Et il ne fut guère étonnant dans ces conditions de voir émerger, aux devants des gens de bonne volonté, du menu peuple ou intellectuels honnêtes, ignorés ou marginalisés pour leur plupart, des intégristes religieux, justifiant la contrainte et les atteintes aux libertés de l’homme, par leur vision aberrante et manichéenne de la Modernité réduite trop souvent à « la bouteille d’alcool et à la mini-jupe » exclusivement ( ?), l’accusant ainsi « de pervertir dangereusement les jeunes esprits et la civilisation sainte de la « Ouma » improductive en matière de sciences et techniques ; alors qu’à l’autre extrême, les occidentalistes maximalistes réduisent, eux également ,de façon non moins aberrante et manichéenne, l’Islam à un « Hidjab », ou « kamis » , une barbe et un couteau terrifiant ( ?), refusant conséquemment référence à toute tradition spirituelle authentique , la suspectant »d’arriération obscurantiste sournoise menaçant "la société émancipée du progrès du monde des émergeants évolués » incapables de gérances démocratiques et d’adaptation rationnelle aux nouvelles données scientifico-culturelles cybernétiques de la modernité universelle.

Bref, ce sont là deux images d’Epinal consacrées par la propagande des deux idéologies extrémistes, et qui ne peuvent leurrer tout le temps leur monde sur la réalité de l’Islam authentique des Lumières et de la sagesse d’une part, et sur celle de la Modernité universelle des bienfaits des libertés et savoirs avec science et conscience d’acquis historiques des droits fondamentaux et constitutionnels universels reconnus de l’homme et des nations de l’Humanité , d’autre part. En conséquence, comme le dit si bien le chercheur-politologue Burhan Ghalioun, « Ni le modernisme, comme le pensent les islamistes, ni le traditionalisme, comme le croient les laïques, ne sont à l’origine du total dysfonctionnement des institutions et de la société civile musulmanes. C’est, en fait, l’absence d’une pensée cohérente et critique qui est responsable de ce dysfonctionnement. L’ordre, ou plutôt le désordre , dans lequel nous vivons , l’anarchie politique et morale à laquelle nous devons faire face dans un proche avenir ne sont ni le fruit de l’application du principe moderne de liberté, ni , encore moins, celui de la persistance des valeurs de piété et de morale religieuse. La transformation de l’Islam en idéologie politique reflète moins le renforcement des forces morales et religieuses que la sclérose du concept politique. De même, la réinvention de l’Etat « laïque » tend plus à occulter la reproduction de régimes autoritaires qu’à signifier une revendication démocratique authentique, largement confondue par certains avec le pouvoir d’une plèbe ignare. Dans les deux cas, on est en présence d’une logique implacable de crise et d’affrontement que nourrit et reproduit, à mesure de son incapacité à en maitriser les ressorts , une pensée idéologique, non critique. » ( Burhan Ghalioun, in « Islam et politique », Casbah Editions et les Editions la Découverte / Syros , Alger- Paris, 1997.). Autrement dit, le déni de la réalité présente, l’absence de volonté de l’examiner, la répugnance ou la peur de se remettre en cause et de se voir en face, ici et maintenant, ont amené souvent les pays arabo-musulmans à s’arc-bouter sur des attitudes figées qui les empêchent de s’adapter au monde moderne convenablement, et à y trouver leur place. A l’heure des technologies sophistiquées des télévisions par satellites, de la téléphonie numérique des portables et ordinateurs miniaturisés, aujourd’hui à l’heure de la planétarisation, d’une manière générale, il devient de plus en plus difficile pour les doctrinaires classiques et les propapagandistes autoritaristes de leurrer continuellement les esprits, ou de tromper à chaque fois les vigilances, comme ils en ont pris la fâcheuse accoutumance par le passé. Mais les choses sont en train de changer, aujourd’hui que la globalisation s’annonce comme une nouvelle recomposition mondiale. « Or, dans la plupart des pays ex-colonisés, la réorganisation de l’espace économique et social continue à obéir plus à une logique politique ou ethnique de reproduction du pouvoir qu’aux exigences stratégiques de développement économique et social (…) La modernité musulmane ne peut rien gagner à poursuivre les chimères de modèles nationaux révolus. Elle ne peut sortir de la crise, retrouver la paix, la stabilité et l’efficacité qu’en acceptant le risque d’aller au-devant des vérités acquises et des modèles connus, d’inventer de nouvelles formes d’organisation civile et politique, de transformer radicalement les méthodes de gouvernement, de créer de nouveaux espaces de solidarité et de convivialité, d’engendrer une nouvelle société (…) c’est-à-dire (…) la mise en place d’une structure démocratique et d’un Etat de droit qui font de la citoyenneté le modèle sur lequel peuvent s’établir le rapport de l’Etat à l’individu, d’une part, et le rapport de l’individu à un autre individu, d’autre part . Du succès de ce combat pour la démocratie dépend la reconstitution d’équilibres psychiques, idéologiques, politiques et sociaux à venir (…) La redéfinition des fonctions respectives de l’Etat et de la société civile suppose que le politique ne soit plus un lieu qui sépare, une frontière qui divise , mais un espace ou convergent les particularismes, ou s’élaborent les compromis, ou s’harmonisent les rapports sociaux dans toutes leurs dimensions, religieuses, culturelles, économiques, militaires, scientifiques, techniques, etc.