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Accueil du site > Tribune Libre > Napoléon « pire » que Talamoni ?

Napoléon « pire » que Talamoni ?

1. Napoléon "pire" que Talamoni ?

2. Le drapeau à tête de Maure.

3 L'implantation française en Corse.

 

I. NAPOLEON NATIONALISTE CORSE "PIRE" QUE TALAMONI ?

 

A l'âge de 18 ans, au sortir de ses études à l'école militaire de Brienne, de retour en Corse et espérant y jouer un rôle déterminant, le futur empereur des Français fut un ardent patriote corse qui tenait des propos n'ayant rien à envier à ceux des nationalistes d'aujourd'hui.

En tenant compte, cela va de soi, du contexte de l'époque (guerre de Corse menée par Pascal Paoli contre la France, et ambitions locales du jeune Napoléon, le petit florilège ci-après n'est pas dépourvu d'intérêt :

a) cf. Site officiel de la ville d'Ajaccio - Histoire de Napoléon.

"Général, je naquis quand la patrie périssait. Vingt mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans les flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards…Vous quittâtes notre île et, avec vous, disparut l’espérance du bonheur." (Lettre de Napoléon à Pascal Paoli -1786)

b) cf. "Napoléon, une enfance corse" – Michel Vergé-Franceschi - Editions Larousse – 2014

"Les Corses ont pu, en suivant toutes les lois de la justice, secouer le joug génois et peuvent en faire autant de celui des français" (26 avril 1786)

"Quel spectacle verrais-je dans mon pays ? Mes compatriotes chargés de chaines et qui baisent en tremblant la main qui les opprime" (3 mai 1786)

"Français, non contents de nous avoir ravi tout ce que nous chérissions, vous avez encore corrompu nos mœurs" (3 mai 1786)

 

II. LE DRAPEAU A TETE DE MAURE.

 

Plutôt que les sornettes et autres légendes plus ou moins farfelues qui courent sur le drapeau à tête de Maure, il est plus prudent de se référer aux études récentes d'un historien peu contestable et peu contesté : Antoine Marie Graziani.

Cf. Histoire de la Corse – Editions Piazzola – 2013 - volume 1 - Page 310

Ouvrage collectif sous la direction d'Ange Marie Graziani.

Aux origines de la tête de Maure sur le drapeau corse, on trouve la décision du Pape Boniface VIII de donner l'investiture de la Corse et de la Sardaigne au roi d'Aragon.

En réalité, celui-ci ne s'implante au début du XIV° siècle qu'en Sardaigne, délaissant la Corse, où les Génois détiennent en réalité le pouvoir.

En 1357, les Corses, soutenus par les Génois, se révoltent contre les seigneurs qui partent se réfugier dans les territoires aragonais. Là, ils organisent leur retour avec l'appui des Aragonais et reprennent le pouvoir en instaurant un drapeau avec une tête de Maure ; Cette tête de maure […] symbole des infidèles vaincus lors de croisades et de la "reconquista" espagnole – devient la représentation de la Corse.

Sur son front trône la représentation d'un diadème, symbole de la monarchie.

Mais dès la fin du XIV° siècle […] le diadème a été remplacé par un long bandeau […]

Désormais […] dans les ouvrages où figurent les armes des différentes provinces et dans la cartographie, la Corse est représentée par cette figure héraldique, […]

Au XVIII° siècle, avec les Révolutions, apparaîtra l'histoire, belle mais fausse du bandeau sur les yeux* [….]

Pascal Paoli, dans sa quête de construction d'un État corse, fera adopter officiellement le drapeau à tête de Maure, qu'il fait déjà arborer sur ses navires corsaires, comme drapeau national.

__________________

* qui aurait par la suite été relevé sur le front en signe de liberté

 

 

III. L'IMPLANTATION FRANCAISE EN CORSE.

 

Il ne faut pas circonscrire le point de départ de la présence de la France en Corse à l'intervention de 1768/69 qui s'est traduite, "in fine" par la défaite des Corses et l'annexion définitive de l'île.

Cette implantation mérite une double approche :

- celle qui prend en compte les efforts déployés dès le XVI° siècle par la monarchie française pour supplanter Gênes en Corse.

- celle qui, met en exergue les "intérêts" antagonistes, au XVIII° siècle, de Gênes, puissance déclinante, de la France, et de l'Angleterre, puissances impérialistes désireuses de s'emparer du "bastion" stratégique" que constituait la Corse en Méditerranée.

