Municipales. Les écologistes gagnants mais, l’Écologie peut-être pas
Les écologistes d’Europe Écologie Les Verts alliés aux mouvements de gauche ont marqué ces élections municipales. Ils ont principalement gagné dans une quinzaine de grandes villes. La question qui se pose aujourd’hui : sont-ils capables de faire gagner l’écologie ?
L’état de la planète, l’avenir de l’humanité, les causes, les solutions, etc. sont le sujet d’innombrables ouvrages rédigés par d’éminents auteurs partout dans le monde.
Quel essentiel message commun diffusent-ils ?
Pour en avoir une idée, quelques extraits de quelques-uns de ces livres, parmi beaucoup d’autres.
Paul Jorion ; Vincent Burnand-Galpin
« Comment sauver le genre humain »
p 33
(…) un monde où nous transgressons désormais et de manière peut-être irréversible la capacité de notre environnement à nous maintenir en vie et, à l'intention des amis du plaisir, élaborer (…) des lois accordant la priorité à la survie du genre humain plutôt qu'à la pure recherche du profit, laquelle est la principale source de la dévastation qui monte autour de nous.
p 59
C'est d'avoir fait de cette logique de boutiquier le principe de gestion des États qui nous a conduits à la catastrophe. Pour aboutir au paradoxe qui est le nôtre aujourd'hui : nous n'avons jamais été aussi riches, il n'y a jamais eu autant de milliardaires, chaque jour qui passe en amenant de nouveaux, pendant que les États glapissent : « Nous n'avons jamais été aussi pauvres ! On ne peut rien faire ! La dette est colossale ! Etc. » Et le public finit par se convaincre qu'« on n'a plus les moyens ! », alors que les moyens sont en réalité pléthoriques, et que la seule explication de la disette est que l'État se les refuse en ayant capitulé devant les grosses fortunes, devant la concentration de plus en plus grossière de la richesse en quelques rares mains.
P 140
Face à la question climatique, il n'est pas rare que la responsabilité soit renvoyée au consommateur. Dans le discours médiatique, on entend souvent que les ménages et individus devraient adopter sans tarder des « éco-gestes » qui pourraient permettre le changement nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques. Mais une étude du cabinet de conseil Carbone4, spécialisé dans la stratégie bas carbone, datant de juin (« Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l'État face à l'urgence climatique »), montre que les gestes individuels, même « héroïques », sont loin d'être suffisants pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris. [...]
La sobriété à laquelle incitent les éco-gestes est nécessaire, mais elle ne peut être la seule réponse au problème. Il faut doubler la réponse individuelle d'une réponse collective aux enjeux climatiques pour changer la structure même du cadre « socio-technique », car si les gestes individuels apportent un quart de la solution, le collectif doit apporter les trois quarts manquants. Seule une transformation en profondeur du système énergétique, des modes de transport, des processus agricoles et industriels pourra permettre d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris.
p 176
Dans la question écologique, tout comme dans la question sociale, l'alliance du capitalisme, de l'économie de marché et du libéralisme nous mène dans l'impasse. Il s'agit enfin de la dépasser.
p 223
L'avènement d'une société écologique est impossible sans un changement radical de modèle économique. La politique actuelle du gouvernement en est l'exemple à contrario : concilier, sur le plan politique, libéralisme économique et préservation de l'environnement débouche nécessairement sur l'inaction écologique. L'environnement est sacrifié sur l'autel de la sacro-sainte équation « business + croissance = emploi + élection ».
- Thomas Porcher -
« Traité d'économie hérétique »
p 149
Concrètement, un plan efficace pour le climat devrait reposer sur quatre piliers : développer massivement les énergies renouvelables ; investir dans l'efficacité et la maîtrise de notre consommation d'énergie (notamment avec la rénovation des bâtiments) ; consommer le plus localement possible (et donc en finir avec les traités de libre-échange) ; développer l'économie circulaire (notamment en élargissant le recyclage des déchets). Pourtant, plutôt que de mettre en place des politiques volontaristes, les dispositifs actuels reposent principalement sur des mécanismes incitatifs de marché : prix du carbone, subvenions, fiscalité, crédit d'impôt. Ces instruments ont une certaine efficacité, mais force est de constater qu'ils sont largement insuffisants pour porter une transition énergétique ambitieuse. Dans le fond, tout le monde sait ce qu'il faut faire pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique, personne ne veut le faire directement et préfère passer par des chemins détournés. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il ne faudrait pas heurter certains intérêts financiers importants comme ceux des grandes compagnies pétro-gazières ou des grandes banques qui ont prêté des sommes énormes à ces compagnies et qui veulent récupérer leur mise.