(…) » ( Burhan Ghalioun , idem). Ce politique peut effectivement se muer en espace de convergence des particularismes ou s’harmoniseront les rapports sociaux multidimensionnels mais à condition, convient-il d’ajouter, que ne soient pas cultivés les mythes béats de l’unité de la nation arabe, ou de celle de la nation musulmane ou autres, pour leur substituer les enjeux concrets de l’heure présente de la globalisation et les défis lancés des regroupements zonaux maghrébins, alliances sud-méditerranéennes, coopérations et partenariats stratégiques internationaux d’ordre économique surtout. L’ère de la mondialisation multipolaire A l’époque de la mondialisation déferlante s’orientant de plus en plus vers la multipolarité, à l’ère désormais de l’effritement des grands mythes et des ponts jetés de la Modernité et culture démocratiques transnationales, il importe de s’arrimer aux réalités de cette aube naissante du troisième millénaire ou XXI è siècle, et de se définir par rapport au présent et à l’avenir. Et c’est surtout ce dernier qui devrait être le repère fondamental pour qu’émerge enfin progressivement la société berbéro-arabo-musulmane moderne, relativement équilibrée, en ce sens qu’elle soit audacieusement ouverte sur les progrès scientifiques, technologiques et culturels et parallèlement développant, valorisant ses atouts spirituels civilisationnels fructifiant ses legs culturels et artistiques patrimoniaux divers. En clair, parvenir in fine, à cet au-delà du leurre passéiste fascinant d’une communauté islamiste moyenâgeuse et autarcique , et à cet au-delà du fantasme futuriste séducteur d’une société laïque permissive calquée sur la culture occidentaliste de l’européocentrisme , en un mot édifier, ce qui est du domaine du possible et en rapport avec les faits, cette société relativement harmonieuse, moderne et démocratique et aux cultures et valeurs traditionnelles et ancestrales promues et valorisées…à l’image de l’arbre qui se défait de ses ramures caduques pour renaitre de plus belle, racines solidement arcboutées sous terre, branchages exubérants au ciel, et tronc fort , dynamique et bien élancé, corrélant les deux bouts et vitalisé par eux. Mais avant d’en arriver là, il y a fort à faire chez soi pour pouvoir affermir une culture nationale plurielle et diversifiée, la développer, fructifier et améliorer conséquemment ses contenus, textures et esthétiques plurilangagières diverses, parallèlement à la mise en place d’une industrie culturelle du livre et des médias en général,( publiques et privées), tout se complétant ici, afin d’espérer un jour véritablement entrer de plain pied dans la phase de Modernité Universelle , en dépassant de la sorte concrètement la phase « nationale » de la culture algérienne et de sa propagation surtout parmi les larges couches de la population : ce n’est qu’à cette condition que l’on pourrait véritablement escompter voir reposer l’institution sociale algérienne sur de solides assises culturelles et infrastructurelles favorables, de fait, à son affirmation en tant que société évoluée et moderne aux atouts culturels spécifiques avérés, s’imposant tant sur le plan national que sur l’échiquier international ( comme le donnent à voir l’exemple, entres autres, du Japon, de la Malaisie, de la Corée, du Mexique etc.), mais pas avant. Car beaucoup reste à faire, dans les contrées et environnements socioculturels Maghrébo-arabo-musulmans encore « semi-industriels et agro-pastoraux voire semi-désertiques », par rapport aux milieux relativement évolués de certains pays émergeants, pour ne pas évoquer ceux des pays hypermodernes et sophistiqués occidentaux situés à des années-lumière… C’est que dans ves contrées sous-développées, contrairement à ce qui s’est passé en Europe, l’émergence d’une société moderne hautement cultivée et tôt initiée à la civilisation du livre et des médias en général, ou en clair comme le souligne Borhan Ghalioun, « l’établissement d’un Etat moderne en terre d’Islam n’a pas bénéficié d’une accumulation préalable au niveau de la conscience éthique, à celui de l’équilibre des forces ou à celui des hiérarchies sociales que la révolution politique a remaniés dans les pays occidentaux depuis les XVIe et XVIIe siècles . L’Etat y est ainsi demeuré un phénomène à la fois extérieur et mécanique. L’enjeu principal de la bataille qui se déroule aujourd’hui dans les pays musulmans n’est rien de moins que la réappropriation de cet Etat, son enracinement, sa maitrise et son adaptation à la terre musulmane. Il s’agit de la transformation de l’Etat d’instrument d’oppression en instrument de libération et de réalisation civilisationnelle. Dans ce processus de réappropriation de l’Etat, tout reste à découvrir et à redéfinir. » ( Burhan Ghalioun, option citée). Autrement dit, il n’y a pas lieu de comparer l’incomparable, comme le font certains qui semblent pressés de bruler un peu rapidement les étapes pour passer en bloc « illico presto » à l’étage supérieur de la modernité universelle, en considérant notamment, un peu vite, la phase d’une culture nationale plurielle forte et largement répandue déjà dépassée ( ?)…

