Ne Cassez pas Florence

Souhaitons bon courage à Florence Cassez qui ne sait pas encore, à l’heure où j’écris ces lignes, dans quel enfer elle se dirige. Mais déjà, les coup de fils sur son portable on dû occuper la moitié de son temps de cerveau alors que le pire est à venir. A Roissy, une meute, que dis-je, une horde de journalistes, avec des micros, des caméras, des photographes, vont se presser pour glaner un bon mot d’exclusivité ou une photo, avec certainement des proches, des membres du comité de soutien, des politiques. Il va y avoir de l’émotion. Ah, émotion, ce mot va être répété des centaines de fois sur les ondes alors que certainement, un service d’ordre composé d’une bonne centaine de gendarmes sera prévue pour canaliser cette meute prête à tout pour quelques images et déclarations. En matière d’événement, le journaliste perd complètement son sens de la civilité. Il devient un chasseur, oubliant son humanité. C’est pire que dans les pays touchés par la famine, lorsque des sacs sont lancés à la population qui se rue dessus. On ne leur jettera pas la pierre. Un homme affamé ne connaît que l’instinct de survie. Et un journaliste affamé ne connaît plus rien que son désir enflammé le conduisant vers l’animalité et la sauvagerie. On l’aura constaté à maintes reprises. Il faut encadrer ces gens des médias. Comme à Cannes, devant les marches du palais, avec des barrières pour protéger les célébrités de la meute soigneusement placée à l’écart du tapis rouge.
Florence Cassez, c’est un peu un prix Goncourt du combat pour la justice. Et comme pour l’attribution du Goncourt, la meute médiatique sera présente, offrant un triste spectacle des travers contemporains et de la décadence narcissique des commensaux de l’image venus se faire admirer. Chacun réclame sa part. Tous ceux qui commentent cette libération doivent se sentir oints du seigneur des droits de l’homme, aspirés par une universelle lumière sanctifiant les belles âmes du moment, les transfigurant dans une biblique épopée de la liberté offerte à la communion des saints de la religion humaniste. La France a soif d’émotions et d’universalité. Et les journalistes sont des morts de faim, prêts sans doute à déployer les subterfuges les plus sophistiqués pour attirer Florence Cassez sur les plateaux, sans se préoccuper du souci de l’intéressée qui peut-être, aurait l’envie de savourer ses instants de liberté retrouver et de ne pas être importunée par cette chasse à l’image qui pourrait lui faire regretter sa prison mexicaine.
Ouais, dit le pilier de comptoir qui d’un œil distrait lisait le Capital de Marx et se souvient de quelques bonnes pages. Le caractère fétiche de l’événement. Voilà ce que lui inspire tout ce mouvement de foule médiatique et sentimentale prête à envahir le hall de Roissy pour capter un morceau d’événement, comme en d’autres temps les touristes de passage à Berlin ramenèrent un morceau du mur un soir de décembre 1989. Ainsi va le monde avec sa frénésie et ses journalistes que Platon peindrait comme des chevaux fous ayant débarqué le cocher et toute sa raison. C’est que cet événement, cette émotion, ça fait perdre la raison aux plus trempés des médiatiques. Finalement, les autorités se décideront un jour à donner des tickets aux journalistes qui seront appelés dans le hall d’entrée pour une minute d’entretien avec l’événement, comme à la Sécu ou pour prendre un billet de train. La religion cathodique dispose de beaucoup de prélats prêts à obtenir les confessions de l’événement mais sans le secret, une confession ayant d’autant plus de valeur qu’elle est partagée par des millions d’âmes en quête d’émotion. Au bout du compte, il n’y a rien d’étrange dans toute cette agitation. Humain, trop humain comme dirait Nietzsche.
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