Ne rien attendre de François Hollande et vivre normalement en attendant la mort

La tension des élections présidentielles étant passée, l’actualité montre une sorte de continuité apathique pouvant susciter quelque neurasthénie auprès du contemplatif alors que l’actif, bien orienté dans ses objectifs, perçoit les événements différemment. Le travail ou le jeu ont le don de faire oublier la réalité du monde. Et les médias nous servent une piqûre de rappel quotidien, du moins pour ceux qui allument le bouton. L’impression généralisée est celle d’une information devenue atone. L’impression qu’il ne se passe rien et qu’une tempête s’annonce peut-être, faisant suite au calme apparent. Mais rien n’est prévisible. L’élection de François Hollande a offert aux Français un moment de calme. Mais pas d’état de grâce pour la nouvelle équipe. Beaucoup de mesures et de réunions sont programmées mais nous avons que sentiment que le gouvernement ne peut pas résoudre les grands problèmes d’un pays qui ne sait plus vraiment où il va, si ce n’est dans le maintien et si possible le perfectionnement de l’appareil productif et des dispositifs publics. Ordre et croissance, telle serait la devise des pays occidentaux. Un ministre vient de diligenter une mission d’information sur le site de Florange. Mais pas besoin de cette mission pour être informé de l’arrêt de l’usine Arcelor-Mittal. Que faire, reconvertir le bassin industriel ? Cela ressemble fort au passé des années 80 avec la reconversion du bassin houiller sous l’égide de Mitterrand. Beaucoup d’argent dépensé pour des résultats très moyens. Certains se sont bien enrichis avec les aides de l’Etat. Cette évocation illustre les impasses actuelles. Le gouvernement Ayrault est coincé. D’aucuns pressent le nouveau locataire de l’Elysée d’abandonner ses promesses. D’autres cogitent pour traduire en terme d’actions les promesses faites aux Français. Et les humoristes se disent qu’un président qui tient ses promesses électorales, ce n’est pas un président normal mais un type exceptionnel ! La droite s’agite, plus préoccupée de son avenir politique que de la situation du pays. Un seul leitmotiv. François Hollande amène la France dans le mur et ne respecte pas les engagements sur le déficit. Ce constat vaut comme slogan de campagne pour des législatives qui s’annoncent perdues pour la droite. Les Français ne veulent pas de confusion et ne supporteraient pas une cohabitation. Bref, du point de vue de la droite, nous avons le sentiment que le gouvernement marche sur des œufs et du point de vue de la gauche, c’est la même chose sauf qu’il n’y a pas d’œufs.
Les médias n’ont pas grand-chose à nous dire. Rolland Garros est ennuyeux comme toutes les années. Vu qu’il ne semble rien se passer de bien extraordinaire, les rédactions servent du sensationnel comme cette traque du dépeceur canadien qui a fait la une des journaux comme si la planète était menacée. Le sensationnel, c’est aussi Kerviel dans les tribunaux mais c’est un peu du réchauffé. A vrai dire, en observant le contenu des journaux, se dessine l’insoutenable impression de dérisoire. Rien sur les grandes orientations jamais débattues mais que de faits divers et autres plaidoiries dans les tribunaux pour mettre en exergue le scandale et les choses jugées pour satisfaire l’émotion vengeresse du public. Le métier de journaliste consiste-t-il à donner une vision pertinente et intéressante du monde ou bien à remplir les médias de contenus censés occuper le cerveau des gens ? Que de futilités, du transit de la planète Venus aux analyses interminables de la photo officielle du président Hollande qui nous a valu cette remarque succulente d’un commentateur patenté du PAF : le président a des mains ! C’est pas possible, c’est même incroyable, un François Hollande qui a des mains, eurêka, c’est ça c’est un président normal, quoi de plus naturel en somme ! Bref, le calme désinvolte règne dans les médias. Les remarquables percées dans la lutte contre le cancer ne constituent, pour un esprit qui réfléchit, que de l’enfumage médiatique servant à justifier les milliards dépensés et le sommet de Chicago réunissant 30 000 cancérologues. Il faut bien annoncer quelque chose, sinon les gens ne vont plus donner aux associations et les Etats vont se lasser de financer la recherche. La bataille contre le cancer est perdue mais les cliniciens s’acharnent à tester des traitements et se satisfont de trois mois de vie gagnée. C’est dérisoire mais le progrès scientifique est devenu dérisoire. Le processus de modernisation arrive à sa fin. Les innovations technologiques n’apportent plus grand chose et c’est même l’inverse, la technique devient un fardeau car il faut la servir, car la technique c’est l’asservir. Des bourgeois qui se croient écolos avec leur automobile hybride. Les élites économiques deviennent stupides. Le monde tombe à la renverse. Au paradis, tout le monde peut rejeter du gaz carbonique et Dieu respire.
Le ciel est dégagé, la chaleur de l’été arrive lentement et l’âme s’imprègne de ce délicat sentiment de torpeur qui nous surprend lorsque le thermomètre est élevé et que les rues sont désertées. Le visage de la politique nous rapproche du désert, comme du reste le chemin emprunté par les médias. Les journaux ne méritent pas d’être lus. Il ne se passe rien à arrêt sur image, peut-être parce que les images n’incitent pas à nous y arrêter et que les petits trucages des médias n’amusent plus que les gosses. Rien n’est fiable et toute image mérite une présomption de manipulation. Le monde n’avance pas mais il ne cesse de se produire. On comprend que Jean-Michel Aphatie se soit lassé, n’ayant rien écrit sur son blog depuis plus de deux semaines. La tonalité de l’époque ne se prête pas aux envolées lyriques de l’analyse historique. Les membres du gouvernement Ayrault ont bonne mine et sont sympathiques. Ils sont pénétrés de bonnes intentions et n’incitent pas au procès d’intentions. Mais le monde est miné par l’économisme, les technologies et les caprices de masse si bien qu’on ne voit pas où sont les marges de progrès. Cette hypothèse conduit à se demander si la modernité occidentale triomphante sur la planète ne nous a pas amené vers un terminus. Les esprits se ferment et l’autisme de masse envahit les sociétés avancées qui n’avancent plus et même semblent reculer vers une bêtise savamment gérée. Il nous faudrait un ministère du redressement improductif. Coup de pouce, smic, 20 centimes ou 30, conférence sociale, syndicats, patron, Espagne au bord du précipice, rien à signaler, le G-7 s’inquiète, il fera chaud en Andalousie cet été. Et ça va chauffer chez les banquiers.
