Neuilly la folie
Sordide fait divers à la mairie de Neuilly lors de la soirée électorale du premier tour. Une participante a déclaré au micro de France Inter, en toute bonne foi, avoir été agressée : “Il y a une bonne femme qui m’a balancé un verre de champagne à la figure parce que j’étais avec Arnaud Teullé”. La bourgeoisie locale semble trouver dans les élections municipales un exutoire qui ne manque pas de faire sourire le reste de la France.
Heureusement que Nicolas Sarkozy s’y était pris à l’avance pour assurer sa succession à la mairie de Neuilly. Le président de la République, il faut lui rendre cet hommage, a réussi le pari a priori impossible de réveiller Neuilléenes et Neuilléens. Arrivé tout propret, présenté par son illustre mentor, David Martinon est reparti plus vite qu’un bouchon de champagne.
Ah, le champagne. A Neuilly, bling bling est une expression qui ne représente pas leur ancien édile, adolescent attardé et frimeur, devenu président. Non bling bling c’est ce son récurrent des coupes de champagne qui s’entrechoquent entre gens de bonne compagnie, aux bonnes manières. L’éducation, le savoir-vivre ou la politesse rudimentaire, c’est, dans cette enclave de France pas comme les autres, ce qu’on transgresse avec une joie non dissimulée lorsqu’on se rebelle.
S’asseoir sur les convenances, avoir à la bouche quelques grossièretés bien senties : quelle délivrance pour une caste habituée à vivre en vase clos, entre gens du même milieu. Les raisons de l’affrontement entre les deux clans, on ne la connaît plus vraiment. Certains avancent le clivage entre la droite catho et la droite jet set. Un peu court. En soixante ans, jamais une campagne municipale n’aura été aussi mouvementée. Depuis 1947, les Neuilléens ont toujours reconduit leur maire sortant et au premier tour ! Le seul accroc remonte à 1995 lorsqu’un candidat chiraquien avait tenté de renverser Nicolas Sarkozy maire en place. Celui-ci avait dû se contenter d’une réélection à 59,97 % des voix, au premier tour évidemment. 2008 a donné lieu à un débat municipal inédit qui a mis en scène plusieurs concurrents à droite sur fond de psychodrame très médiatisé.
La section UMP à Neuilly, c’est le chiffre hallucinant de 3 800 cartes. Autant dire que le responsable local a du poids et des ambitions. Le patron justement, c’est Arnaud Teullé. Il arrive à se débarrasser du parachuté Martinon, mais voilà qu’un impudent Jean-Christophe Fromantin, candidat divers droite de 45 ans entend saisir sa chance. Les sondages le donnent favori. Le secrétaire général de l’UMP Patrick Devedjian en tire les conclusions et lui apporte le soutien du parti présidentiel. Peu importe, Arnaud Teullé, ex-numéro deux de la liste Martinon, se lance quand même en outsider, mais avec le soutien d’Andrée Sarkozy, la mère du président.
Dans cette confusion, Jean Sarkozy glisse habilement sur la cantonale de Neuilly-Sud où il est élu au premier tour. Aux municipales, Jean-Christophe Fromantin, le candidat divers droite soutenu par l’UMP confirme son leadership avec 47,89 % des suffrages loin devant le dissident Arnaud Teullé qui obtient 32,12 % des voix. Et ce n’est pas la gauche qui jouera les arbitres au second tour. La liste PS atteint péniblement les 7 %.