« Les délaissés »
Il va falloir pourtant s'y mettre concrètement, car pour le moment « croissance et écologie » semblent parfaitement incompatibles. Notre modèle économique est encore trop basé sur des énergies polluantes, et l'évolution du PIB est étroitement corrélée à celle des d'émissions de CO2 depuis presque deux siècles. Or pour tenir l'accord de Paris - c'est-à-dire ne pas dépasser les deux degrés d'ici à 2100 -, il va falloir que ces émissions diminuent à partir de 2020 ! Il faut donc soit changer radicalement nos modes de production et de consommation, soit décroître.
- Dominique Bourg -
« Le marché contre l’humanité »
Rappelons une première incompatibilité : celle qui existe entre les inégalités sociales et l'écologisation de la société. Comme a pu le mettre en évidence le modèle Handy, des inégalités sociales très prononcées, même sans atteintes à l'environnement, suffisent à provoquer l'effondrement d'une société. Mais le schéma le plus courant est celui d'inégalités sociales qui débouchent sur une forte dégradation de l'environnement, laquelle tire alors l'ensemble d'une société vers l'abîme. […]
Autre difficulté : des écarts de richesses importants rendent quasi impossible le recours aux incitations financières écologiques. Ces dernières touchent alors lourdement le pouvoir d'achat des pauvres alors qu’elles ne font qu'effleurer celui des plus riches. […]
Il est impossible d'organiser une redescente générale des niveaux de consommation de ressources si une partie de la société en est exonérée, en raison de revenus élevés. Sans resserrement des inégalités, point d'écologisation de la société. […]
- Aurélien BARRAU -
« Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité »
Il est vital que l'écologie soit la priorité absolue de tout pouvoir politique. Il faut que nous nous engagions solennellement à ne plus élire quiconque ne mettrait pas en œuvre des mesures fermes, claires, concrètes pour éviter l'effondrement du vivant, en s'opposant, chaque fois que nécessaire, aux lobbies et aux pouvoirs financiers. Ce n'est pas une mince affaire, ce n'est peut-être plus même véritablement possible dans le système économique mondial actuel. Si tel est le cas, il faut le changer, ou périr. […]
Récemment, le pouvoir politique a annoncé s'être converti à l'écologie. Comment ne pas s'en féliciter ? Mais comment, dans le même temps, y croire réellement ? Nos dirigeants ont accès aux informations les plus fines et les plus fiables. Ils savent donc depuis 40 ans ce qui émerge aujourd'hui dans la sphère publique et médiatique. Or, ils ne se sont pas contentés, pendant ces 4 décennies, de ne « rien faire », ils ont encouragé la catastrophe. […]
Aux élections européennes, les écologistes ont fait un score plutôt bon. Réjouissons-nous-en, là aussi. Mais cette écologie est-elle celle dont nous avons besoin ? […]
Il n'en demeure pas moins que la croissance (qu'il faudrait renommer « prédation suicidaire ») des pays riches peut être légitimement considérée aujourd'hui comme une des premières causes d'effondrement de la vie sur terre.
Donc.
Leur message commun essentiel : surexploitation des ressources, mondialisation, recherche du profit maximum soit l’ultralibéralisme par définition sans régulation du marché et des gains provoquent inégalités sociales, confiscation des richesses, crise climatique, destruction de la biodiversité et provoquent « une forte dégradation de l'environnement », « l'impasse », « la dévastation qui monte autour de nous », « l'effondrement de la vie sur terre » et « tire alors l'ensemble d'une société vers l'abîme » et « nous a conduits à la catastrophe ».
Et ben !