A force de produire, l’homme est envahi de déchets. L’événementiel, la pub, le cinéma, la pop musique, la mauvaise presse et littérature, les gadgets technologiques, rien que des déjections polluantes et l’on ne peut que regarder le monde finir en observant d’un œil bienveillant les pas des nouveaux ministres dans la cour de l’Elysée. Led Zeppelin ne me réveille même pas mais réveille juste quelques souvenirs d’une époque où le mot avenir avait un sens. Du coup, un quatuor de Martinu fera l’affaire pour sonoriser cette image de monde finissant, à ne pas confondre avec la fin du monde. Le devenir de la Chine est contrasté, entre croissance et chaos ordonné, les ressources naturelles s’épuisent. Quelques pays arabes ont un destin incertain, miné par le spectre de la guerre civile. La communauté continue à chatouiller l’Iran mais laisse Israël équiper comme il le souhaite ses sous-marins livrés par l’Allemagne. Et le soleil éblouissant monte au firmament avec les idées universelles pour ceux qui s’approchent du ciel. Lorsqu’on se recueille dans une église en écoutant une chorale interpréter les polyphonies médiévales, on s’aperçoit que la musique a une âme et on se guérit de ce monde pollué par Madonna et Lady Gaga. Quand l’avenir n’est plus une valeur, on recherche les valeurs dans le passé ! Les mystiques ont beau être dazed and confused, ils n’en iront pas moins stairway to heaven. Après la mort, serons-nous accueillis par une symphonie du Floyd ? Au paradis, le cannabis est dépénalisé et du reste bien inutile.
Le temps s’égrène, les nuages passent mais il ne se passe rien. La figure emblématique de notre époque, c’est Arnaud Montebourg. Il exprime avec une incroyable désinvolture l’individu narcissique. C’est peut-être la fin d’un long processus d’évolution anthropomorphique. L’homme dans la caverne a finit par produire la caverne dans l’homme. C’est cela l’individu narcissique. L’homme de l’allégorie de Platon qui lassé de ne pas contempler le monde des idées et d’évoluer dans la caverne a fini par transformer la caverne en miroir, jeu d’ombres et de lumière qu’on devine derrière chaque posture de Montebourg lançant un sourire à la cantonade qui signifie, je suis là et c’est bien moi, vous m’avez reconnu. La période axiale fut déterminante et selon Jean-Claude Guillebaud, nous serions, depuis trois décennies, plongés dans un processus de mutation comparable à ce qui se produisit lors de cette période axiale voici 2500 ans. Je ne sais pas comment il faut prendre cette hypothèse. L’axialité fut une ouverture vers les mondes supérieurs de l’esprit, de la religion, avec accès au beau, au bien, au vrai. L’axe va de la terre au ciel, comme du reste dans la pensée orientale classique. Entrons-nous dans une horizontalité des matérialités ? Monde fermé, monde narcissique, fébrile, émotionnel, factice, artificiel, gadgétisé, aimanté par les images et autres productions confinant au fétichisme, à la magie matérialiste, aux effets éphémères, au nouveau totémisme ? Le temps s’égraine mais rien ne mûrit car il faudrait pour cela planter quelques graines et laisser le temps s’égrener pour que les œuvres mûrissent. Les jeunes veulent le succès immédiat. Mais la bonne musique ne peut qu’être progressive.
Et la politique convenable ne peut qu’être le changement. Ne soyons pas déçus, il y a du changement, avant, avec Nicolas Sarkozy, on n’attendait rien de bon, mais maintenant, avec Français Hollande, on n’attend rien du tout. Juste quelques ajustements, quelques rééquilibrages, quelques mesures symboliques susceptibles de modifier un peu l’ambiance nationale et rappeler la solidarité. On ne doit pas incriminer la politique du gouvernement socialiste car le système est dans l’impasse et que c’est la société toute entière qui est responsable. Le seul événement d’importance pourrait être la rupture du système d’ici une ou deux décennies ou même avant en cas de faits géopolitiques graves. Pour le reste, la routine est de mise et le monde se corrige de ses défauts en produisant de plus en plus. Rien à attendre de spécial. L’époque n’est pas propice à la création et encore moins à la réception des œuvres originales. Pourtant, l’Histoire est parsemée de ces périodes de crises et de conflit pendant lesquelles des innovations se dessinent. La guerre de 100 ans a vu émerger l’ars nova en musique et pendant la grande crise des deux guerres européennes, que de découvertes scientifiques, avec la mécanique quantique, et de recherches philosophiques audacieuses, de Guénon à Heidegger. Alors fermons les yeux sur la société hyper industrielle et n’attendons rien des politiques dont l’action est paralysée par l’inertie des masses et la volatilité des marchés. Je vais vivre normalement en attendant la mort et en espérant qu’elle n’arrive pas trop tôt pour voir émerger la prochaine révolution scientifique et gnostique.
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