En d’autres termes, prôner aujourd’hui les vertus de l’universalité ne signifie pas forcément la marginalisation du caractère spécifique des cultures, arts et littératures des contrées diverses du globe, c’est bien au contraire la prise en charge de cet atout culturel et spirituel humain, non négligeable qui fait sa vigueur et sa richesse multidimensionnelle. C’est qu’à l ’heure du spectre redouté de la globalisation uniformisante, ce nécessaire déploiement du dialogue des cultures et civilisations du globe, constitue dans le contexte international de ce nouveau paradigme de l’histoire, un moyen d ’assurer, peut-être, un équilibre inespéré entre la culture locale restreinte et celle universelle des chaines satellitaires, abondantes, pleuvant des cieux comme aux temps des mythes et dont il va falloir, également, y faire face avec les matériaux adéquats de déchiffrement et d’interprétation judicieuse afin de distinguer ce qui convenable de ce qui ne l’est pas. Mohamed Ghriss


N.B : Références incluses dans le corps du texte.


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    « Des étrangers se présenteront pour faire paître vos troupeaux (ouverture à tous les peuples), des immigrants seront vos laboureurs et vos vignerons. Mais vous, vous serez appelés prêtres de Yahvé, on vous nommera ministres de notre Dieu. Vous vous nourrirez des richesses des nations, vous leur succéderez dans leur gloire. »
     (Isaïe 61,1-11)
     
    « Cet égalitarisme de la différence autorise un autre système de hiérarchies. Alors qu’il prétend dépasser les hiérarchies de classes, il les renforce par les hiérarchies mondaines. À chaque moment, un signe signifie barrière et niveau. Cascade des différences, cascade des mépris, cascade des snobismes. »
    Clouscard


    • César Castique César Castique 11 août 2015 10:55

      « C’est que depuis la révolution de 1789 la problématique de l’intégration se fonde pour l’essentiel sur le modèle républicain national.... »


      Croyez-vous qu’un jour les gens s’aviseront que 1789, c’était en... 1789. 

      C’est-à-dire qu’il y a 226 ans, et que la planète comptait un milliard d’habitants, qui s’y déplaçaient à pied, à cheval, en véhicules à traction animale, ainsi qu’à la rame et à la voile.

      Alors, plutôt que de tenter de rendre 2015 conforme aux critères de 1789, peut-être serait-il plus pertinent d’adapter les critères de 1789 aux réalités de 2015 ?

      •  
         
        La quatrième génération de Mohamed s’appelle toujours Mohamed ...
         
        la deuxième de Grzegorz, Pilar, Arindbjörn ou Chiaffredo s’appelait Robin, Ursule, Mireille ou Gregory ...
         
        « Le Conseil Communal de Bruxelles est formé de 50 élus. En voici 20 (soit 40 %) :
        Malika Abbad (Groen) Fatima Abid (PS) Mustapha Amrani (PS) Mohammed Boukantar (PS) Amina Derbaki Sbaï (FDF) Said El Hammoudi (cdH) Mohamed El Hamrouni (cdH) Ahmed El Ktibi (PS) Yusuf Ergen (cdH) Hamza Fassi-Fihri (cdH) Faouzia Hariche (PS) Zoubida Jellab (ECOLO) Naima Maati (PS) Mampaka Mankamba (cdH) Mounia Mejbar (PS) Fatima Moussaoui (cdH Mohamed Ouriaghli (PS) Sevket Temiz (PS) Khalid Zian (PS) »

         
        Le grand remplacement du petit benêt ’ Ed. Coloniales du GlobalState

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