• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Nantes, le Mémorial et le Code Noir

Nantes, le Mémorial et le Code Noir

Nantes avait déjà pris le parti de l'intituler "le Mémorial de l'abolition de l'esclavage" et non point par exemple "le Mémorial de l'esclavage" ou même "le Mémorial de l'esclavage et de son abolition", comme l'eût souhaité le moindre quidam qui ne cherche pas à tirer la couverture à soi ; voici maintenant que la municipalité socialiste des bords de Loire renâcle à y introduire la moindre référence au Code noir de Colbert et de Louis XIV. Une position que semble approuver la guadeloupéenne Maryse Condé, écrivaine et ex-présidente du Comité pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage, dont le siège se trouve à Paris.

 

Il y a 25 ans l’historien Louis Sala-Molins exhumait le Code Noir qui, d’un point de vue juridique, a grandement contribué à la déshumanisation de l’homme noir. « La société européenne est celle qui, sur des fondements racistes, a légitimé la pratique de la traite négrière et de l’esclavage pendant plusieurs siècles », déclarait-il tout en regrettant aujourd’hui l’absence de toute référence au Code Noir (« le texte le plus monstrueux de la modernité ») dans le Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes.

Il est une chose pire que l'horreur et la déshumanisation, c'est la codification et la légitimation de l’horreur et de la déshumanisation - le plus, l’acmé, le sommet. Et c'est du sommet d'une montagne qu'on peut aussi le mieux embrasser et considérer les pentes, les vallées, les ravins, les rivières de sang et les fosses à purin de l’abomination. Ne dit-on pas que celui « qui peut le plus peut le moins » ? Et, en l’occurrence, le plus par le « Code Noir » dit aussi le moins des diverses traites et esclavages. Voilà pourquoi le Code Noir et la "traite française" sont emblématiques de cette horreur et de cette déshumanisation ; mieux que tout, le Code Noir témoigne de cette descente aux enfers des volontés humaines et étatiques, et en cela il a pleinement sa place dans un lieu de mémoire et de résistance face à l'abject, à la monstruosité et à l'aliénation. Aussi, loin de limiter le Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes à la « traite française » ou à la traite transatlantique, comme l’appréhende l’écrivaine Maryse Condé dans un récent entretien à Ouest-France, tout au contraire le Code noir, par la présence inouïe de son extrême langage, ferait lien et ouvrirait le Mémorial comme un fruit mûr et généreux dont la chair se répandrait en offrande aux consciences, au ciel et à la terre, tout comme le fait le clocher d’une église en son sommet, foyer de rayonnement et de convergence, centre des centres.

 

Marcel Zang

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.4/5   (10 votes)




Réagissez à l'article

9 réactions à cet article    


  • eric 15 mai 2014 12:14

     !!!!! On est quand même a l’heure de l’internet ! C’est a dire que n’importe qui peut en quelque clics se faire une idée de la réalité de ce fameux « code noir »...

    Pour aller au plus simple : http://fr.wikipedia.org/wiki/Code_noir#Les_buts_du_Code_noir

    Une œuvre fantastiquement humaniste pour son temps. Affirmant l’égalité ontologique de tous les êtres humains, les droits des « esclaves » (y compris celui de faire des économies pour acheter sa liberté, c’est a dire l’idée que l’esclavage n’est pas un « destin » normal« ), droit a l’éducation, droit de témoigner en justice, etc...

    Il n’est cependant pas inutile de rappeler :
    - Qu’il fallut du temps pour l’enregistrer, les parlements refusant d’entériner des pratiques contraires au droit français d’inspiration chrétienne et donc résolument hostile a l’esclavage dans le principe...
    - Que la plupart des »punitions inhumaines« prévues sont très exactement les mêmes que celles s’appliquant aux »hommes libres« de métropole (par exemple les fers rouges fleurdelises).
    - Qu’une des raisons forte de sa rédaction, ce sont les conséquences de l’absence de préjugés raciste des blancs locaux....Le vrai racisme, c’est de ne pas parvenir a coucher avec l’autre du fait de sa »race« (voir les taux d’exogamie non seulement dans les colonies anglo saxonnes, mais aujourd’hui encore en Amérique du nord). Chez les français, problèmes inverses.... voir le passage ou les blanc locaux préfèrent des noirs aux blanches envoyées par le roi, considérée comme des étrangères...Trop de mulâtres trop libres...

