Avez-vous entendu parler du mouvement des dindons ? Après les entrepreneurs des Pigeons, il s'agit d'un mouvement de contestation d'une partie du projet de loi des Finances 2013. Les dindons défendent le secteur des services à la personne, menacé par une forte hausse des taxations. Une pétition en ligne adressée au gouvernement est pour l'instant signée par plus de 33.000 personnes.
Dans le viseur : le projet de loi des Finances 2013
François Hollande est au plus bas dans les sondages (61% d'insatisfaits selon un sondage de BVA). L' « Ayrault bashing » est devenu une tendance dans les milieux politiques et sur les réseaux sociaux. Pas une semaine ne se passe sans une polémique. Au menu : des questions sociales : le mariage pour tous, la hausse de la TVA sur la bière, la dépénalisation du cannabis... Mais surtout des questions économiques et fiscales. Dans le viseur :
le projet de loi des Finances 2013.

Présenté comme un « redressement historique des comptes publics », ce projet de loi confirme la volonté du gouvernement d'atteindre l’objectif de 3% de déficit public en 2013. Un projet qui apparaît comme un « choc fiscal » puisque deux tiers de la somme prévue par le gouvernement proviendront d'alourdissement de la fiscalité sur les ménages et les entreprises. Une mesure difficile à faire passer en temps de crise.
Comme l'écrit Christophe Alix dans un article de
Libération malicieusement intitulé
« Faites entrer l'imposé », « la difficulté de tout budget, c’est de concilier des objectifs apparemment inconciliables : dégager des recettes pour l’Etat tout en préservant la compétitivité des entreprises et la consommation des ménages, favoriser une plus grande justice fiscale sans décourager l’investissement et annihiler la croissance. A cette aune, le cru 2013 est sans conteste le budget le plus difficile qu’ait eu à bâtir un gouvernement depuis l’après-guerre ».
Conséquence de cet exercice d'équilibriste périlleux : chaque corporation défend ses avantages.
La contestation 2.0 au cœur de l'action militante
Cette rentrée politique est marquée par des initiatives lancée sur Internet : tribunes publiées sur des blogs, relais sur les réseaux sociaux, pétitions en ligne... Le modèle le plus abouti de ce type de mobilisation est le mouvement des Pigeons (ou #geonpi sur Twitter), qui a regroupé pendant le mois d'octobre des jeunes entrepreneurs du Net et des créateurs d'entreprises opposés à la réforme de l'imposition des plus-values réalisées sur les ventes d'actions. Les Pigeons ont vite créé le buzz (73.000 fans sur leur page Facebook aujourd'hui supprimée) et ont réussi à multiplier leurs prises de parole dans les médias, jusqu'à rencontrer les ministres !
Ces dernières semaines, c'est l'
Union française pour une médecine libre (UFML), une coordination née du mouvement des "médecins pigeons" sur internet, qui fait parler d'elle. Le 14 novembre, plus de 1700 personnes ont manifesté devant le ministère de la Santé. Leur courroux : prouver qu'ils ne sont pas des « médecins nantis », que leurs honoraires ne sont pas trop chers et que les remboursements des mutuelles sont insuffisants. L'action de l'UFML s'apparente pour l'instant à un échec (#fail). Selon un
sondage BVA pour Les Échos, cette grève des médecins libéraux est seulement soutenue par 36% des Français...
Une mesure gouvernementale contre les plus précaires ?
Autre mouvement lancé le 19 octobre et qui nous intéresse ici : les dindons. Dans une
pétition en ligne signée par plus de 33.000 personnes, les dindons dénoncent la volonté du gouvernement d' « augmenter massivement les impôts et charges sur les emplois à domicile à partir du 1er janvier 2013. Cela va entraîner la destruction de dizaines de milliers d'emplois et va compliquer la vie de millions de familles, sans aucun bénéfice social ou fiscal ».

Qui est concerné par le secteur des services à la personne (SAP) ? 1,5 million de salariés dont 450.000 précaires : 82% des salariés n’ont pas le bac et 33% n’ont aucun diplôme lors de l’embauche. Les métiers concernés sont les nourrices, les femmes de ménages, les aides soignants, les professeurs à domicile, les jardiniers... Depuis 1992 et l'initiative de Martine Aubry (alors ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle), les emplois du SAP bénéficient d'allègements fiscaux... que prévoit de supprimer l'actuel gouvernement à partir du 1er janvier 2013.
En supprimant ces allègements fiscaux, le gouvernement espère faire des économies. Pourtant, d'après le rapport Wyman
« Services à la personne : apports aux finances publiques selon le statut des acteurs » publié en septembre dernier,
les SAP rapportent 2,6 milliards d’euros de bénéfices net annuels pour les finances publiques. Grâce aux incitations fiscales, le secteur des SAP est plutôt dynamique, avec 100.000 travailleurs supplémentaires déclarés tous les ans.
Les dindons craignent donc qu'une hausse des taxes casse le dynamisme du secteur et entraînent une hausse du travail au noir. En Espagne, une mesure similaire a été votée avant l'été pour une conséquence malheureuse : 400.000 travailleurs à domicile non déclarés ont vu le jour tandis que la sécurité sociale a perdu plus de 60 millions d'euros. Les premières personnes victimes de cette mesure étant les plus précaires (étudiants, femmes seules, travailleurs étrangers...) gagnant jusqu'alors de l'argent grâce à ces emplois d'aide à la personne.
C'est donc contre cette perspective peu réjouissante et finalement contre-productive que se battent les dindons. Réussiront-ils à faire plier le gouvernement ? Et vous, signerez-vous leur pétition ?