Nadine, Marine et les peuples de Gaule

Triste spectacle que celui de l’entre deux tours. Désert de l’entendement, chorégraphie maladroite et malsaine, vide politique sidéral, élégance zéro. La vertu, d’où qu’elle vienne — même comparative — est lourdement sanctionnée, tout comme le courage politique. Des limbes nauséabonds d’un langage codé pour rester aussi flou que possible émergent des mots jadis nobles, tel que celui de valeur, aujourd’hui galvaudés, humiliés, prostitués, travestis au point d’exprimer leur contraire.
Voilà donc que la hargne contre l’autre, la chasse au RMIste ou le jeune fumeur de pétards est devenue une valeur. Voilà donc que préférer l’éthique à la discipline des œillères soi-disant idéologiques, choisir en son âme et conscience exige la sanction de l’inquisition : ne manque qu’un autodafé bien propret pour tout écrit ou parole qui ne sont pas conditionnés par des éléments de langage réducteurs, ces Érinyes décomplexées de l’intelligence. Des bûchers moyenâgeux sont levés, destinés à tout ce qui indispose la vue ou ne caresse pas suffisamment les oreilles de ceux qui ont transformé la couardise en vertu.
Choisir de ne pas choisir devient projet politique. Se transformer en carpette, avaler le peu de dignité qui vous reste devient sacerdoce. Comparer l’incomparable pour s’excuser de cette gesticulation ridicule devient art de gouverner. Toutes les compromissions du monde, tous les abandons, toutes les pitreries se justifient : mon royaume pour un cheval (en l’occurrence un strapontin au Palais Bourbon).
En fait, derrière cette scène misérable, ces comédiens bouffons se croyant crédibles, se cache une dure réalité. Miné par la peur, phagocyté par des sentiments égoïstes, torturé par intérêts contradictoires bien réels et inévitables, travaillé par une presse simplificatrice, autiste à ses souffrances mais agissant comme un amuseur frivole qui mélange l’important au futile sans jamais faire appel à l’entendement, exténué des chimères et des promesses qu’on lui envoie à profusion, le peuple de France se recroqueville comme un hérisson, se cache la tête comme une autruche, se refugie dans les bosquets de ces évidences comme un cerf blessé, refusant obstinément de comprendre, de sentir, de voir autrement que par le miroir déformant de ses certitudes individualisées à l’extrême.
La responsabilité des « élus » autoproclamés et surtout cooptés n’est pas tant du fait qu’ils s’enchaînent à un pouvoir vidé de son sens. Elle résulte du fait qu’ils font tout pour se calquer, s’harmoniser aux angoisses de ce peuple, manière inélégante mais oh combien efficace pour garder leur siège ou conquérir celui de l’autre, un peu moins cynique. Cette responsabilité est lourde de conséquences : elle perpétue la cécité, la perte du sens et des sens, elle sacrifie l’intelligence à l’autel de l’ignorance et de la simplification qui finiront par tous les brûler. Car ces angoisses, qu’ils utilisent à souhait occultent le monde réel et la réalité, et repoussent les solutions à l’infini.
A force de jouer, telle une ingénue, à Colin-maillard au cœur de la tempête, le ciel finira par tomber sur les peuples de Gaule et leurs apprentis Astérix, toujours à la recherche des légions romaines depuis longtemps disparues.
La tribu des peuples de gauche vient de gagner une bataille, mais elle sera similaire à celle de Pyrrhus si elle refuse d’identifier les vrais ennemis qui ne sont pas les peuples de droite. C’est en chacun de nous que se cache l’ennemi, dans ce désir inassouvi de fermer les yeux, d’inventer des moulins guerriers ultramarins, de vivre dans la peur et de céder aux Sirènes du sauve-qui-peut.
Sirènes qui chantent hypocritement avec un sourire malsain : ici, nous sommes chez-nous. Le seul se sentant bien à sa place étant la veulerie aveugle et inefficace des semeurs de haine.
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