    Une avance phénoménale sur les situations contemporaines. Essayez de marier un Peul avec un non Peul pour ne prendre qu’un exemple...

    Apres, on peut disserter longuement sur les différences entre des textes généreux et des pratiques parfois quasi génocidaires. On peut ressortir des stats,montrant qu’avant le recours a l’esclavage, on envoyait des français blancs contractuels dont les taux de mortalités étaient également élevés (climat, condition de travail, etc...) On peut aussi montrer des Fons ( Bénin contemporain) qui traitent leur petit personnel avec une grande humanité quasi familiale alors que leurs ancêtre étaient assez brutaux quand ils vendaient les ancêtres des sus dits....
    On peut ressortir tous les textes des grands ancêtres de la troisième république genre Jules Ferry, qui effectivement, dévalorisent l’indigène pour justifier le droit du colonisateur a lui imposer ses volontés.
    Il serait difficile d’en tirer des conclusions philosophiques autres que : l’homme n’est pas toujours bon et ses pratiques ne sont pas toujours a la hauteur de ses principes

    En revanche, il y a un point crucial qui a l’air de vous échapper complètement. La spécificités absolue de la société occidentale dans ce domaine. Que ce soit pour accorder des droits a l’esclave, pour prévoir les conditions de son émancipation, que ce soit pour le dévaloriser pour justifier l’esclavage, elle n’est pas a son aise avec cette pratique.

    Dans un contexte ou l’esclavage a existe a peut prêt partout en tout temps et en tout lieu, elle est la seule a tenter de se justifier.... Pour toutes les autres, cela est normal et ne prête pas a discussion.
    Ainsi, au nord Cameroun, que vous connaissez peut être, personne historiquement n’a jugé nécessaire de trouver des justifications a l’esclavage. C’est comme cela, et c’est normal....Pas besoin de chercher a déshumaniser l’esclave, du moment que c’est dans l’ordre de chose que de réduire son prochain en esclavage...
    (mais en réalité, bien sur, l’occident n’a jamais cherché a déshumaniser qui que ce soit, et la preuve en est évidemment dans le baptême systématique : on ne cherche pas a faire d’un »des-humain« son frère en christ, et sur ce point fondamental, il n’y a jamais eu de doute pour personne. Au contraire, pour a peut prêt toutes les autres civilisations, le fait de se nommer en général dans sa propre langues, êtres humains, prouve des doutes forts sur l’humanité entière des autres peuplades. De ce point de vue on dit constater que l’islam, sur ce point est bien reste fidèle a la tradition chrétienne dont il est issu, même si en matière d’esclavage en général, il reste moins progressiste....)

    Seule civilisation ou l’esclavage soit contraire aux principes, il est bien compréhensible qu’elle soit la première et de fait la seule a l’avoir abolit juridiquement. D’abord chez elle et très tôt, puis face a sa résurgence provisoire, dans ses »colonies« et enfin dans le monde entier.

    2 conclusions :

    Le multiculturalisme, cela peut avoir du bon. La contamination de l’occident chrétien fondamentalement anti esclavagiste dans ses principes et pratiques, dans les débuts de ses contacts avec des sociétés traditionnellement esclavagistes, prouve qu’il faut agir avec discernement et prudence dans l’intégration des »acquis« d’autres cultures.

    Il est compréhensible que l’on célèbre le triomphe des principes de l’occident sur ses pratiques. Une victoire sur soi même et le reste du monde en terme de valeur. Un très bon exemple d’une civilisation capable préférer ses principes a ses intérêts. Un exemple pour les autres peuples.

