Neuilly ou la telenovela en Sarkozie

Alors que la France est en pleine morosité et que Les Feux de l’amour perdent un peu d’audience il y a un feuilleton qui va redonner du sourire à une bonne partie de la population française : c’est la campagne électorale de M. Hulot. Ah si Sarkozy n’existait pas il faudrait l’inventer ! A moins que ce ne soit Devedjian qu’il aurait fallu inventer. Enfin n’exagérons pas, une franche rigolade à Neuilly ne compense en rien une belle tristesse pour la France et une saine colère contre la présidence sarkozyaque. Vous me pardonnerez j’espère de repiquer au jaja, mais cette histoire nous ferait mourir de rire s’il était vrai que l’on pouvait en mourir.
Voilà pour les municipales une telenovela avec tous les ingrédients d’une tragédie grecque et des rebondissements à tiroirs du meilleur effet. Ce qui me réjouit c’est que cette affaire qui mérite un prix de tactique électorale (cette grande qualité reconnue à Sarkozy que les politologues ont érigé en stratège, je leur propose un nom Pyrrhus).
Pour la tragédie grecque nous avons des traîtres à foison - à propos de traîtrise voici quelques lignes délicieuses du Nouvel Obs : Comme dit Charles Pasqua à propos de Nicolas Sarkozy, "il a, dans le domaine de la trahison, une certaine constance" : les trois atrides Jean Sarkozy qui suit pas à pas les pas de son père à Neuilly, poignard en main, Teullé adjoint et responsable local de l’UMP, Marie-Cécile Ménard conseillère générale, elle aussi. Il est bon de le rappeler que Jean Sarkozy ne devait pas faire de politique (trop occupé à faire du théâtre, des études et du scooter) et qu’il soutenait à mort Martinon comme le révèle ces deux vidéos sympathiquement mises sur leur site par rue89.
Le tout début de l’histoire commence avec un sondage peu favorable à Martinon la semaine dernière. Le dimanche il y a flottement. Le dimanche soir le guide passe une avoinée à Martinon et le prive de Kourou. Voici ce qu’en écrit Libération : En fin d’après-midi dimanche, il a en effet eu rendez-vous avec un Nicolas Sarkozy peu pressé de le rencontrer. Les deux hommes finissent par se voir et la colère du président éclate : « Je t’ai donné mon fils, je t’ai donné ma ville et tu m’as mis dans la merde ! Tu devrais t’excuser ! » Il lui signifie aussi qu’il ne sera pas dans l’avion qui doit l’emmener en déplacement officiel en Guyane.
Martinon finit, le cœur serré, par démissionner et Fromantin décide, devenu vedette nationale, de rester en place. Il l’annonce à France Info à 12 h 15 le lundi. 10 mn d’interview, imaginez du peu ! L’UMP, Devedjian en tête se réunit lundi à 18 h 30 pour décider quoi faire. Ce parti à but uniquement électoral doit trouver une solution. L’UMP battue à Neuilly ? Impensable ! Le fief de son ancien président, que croyez-vous ? Impossible. Or le hic s’appelle Fromantin. Cet animal-là peut bien gagner contre toute autre tête de liste, que cette tête fût blonde et chevelue, ou bien un UMP bon teint et bien neuilléen. En soirée, il est décidé que ce serait l’adjoint Teullé, celui qui devait être, en fait avant le parachutage, le porte-drapeau UMP. Coup de théâtre, puisqu’il ne faut perdre à aucun prix, courage fuyons, puisque le Fromantin a la tête dure, on passe sous ses fourches caudines et on lui adjoint, parité oblige, Marie-Cécile Ménard. Tiens dans les dents de Teullé. Mais celui-ci s’est écrasé une fois, pas deux. On en a quand même ! Il se flatte d’être le seul à avoir donné de son temps et de sa compétence tant à Neuilly la belle en tant qu’adjoint qu’à l’UMP la fourbe en multipliant comme Jésus l’a fait avec les poissons et les petits pains, les adhérents dans une contrée revêche à la droite. Un exploit quand le guide était l’étoile montante. Il a le droit d’en être fier. Ainsi, ce candidat a-t-il trahi le porte-parole devenu le premier sur la lite d’éjections post-municipales (bien que cela me démangeât, je n’ai pas écrit déjections), pour des prunes (ou des nèfles selon la "régionalité" de l’expression) et pour un adversaire qui recueille l’appui de son propre parti. Là on peut rire sous cape, en coin, aux éclats ou jaune. Vous êtes libres de vos zygomatiques.
Et voilà même que le Nouveau Centre donne des leçons de moralité. On rêve. Le Nouvel Obs nous apprend ceci : "Ceci est à l’opposé des valeurs d’humanisme et de loyauté auxquelles nous sommes attachés et remet en cause notre soutien à la liste UMP", a ajouté la responsable. Elue dans le conseil municipal sortant à Neuilly-sur-Seine, Claire de Lesquen est également la suppléante pour l’élection cantonale de Neuilly d’Arnaud Teullé, l’un des membres du trio qui a débarqué David Martinon. Interrogée par l’AFP, la présidente NC à Neuilly a précisé que "si nous décidons de ne pas soutenir l’UMP, il est évident que je n’irais pas à la cantonale. En tout cas, je ne peux pas cautionner ce qui s’est passé hier. C’est digne des Tontons flingueurs". Audiard à Neuilly et la loyauté au Nouveau Centre. Tout y est vous-dis-je ! Tout. On voudrait faire une pièce de boulevard, qu’on ne ferait pas mieux.