Dans ce contexte historique "élargi", et non réduit à celui de l'annexion définitive de l'île par la France, il paraît donc opportun de noter que dès 1529, l'alliance de la monarchie française (contre Charles Quint) avec les Turcs, a permis à ces derniers de naviguer librement à partir d'une logistique portuaire française (Marseille et Toulon) et au roi de France d'envisager (déjà) une conquête de la Corse.

Cela s'est réalisé en partie entre 1553 et 1559. Henri II a tenté de s'implanter en Corse avec l'aide de Sampiero Corso, condottiere local, ….. et de la flotte Turque. La paix de Cateau Cambresis a mis un terme à cette aventure.

En 1768, après une série de révoltes corses qui ont culminé avec l'insurrection de 1730, la proclamation de l'indépendance en 1735, et son avènement effectif avec Pascal Paoli (1755) Gênes, a été contrainte de faire appel à la France pour venir à bout de ce que l'on peut considérer comme une guerre de libération ou d'indépendance.

La monarchie française, qui n'avait jamais abandonné son désir de supplanter Gênes, a répondu favorablement, cela va de soi, aux appels au secours de cette dernière.

En 1768, Gênes, ne pouvant rembourser les sommes engagées par la France lors de ses interventions successives, a abandonné la Corse “en gage” (Traité de Versailles, signé le 15 mai 1768).

La France a alors entrepris de s’établir définitivement dans l’île.

Après avoir défait les troupes françaises à BORGO en 1768, Pascal PAOLI a été écrasé à Ponte Novo le 8 Mai 1769.

Après la défaite de Pascal PAOLI, les ralliements à la France se sont multipliés, dont celui du père du futur empereur Napoléon, Charles Bonaparte, récompensé par des gratifications diverses et par la "prise en charge" des études du petit Nabulione à l'école militaire de Brienne.

Il faut savoir en outre que, de 1794 à 1796, la Corse est devenue un "Royaume anglo-corse" avec l'assentiment de Paoli. Mais la nomination d'un Vice-roi de nationalité anglaise (Sir Gilbert Elliot) a vite fait de rompre l'allégeance de Pascal Paoli et surtout celle du peuple corse. Le retour des français en 1796 a sonné l'exil définitif de Paoli en Angleterre, où il mourra en 1807.

Les dernières tentatives des Corses pour rétablir leur indépendance sont caractérisées par des révoltes suivies d’impitoyables répressions (1774 dans le Niolo, 1809 et 1815/16 dans le Fiumorbu) avant une pacification et une assimilation qui feront désormais se confondre l'histoire de la France et celle de la Corse… jusqu’au réveil du nationalisme actuel.


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9 réactions à cet article    


  • Elliot Elliot 31 décembre 2015 14:48


    Merci d’avoir donné un éclairage historique à ce particularisme corse resté vivace au grand dam des zélotes jacobins, chantres de l’uniformisation et de l’appauvrissement culturel.
    Quand, au tout début de l’instruction obligatoire, le petit breton ou le petit flamand était interdit d’usage de sa langue dans la cour de récréation, ça partait d’un bon sentiment , en tout cas au niveau politique, celui d’unifier toutes les provinces de France par une langue commune mais cela a mené à l’extinction d’un patrimoine linguistique qui était une richesse pour la nation. 
    La Corse a su préserver sa langue quand d’autres régions ont perdu jusqu’au souvenir de leur idiome.
    Maintenant dans le cas de la Corse comme peut-être pour d’autres régions de France où il y a, semble-t-il, un fort sentiment d’appartenance comme en Bretagne ( si l’on en croit la floraison de drapeaux à chaque événement sportif ou autre ), je suis certain qu’autonomistes et indépendantistes se satisferaient d’un statut comme celui de la Bavière ou de la Catalogne qui gèrent des budgets permettant de décider d’orientations économiques majeures.
    Néanmoins le pas semble décidément difficile à franchir pour un pays qui traîne les pieds pour ratifier un accord sur les langues régionales comme si les menaces qui pèsent sur l’usage du français venaient de ces résurgences hypothétiques.
    Pendant ce temps-là, le franglais s’impose, sabir invraisemblable qui, dans certains milieux ( qui ne sont pas de banlieue ), supplante le français au point que certains ne savent même plus donner l’équivalent français du mot anglais qu’ils emploient ...
    Autre chose qui n’a rien à voir : j’ai du mal à comprendre la note négative qui accompagne ce rappel historique, un peu comme si les vérités ne sont pas toutes bonnes à dire.
    Je vais compenser. 