    C’est important. Ainsi, a nouveau au Cameroun, la lente évolution du statut concret des »peuples esclaves« en est encouragée. On ne célèbre pas leur esclavage séculaire, on célèbre le fait qu’il est abolis, même si tous le monde sur place ne semble pas encore l’avoir compris. On ne leur dit pas, »écoutez les gars, n’oubliez jamais que vous n’êtes quand même que des petits enfants d’esclaves« on proclame c’est finit tous cela.

    Une question :

    En distribuant a tout va des »bon points« d’humanité ou de deshumanite, n’êtes vous pas très exactement dans la grande traditions des esclavagistes qui cherche a faire des distinctions entre les »bons peuples« et les »mauvais peuples« , les civilisations »évoluées« et les »barbares" ? Si oui, qu’avez vous a justifier, a démontrer, a prouver, ou a obtenir qui vous gêne tellement ?


    • Zang Zang 30 mai 2014 15:59

      Il n’est jamais trop tard pour répondre…

      Mon cher Éric, en parcourant votre prose il m’est venu deux remarques :

      1)  Vous êtes sûrement quelqu’un de « vaste », si, si… je veux dire à la manière du grand poète américain Walt Whitman s’écriant : « Je me contredis ? Oui, je me contredis, car je suis vaste, je contiens des multitudes ». A mon avis, vous l’avez certainement fréquenté dans votre prime jeunesse ; je ne m’explique pas cette parenté autrement.

      2)  Vous auriez peut-être voté (notez que j’ai dit « peut-être ») la loi sur « le rôle positif de la colonisation », si vous aviez été député à l’époque où l’on nous bassinait sur les bienfaits de la colonisation. Ai-je raison ? Et puis, après tout, pourquoi pas… quand on cherche on trouve.


    • Zang Zang 30 mai 2014 16:21

      (Suite)

      Libre à vous maintenant  de définir le Code noir comme « une œuvre fantastiquement humaniste, affirmant l’égalité ontologique de tous les êtres humains » (c’est bien ça ?!) ; mais ce que je ne comprends pas c’est cet acharnement à vouloir cacher ce « seing » de lumière et de vertus sous le blanc et propret tapis de la république, au lieu de le porter tout naturellement en sautoir et de permettre ainsi au monde entier d’en faire profit et miel. (Est-ce que je me contredis ? Non…)


    • Zang Zang 30 mai 2014 16:23

      (Suite)

      Voyez-vous, cher Eric, contrairement à ce que vous avancez, je n’ai « rien à justifier, à démontrer, à prouver, ou à obtenir » ; je cherche simplement à aider mon pays à se sortir d’une ornière pleine de nœuds. Ça vous en bouchera peut-être un coin, mais j’ai le souci de la grandeur de la France et du bien-être des Français, à commencer par le mien. Aussi ne me reprochez pas d’exiger un peu de cohérence et de sagesse à ceux et celles qui représentent nos intérêts et décident parfois du cours de nos destins. Quitte à vouloir lire une page avant de la tourner, autant la lire avec abandon, entièrement et sans sauter des paragraphes entiers, surtout quand ces paragraphes sont aussi édifiants et lumineux « d’humanisme » comme vous le proclamez vous-même. Autrement on  n’en finirait plus, et de se taper dessus, et de tendre une oreille inquiète à l’avertissement de Jean-Paul Sartre disant : « La France avant c’était le nom d’un pays ; prenez garde qu’elle ne devienne aujourd’hui le nom d’une névrose ». A bon entendeur… Bonne soirée !


    • cathy30 cathy30 15 mai 2014 14:07


      Les blancs, les asiatiques ont payé un lourd tribu également : 

      Le terme moderne « esclavage » vient du latin médiéval sclavus déformation du mot latin slavus (le Slave), issu lui-même du grec « sklabos ». Le mot « esclave » serait apparu au Haut Moyen Âge à Venise1, où la plupart des esclaves étaient des Slaves des Balkans« une région qui s’appelait autrefois « Esclavonie », puis Slavonie, et qui deviendra indépendante, sous le nom de « Croatie ». La même racine se retrouve dans le mot arabe saqaliba.