Les scénaristes d’Hollywood sont en grève, mais nous, nous n’avons pas à nous plaindre. Voici le plus beau scénario de toute l’histoire politique des mille dernières années : un roi nomme le chouchou de sa future ex-femme tête de liste et en bon parrain lui adjoint son fils, celui-ci trahit le gominé et fait en sorte que la brillantine ne brille plus sur les affiches. Le chef du parti dominant, quoiqu’en perte de vitesse, négocie son soutien à son adversaire et éjecte son représentant local qui se rebiffe et se présente. Il va jusqu’à pousser vers la sortie Jean Sarkozy comme nous l’apprend Le Figaro : ... on ne connaît pas encore précisément ses intentions. Selon des sources politiques locales, citées par l’Agence France-Presse, il ne devrait pas figurer sur la liste Fromantin. C’est du reste ce qu’avait évoqué Patrick Devedjian mardi matin. Sur Europe 1, ce dernier a expliqué que le fils de Nicolas Sarkozy ne serait pas tête de liste. « Jean Sarkozy a beaucoup de talent, c’est un garçon intelligent, sensible, qui adore la politique » mais « son temps n’est pas venu », a justifié le secrétaire général de l’UMP, soulignant qu’« il n’y a pas de monarchie à Neuilly », fief de Nicolas Sarkozy. On peut lire dans cet article une belle langue de bois ou un mensonge assez gros (vous savez que cela passe mieux quand c’est gros) pour figurer dans un livre d’heurs. Devedjian nous dit selon Le Figaro : « David Martinon avait l’intention de se retirer », (...). « Ce ne sont pas les mauvais sondages » qui l’ont fait partir, a également tenu à souligner Devedjian. David Martinon lui aurait ainsi personnellement confié son intention d’abandonner la tête de liste. Mais comment donc ! Décidément, ils nous prennent pour des Béarnais, ces élites de la vérité.
Comme dans toute bonne "novela" il faut un dernier coup de théâtre qui est comme dans Guignol un bon coup de bâton sur le nez de Gnafron, en l’occurrence l’UMP par son chef aux ordres Devedjian. Voilà t-y pas que le rude Fromantin refuse à l’UMP la seconde place de sa liste qui est déjà occupée par une femme médecin de Neuilly : Je n’ai négocié aucun nom avec l’UMP. J’ai déjà en numéro deux un médecin de Neuilly, Valérie Gallais, qui est adhérente à l’UMP. Ma liste compte déjà un tiers d’UMP qui sont tous représentatifs. Je ne suis pas contre le fait d’intégrer quelques personnalités de l’UMP, mais je ne veux pas tout ramener à des problèmes de personnes. Là, c’est le feu d’artifice final ! Un zigoto cravaté et quadragénaire qui fait plier sans aucun ordre : le guide bien-aimé en villégiature chez les orpailleurs, l’avocat en chef des Hauts-de-Seine et cheftain de l’UMP et l’UMP dans son entier. Chapeau bas l’artiste. Clap clap entend-on dans le public en Chanel et YSL. Ce qui est particulièrement jouissif, c’est que tout vient de l’organe officiel de la propagande officielle, j’ai nommé Le Figaro, du début (indiscrétion sur le sondage) jusqu’à cette fin (on ne sait jamais, il peut y avoir encore des rebondissements) l’interview de Fromantin qui donne un dernier coup de l’âne à l’UMP qui vient d’avaler sa plus grosse couleuvre.
Si on se résume, voici le résultat des courses :
Martinon, l’ex-chouchou, et le fils de imposés par Sarkozy : out of order, autrement écrit triple. Mais il y a un doute. Que va faire Jean Sarkozy ? Trahir ceux pour qui il a trahi ? Et s’il rejoignait Teullé, ce serait la cerise sur le gâteau et s’il perdait, cela alimentera pendant cinquante ans les coins du feu des cheminées neuilléennes à l’heure du thé avec friandises d’Hédiard. Il pourrait être candidat aux cantonales. Enfin, c’est le brouillard, pour ne pas employer un mot qui commence par la même lettre et que les Italiens appellent casino en disant Che casino !!!
L’Universelle Mauvaise Perdante n’a plus de liste officielle, Fromantin ne s’encartera pas à l’UMP, aucun de la triplette ne sera sur la liste sinon en bien plus mauvaise place que prévu, et Teullé n’est pas soutenu par l’UMP qui soutient son adversaire. Clair, non ?
C’est la Bérézina politique du grand stratège politique Sarkozy et de la petite main Devedjian. Remarquez que Fromantin a peut-être eu tort d’accepter le soutien de l’UMP. En tout cas si le ridicule ne tue pas, au moins il nous fait rire et je propose le prix Société générale au couple Sarkozy-Devedjian pour ce fiasco historique.
Ah j’allais oublier. Il faudrait un titre à cette novela. Un peu fainéant je vous propose : Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.
En vignette : le tract, tous traîtres y compris, de Martinon. Savoureux. A garder en archive
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