Quand peu après les élections européennes, on entend Yannick Jadot vouloir concilier écologie et libéralisme, ne se réclamer ni de droite ni de gauche mais que de l’écologie et déclarer : « je me sens plus proche de Jean-Louis Borloo que de Stéphane Le Foll », on se dit que c’est mollement parti pour « une transformation en profondeur du système énergétique, des modes de transport, des processus agricoles et industriels qui pourra permettre d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris », le « changement radical de modèle économique », « l'opposition, chaque fois que nécessaire, aux lobbies et aux pouvoirs financiers », une « redescente générale des niveaux de consommation », le « resserrement des inégalités », la mise « en œuvre des mesures fermes, claires, concrètes pour éviter l'effondrement du vivant ».
L’alliance de gouvernement droite – verts en Autriche, la tentative d’une entente semblable en Allemagne, des rapprochements envisagés au parlement européen* sèment le doute.
*« Dans une interview au Point, Yannick Jadot défend même un "protectionnisme vert" tout en ne fermant pas la porte à un éventuel rapprochement avec le PPE, les libéraux et les sociaux-démocrates au Parlement européen. »
Yannick Jadot deviendrait-il Macron-compatible ?
La sauvegarde de la planète nécessite une coopération coordonnée internationale la plus large possible, pas ces arrangements d’opportunité.
Sans remise en question de l’ultralibéralisme, sans réduction drastique des inégalités, sans lutte contre l’hyper concentration des richesses, sans modération de la course débridée aux profits, ce que ne préconisent pas les verts français, en tout cas pas explicitement, où les écologistes vont-ils trouver les moyens pour financer les politiques urgentes et excessivement coûteuses nécessaires à la sauvegarde de l’humanité.
Alors peut-on s’en remettre à cette organisation forte d’à peine 10 000 adhérents pour organiser et conduire en France d’abord, en Europe ensuite et partout dans le monde enfin les politiques vraiment adéquates ?
Une chose ne plaide pas en leur faveur pour leur accorder notre entière confiance : les parcours politiques de ses leaders successifs.
Antoine Waetcher devenu promoteur d’une écologie de droite, le Mouvement écologiste indépendant.
Brice Lalonde devenu successivement secrétaire d'État puis ministre de l'Environnement, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique, sous-secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, coordonnateur exécutif de la Conférence des Nations unies sur le développement durable, sous des gouvernements de gauche comme de droite.
Daniel Cohn-Bendit évoluant de gauchiste en 1968, son meilleur profil, à soutien de Macron aux dernières élections européennes.
Jean Luc Bennahmias passé au MODEM, aujourd’hui au Front Démocrate, membre du comité économique et social à 3 900 euros brut mensuels.
Jean-Vincent Placé, un temps sénateur, a mendié et obtenu un secrétariat d’état sous le gouvernement de Manuel Valls.
Emmanuelle Cosse devenue ministre du logement trois mois après avoir dit pis que pendre du président Hollande en 2016.
François De Rugy, candidat ridicule aux primaires du parti socialiste, se parjure pour soutenir Emmanuel Macron, président de l’assemblée nationale, ministre de l’écologie n’appréciant pas le caviar est redevenu simple député. Le champion.
Les transfuges vers LREM, Pompili, Canfin, Durand, Orphelin.
Et aujourd’hui, l’étrange attitude de Yannick Jadot peu prisée de ses camarades de parti.
Il y en a certains quand même dont on ne peut pas douter de la sincérité et de la fidélité : Noël Mamère, Dominique Voynet, Cécile Duflot, Eva Joly. Mais ils ont tous quitté le mouvement.
De même pour Nicolas Hulot dont la naïveté l’a amené à croire Emmanuel Macron et dont la lucidité l’a poussé à s’en écarter.
La justesse de sa compréhension de la situation, des dangers, des freins, des changements indispensables est indéniable.
Mais naïf toujours, il croit que « le moment est venu » parce que 150 personnes tirées au sort ont compris ce que des milliers de spécialistes de par le monde répètent depuis des décennies.
Quant aux militants de base ils sont comme tous ceux qui s’engagent bénévolement, respectables.
Alors, la « victoire » des verts, en chantant ou pas, nous ouvrira-t-elle la barrière et guidant nos pas, la trompette écologiste sonnera-t-elle l’heure de la sauvegarde de notre planète et de notre espèce ?
Pas vraiment certain.
En complément de cet article :
Hé ! Les climatosceptiques. Non mais allo, quoi !
1% de la population de la planète possède deux fois plus que les 90% autres. Où est le problème ?
Changement climatique ; inégalités sociales. Rien à faire ! Rien à faire ?
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