      • Jonas Jonas 16 mai 2014 01:06

        "« La société européenne est celle qui, sur des fondements racistes, a légitimé la pratique de la traite négrière et de l’esclavage pendant plusieurs siècles »"

        Toutes les sociétés ont été esclavagistes, sans exception : (babyloniens, perses, chinois, japonais, grecs, romains, arabes, ottomans, aztèques, africains...)

        L’historien arabo-musulman Ibn Khaldun, ne disait-il pas, deux siècles avant que ne commence la traite nègrière transatlantique que :
        « les seuls peuples à accepter l’esclavage sont les nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal.« 
        http://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Khaldoun#Position_sur_l.27esclavage_des_Noirs

        Le »Code Noir" a été élaboré dans un monde où l’esclavage est une normalité sur toute la surface de la planète.

        Il ne faut pas oublier que la civilisation occidentale sera la PREMIÈRE CIVILISATION au monde à abolir l’esclavage.

        Encore aujourd’hui, près de 30 millions d’esclaves existent à travers le Monde, on peut noter en particulier :
        http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/29/30-millions-d-esclaves-sur-la-planete
        - en Mauritanie, l’esclavage y est banalisé, entre 10% et 20% (340 000 à 680 000 personnes) de sa population est réduite en esclavage par leurs maîtres arabo-musulmans.
        http://edition.cnn.com/interactive/2012/03/world/mauritania.slaverys.last.s tronghold/
        http://www.youtube.com/watch?v=5yQlOPD8mNo
        - au Nigéria, plus de 700 000 esclaves, pays où on a étrangement médiatisé récemment l’enlèvement de 220 collégiennes qui s’était produit il y a quelques semaines par une organisation musulmane, marchandise qui a sans doute déjà été écoulée à l’intérieur du pays ou dans ses proches pays voisins
        - au Niger, pays au nord du Nigéria, on estime qu’il y à 870 000 esclaves.
        http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20081027.OBS8018/l-etat-du-niger-juge-responsable-d-esclavage.html
        Mauritanie,
        Impossible de passer sous silence ce qui se passe actuellement au Soudan dans l’indifférence générale de la communauté internationale, bien sûr encore bien plus dramatique, entre le régime de Khartoum arabo-musulman, et les ethnies animistes ou chrétiennes du sud Soudan, pour alimenter le marché aux esclaves.
        http://www.agoravox.tv/actualites/international/article/l-esclavage-moderne-decrit-devant-32628
        http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20140505.REU4056/l-onu-voit-un-risque-de-genocide-au-soudan-du-sud.html

        http://www.youtube.com/watch?v=SAtQ-CuI1-c
        http://islamineurope.unblog.fr/


        • Bergegoviers Bergegoviers 16 mai 2014 05:40

          C’est en effet le fait d’être les premiers à avoir aboli l’esclavage qu’il faudrait célébrer.

          Cela redonnerait de la fierté aux Français et il me semble qu’ils en ont bien besoin, à l’heure où même leurs vins et leur gastronomie, pourtant mondialement célébrées, sont sur le point d’être interdites pour des motifs religieux.

        • Zang Zang 30 mai 2014 16:37

          Quant à vous... Bergegoviers, Bé c’est raté ! faudra chercher à se refaire une fierté ailleurs que dans les premiers à avoir « aboli » l’esclavage. Comme d’habitude, les Anglais auront précédé la France d’une victoire : L’abandon de la traite au Royaume-Uni fut obtenu en 1807, celui de l’esclavage lui-même en 1833.
          Snif !...


        • Zang Zang 31 mai 2014 11:42

          (suite)
          et double « snif » pour la fierté de la France... snif : Haïti (contrée peuplée de nègres) est le premier pays au monde à avoir aboli l’esclavage. Ils l’ont payé et continuent à payer très cher ce crime de lèse-majesté.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès