Mort en majuscule et mort en minuscule
A l’ombre de Gorges Floyd, git Iyad Hallak, un jeune Palestinien de 32 ans, tué par des policiers Israéliens, à l’entrée de la vieille ville de Jérusalem.
La victime souffrait d’autisme.
Accompagné, comme il l’a toujours été, de son éducatrice, Iyad se rendait chaque jour dans un centre spécialisé pour y suivre des cours. Mais en ce 30 Mai 2020, il n’a pas eu la chance d’aller au bout de son projet qutidien. Des policiers Israéliens, croyant qu’il était armé, alors qu’il tenait son téléphone portable, l’ont pris pour cible et l’ont abattu.
Une méprise, arguaient les services de sécurité, une tragédie, claironnait Benyamin Netanyahu, un incident, selon le ministre de la Défense de l’état Hébreu, un créve-cœur, estimait le leader de l’opposition :
« La mort d’une jeune personne ayant des besoins particuliers me brise le cœur et tout Israël s’incline aujourd’hui. »
De leur coté, les partisans du Fatah Palestinien, n’y sont pas, allés de main morte, ils parlent de « crime de guerre ».
Mais au-delà de ce que peuvent penser et déclarer les uns et les autres, il demeure un fait bien enquiquinant qui mérite que l’on s’y attarde, un tantinet.
Aussi bien Floyd que Hallak sont victimes de violence policière, sont sacrifiées sur l’autel d’un autoritarisme aveugle, sont partis, à jamais, sans même avoir eu le temps de demander pourquoi une telle haine, une telle animosité, un tel acharnement.
Le parallèle entre les deux défunts, s’arréte, cependant, là.
Car si la disparition du noir Américain a remué Ciel et Terre, tournant à l’émeute populaire mondiale, suscitant une empathie sans précédent aux quatre coins de la planète, celle du Palestinien est passée par pertes et profits. C’est juste s’il y’ a eu des comptes rendus brefs et lapidaires classés au rang des faits divers banals.
Pourtant, en matière de cruauté, la mort du palestinien handicapé, n’avait rien à envier-toutes proportions bien gardées- à celle de Georges Floyd. Selon des échos parvenus de l’enquête publiée par le quotidien Haaretz, Hallak a été exécuté à bout portant, alors qu’il était étendu sur le sol, souffrant déjà de blessures. Une mort atroce qui aurait dû arracher plus d’élan de sympathie et de solidarité, ne serait-ce qu’en égard à la précarité mentale de la victime. Il n’en fut rien !
Des millions de manifestants ici, appuyés par une couverture médiatique ininterrompue et féroce, des répliques du tsunami émotionnel enregistrées urbi et orbi, des témoignages de compassion, des résolutions politiques, des appels à une reconfiguration sociale sur fond de reconsidération de toute la communauté noire, en Amérique ou ailleurs…En revanche, là, à Jérusalem, point d’enthousiasme, ni de mobilisation, ni de débordement passionnel, exception faite de quelques représentants de la société civile palestinienne et israélienne réunis. Mais ils étaient si peu nombreux qu’ils ne pouvaient espérer renverser la tendance, ni éveiller les consciences du monde juste et équitable. Le black-out décrété, consciemment ou inconsciemment, là n’est pas le problème, sur ce drame, le plonge, ex abrupto, dans l’oubli et bientôt dans l’amnésie, dans l’abandon.
Est-ce à conclure, donc, que même dans la mort, les sacrifiés de la forfaiture ne sont pas égaux ? Que subir l’infamie sur les terres de la première puissance mondiale est plus « glorieux » que le fait de la subir ailleurs ?
Qu’il y’a plus de dividendes à tirer d’une médiatisation échevelée d’un événement, tragique fut-il, qui déchaine les passions et qui rapporte gros aux tenants de l’information, type « en veux-tu, en voilà », que celle d’un assassinat froid et tragique ayant cependant la malchance de ne pas drainer autant de foules, donc autant de potentiels faiseurs d’audimat, ce qui le confine, subséquement, au huis clos. ?
Sale temps, reconnaissez-le, qui pousse l’outrecuidance jusqu’à discriminer la mort, en opérer un tri cynique, et marchander pour qu’à la fin apparaisse celle (la mort) monnayable, commercialisable, et, pourquoi pas, rentable.
Morale : Même dans la mort, on ne prête qu’aux riches. Les autres, les désargentés n’ont qu’une obligation : se soumettre ou se démettre.
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