New Deal
Robert Reich est déçu. Cela fait quatre ans que l’ancien Secrétaire au Travail du président Bill Clinton, un vieux de la vieille du Parti démocrate, déverse ses vitupérations sur le président antisocial et belliqueux, Donald Trump, dans la cyber-sphère, et maintenant cela. Son poulain, Joseph Biden, propose au Congrès un budget miliaire plus ambitieux encore que son prédécesseur. (The Nation)
Pourtant, selon le Pentagone, le renforcement du budget de la défense le plus important de la planète, 715 milliards USD pour l’année 2022, ou 3,5% du PIB, davantage que l’ensemble des dix pays suivants, 11 milliards USD de plus que sous Donald Trump, permettra « une augmentation significative des ressources, dédiées au renforcement des démocraties dans le monde, l’avancement des droits humains, le combat contre la corruption et l’autoritarisme ». Cible principale de ces efforts de démocratisation est, sans grande surprise, la Chine.
Ainsi le rapport du Pentagone désigne la Chine comme « top challenge » et souligne la nécessité absolue de donner satisfaction aux exigences du Commandement Pacifique, l’US Indo-Pacific Command, de « poursuivre la « Pacific Deterrence Initiative », en doublant son budget. Sans une stratégie efficace de dissuasion, la Chine deviendrait un facteur dominant dans la région et dans le monde, une menace pour les intérêts vitaux des Etats-Unis. »
Entre autres, ce budget vise, « une expansion massive du réseau de missiles conventionnelles de précision, « Precision Strike Missiles » dont l’achat profitera la maison « Lockheed Martin », stationnées le long de ce qu’on appelle « First Island Chain » » (Asia Nikkei), il y en a cinq en tout, une sorte de « Ligne Maginot » asiatique, un serpent d’îles, encerclant la Chine entre la péninsule russe de Kamtchatka au nord, les îles des Kouriles, le Japon, avec sa base militaire d’Okinawa où sont stationnés 55'000 GI’s, l’archipel japonais des Ryukyu, Taiwan, le nord des Philippines, l’île de Bornéo et la péninsule Malaise au sud, des îles se situant précisément dans des eaux, réclamées par la Chine.
La stratégie d’encerclement de la Chine et la Russie par la mer, « Island chain strategy », mentionnée pour la première fois en 1951 par le commentateur politique et futur Secrétaire d’Etat, John Foster Dulles, en 1951 lors de la guerre de Corée (Wikipedia), est toujours la pièce maîtresse du dispositif de défense des forces américaines en Asie de l’Est.
Il faut dire que tout cela n’intéresse pas trop les médias qui préfèrent célébrer le nouveau « Che Guevara » à la Maison Blanche, qui propose au Congrès, outre un budget militaire ambitieux, un « New Deal » rooseveltien, un programme de lifting des infrastructures américaines dont le très libéral magazine « Barron’s » dresse un état des lieux peu flatteur dans un article du 15 mars dernier, sous le titre évocateur « What America can learn from China about Infrastructure », âmes sensibles s’abstenir.
« Entre 1992 et 2011 la Chine a investi, en moyenne, chaque année, 8,5% de son PIB dans son infrastructure, dans les domaines transport, social et digital ». (En 2018 ce taux, toujours très élevé, était de 5,7%, pendant que le « plan Biden » propose un investissement de rattrapage, ou devrait-on dire de rafistolage, de 8 % du PIB, 1% par année pendant huit ans, « American Jobs Plan » (Magazine Intelligencer) ndlr.)
« Dans son rapport annuel, la société américaine des travaux publics donne aux infrastructures américaines la note de C, et, dans 11 des 17 catégories notées, un D ». (Barron’s) Pour comparaison, la meilleure note que l’agence de notation financière « Standard & Poor’s » attribuerait à une entreprise serait un AAA.
« Les connexions internet sont inexistantes dans certaines régions rurales et incomplètes dans certaines régions urbaines. Dans de nombreuses agglomérations, l’eau potable, dont l’accès n’est toujours pas assuré à plus de 30 millions d’américains, près de 10 % de la population, contient un niveau préoccupant de plomb (crise de l’eau potable, Flint, Michigan ndlr). Le niveau des investissements dans les infrastructures, relatif au PIB, s’est littéralement effondré, pour atteindre celui de 1980, (Barron’s), le coup d’envoi de la révolution néolibérale, coïncidant avec le début de la mandature du président Ronald Reagan (ndlr)).
« Ce sous-investissements chroniques, un frein à la croissance économique, coûte à chaque famille américaine, en moyenne, 3'300 USD par année. » (Barron’s)
« En Chine, la grande majorité des marchandises, destinées à la consommation intérieure, sont transportées par voie ferrée, aux Etats-Unis 60% de la marchandise passe toujours par le réseau routier. En ce qui concerne la planification et l’exécution des travaux publics, la Chine a des leçons à donner au reste du monde. » (Barron’s)
« La théorie du « ruissellement » ne marche pas », a déclamé solennellement le nouveau président en s’adressant aux membres du Congrès américain, avec un peu de retard sur le président du « World Economic Forum », Klaus Schwab, invalidant quarante ans de politiques économiques.
Il s’agit, bien entendu, d’une boutade, car, la proposition du magazine « Barron’s », d’une « planification et exécution centralisée des travaux publics » serait contraire aux intérêts du grand capital, donc il y aura bien « ruissellement ».
L’objectif du plan de relance « historique », proposé par Joe Biden, « American Rescue Plan », 1,9 billions USD, est de « donner aux américains la chance de s’en sortir ». A part un programme ambitieux de vaccination il y aura des chèques de 1'400 USD pour chaque américain, enfin presque.
Il y aura un coup de pouce hebdomadaire supplémentaire du gouvernement fédéral de 300 USD jusqu’au 6 septembre pour les chômeurs. Vu que 30 à 40 millions d’américains feront probablement face à des expulsions, ils auront la possibilité de demander des aides, sous certaines conditions, mais il y aura également une distribution de bons d’achat. Toujours est-il, il y aura un moratoire de saisies immobilières jusqu’au mois de juin, de cette année. (Forbes)
Dans le registre néolibéral de l’économie de l’offre il y aura de nombreux crédits d’impôt divers et variés, ce qui est rassurant pour ceux qui gagnent peu ou perdent leur revenu. En ce qui concerne l’assurance maladie, privée, dont ne bénéficient que ceux qui ont un travail, il y aura certaines subsides, limités dans le temps. (Forbes)
Le salaire minimum, au niveau fédéral, se situe, depuis 2009, à 7,25 USD l’heure. Indexé aux gains de productivité de l’économie américaine, celui-ci devrait actuellement dépasser 20 USD, pendant que 32,8 millions d’américains, 10 % de la population, n’ont pas de couverture médicale faute de moyens. (CDC)
Le candidat démocrate Joe Biden avait fait deux promesses électorales phares, l’augmentation du salaire minimum au niveau fédéral à 15 USD et l’introduction d’un système d’assurance géré par les pouvoirs publics, accessibles à tous les américains. Ces deux mesures sociales ne se trouvent pas dans le plan de relance néolibéral du nouveau « Che Guevara ».
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