    • J.MAY MAIBORODA 31 décembre 2015 17:01

      @Elliot



      1. Les notes négatives ou positives ? Monnaie courante, sous une forme ou sous une autre ( étoiles, signes « plus » ou « moins » , etc., ) dans nombre de forums ( Agoravox, Mediapart, Marianne, pour ne citer que ceux connus ou fréquentés par vous et moi).
      En fonction de l’appartenance politique supposée ou de l’idéologie prêtée, certains « contributeurs », sans même lire votre commentaire, expriment rageusement leur désapprobation. Mais bon ! C’est la loi des forums. 
      2. Merci pour votre contribution. Vous savez que généralement, même si des divergences nous séparent parfois, j’apprécie votre style et votre parfaite maîtrise d’une langue française que nous nous efforçons respectivement de respecter, voire d’honorer.





























    • Clark Kent M de Sourcessure 31 décembre 2015 15:19

      « Les dernières tentatives des Corses pour rétablir leur indépendance »


      J’ai beau lire et relire l’intéressant récit historique que vous publiez aujourd’hui, je ne vois pas à quelle période une indépendance corse a existé, puisque vous ne dîtes pas quelle puissance continentale dominait l’île avant la décision Boniface VIII. Les Sarrasins, les Francs, les Lombards et d’autres encore se sont approprié ce territoire pour sa position stratégique et pas pour ses richesses.
      De 1755 à 1768 (traité de Versailles), le statut revendiqué par Pascal Paoli n’a été reconnu par personne... Les états indépendants ne peuvent pas être seulement auto-proclamés. D’autres états doivent les reconnaître en tant que tels.
      Si la population corse veut l’indépendance, elle doit l’instaurer et non la rétablir.

      • Clark Kent M de Sourcessure 31 décembre 2015 16:18

        @sampiero

        Doucement !
        Un minimum de courtoisie est de mise entre gens de bonne compagnie.
        On se calme et on se vouvoie !
        OK ?

        C’est l’auteur de l’article qui parle « d’indépendance des Corses. »
        Moi, vous savez, je n’en fais pas un fromage.




      • Clark Kent M de Sourcessure 31 décembre 2015 17:58

        @sampiero


        « Pécura nera, pécura bianca, à chi móre móre, à chi campa campa. »

      • Le p’tit Charles 31 décembre 2015 16:44

        Naboléon...criminel de guerre notoire avec combien de morts sur la conscience...En avait il une d’ailleurs..je ne pense pas..un déséquilibré assoiffé de sang...Un malade simplement.. !


        • J.MAY MAIBORODA 31 décembre 2015 17:10

          @Le p’tit Charles


          Pour Napoléon :

          Il n’est pas inutile ou inopportun de « revisiter » Napoléon à la lumière des écrits qui le dépeignent de manière moins complaisante ou laudative que ne le font ceux qui chantent sa geste. 
          En la matière, deux historiens iconoclastes ont fortement relativisé ses mérites et ses exploits. 
            
          Je citerai en premier lieu Roger Caratini, (1924 - 2009), natif de Corse comme l’empereur. 
          Roger Caratini, par ailleurs rédacteur des 23 volumes de l’encyclopédie Bordas, a consacré à Napoléon en 2002 un ouvrage incisif (et controversé), intitulé « Napoléon, une imposture » dans lequel il n’a pas hésité à le comparer à Hitler, ce qui a fait quelque bruit dans le landernau local et lui a valu l’indignation, voire une sorte d’excommunication de la part des historiens faisant autorité dans le docte cénacle de ses confrères « établis ». 
          L’éditeur (Archipel – 2002) présente ainsi l’ouvrage incriminé : 
          " La première dictature militaire des temps modernes, la liberté bafouée par une police secrète d’État, la censure de la presse, le rétablissement de l’esclavage aux Antilles, les « décrets infâmes » contre les juifs, la mort de près de deux millions de soldats français, le mensonge du Code civil. [….] Roger Caratini démonte, pièce par pièce, la plus monumentale construction « mythologique » de l’Histoire de France". 
            
          En dehors de Caratini, un autre iconoclaste avait déjà « écorné » la légende de l’empereur. Il s’agit d’Henni Guillemin, historien plus difficile à contester, encore qu’il ait été accusé d’esprit partisan du fait de ses engagements politiques, engagements d’ailleurs parfaitement assumés.
          Henri Guillemin (1903-1992) […] eut le mérite, dans le tsunami hagiographique consacré à l’empereur, de nous décrire un personnage moins reluisant et « merveilleux » (au sens littéral du terme) que celui décrit et chanté par les panégyriques et les dithyrambes dont bénéficie Napoléon. 

          Cordialement



        • J.MAY MAIBORODA 31 décembre 2015 17:15

          @Le p’tit Charles


          1. correction : Henri Guillemin

        • Le p’tit Charles 31 décembre 2015 19:51

          @MAIBORODA...Merci de l’info et bonnes Fêtes...

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