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New EXODUS

Ayavédrime ! Ce matin, je me suis réveillé avec dans les replis de ma mémoire nocturne les bribes d'un drôle de rêve. Je voyais un bateau. Un bateau de croisière. Plein de réfugiés...

Au fait qu’est-ce qui sépare le rêve de la réalité ? Ben, la réalité justement qui donne du corps à l'imaginaire.

Faisons donc travailler notre imagination.

Depuis quelques jours, la jungle de Calais semblait faire une cure d'amaigrissement. Les aspirants au passage en Angleterre étaient moins pugnaces. Les camions moins pris d'assaut. Le tunnel semblait retrouver sa routine ferroviaire...

Les flics qui surveillent la jungle notaient sans déplaisir les départs de familles et de petits groupes. Où allaient-ils ?

  • Chef, il y en a pas mal qui foutent le camp. On enquête pour savoir où ils vont ?
  • Pas notre problème. On constate, c'est tout. Ça nous soulagera d'autant.

* * * *

A Bordeaux, le Casta Fiora, superbe navire de croisière de 6.000 passagers, venait de débarquer sa cargaison de touristes. Fin du voyage. Ils devaient visiter les vignobles de la région avant de regagner leurs demeures respectives. Pleins de souvenirs. Le grand bateau devaient rester trois jours près des quais de la ville. Pour avitailler, refaire les pleins. Faire du nettoyage et quelques petites réparations. Trois jours et donc trois nuits.

Pendant ce temps, renseignés par le fameux « téléphone arabe », des dizaines de groupes, des centaines, des milliers de migrants, quittant Calais et ses barrières désespérantes se dirigeaient vers le Sud. Le Sud-ouest. En train. Mais aussi, pour beaucoup, en voitures. Conduites par tout un tissu de volontaires à ce covoiturage particulier. La force des réseaux sociaux. L'altruisme désintéressé. Ou non...

Le Casta Fiora passait sa dernière nuit à Bordeaux avant son appareillage vers une nouvelle destination. Mais voilà que sur le coup de 3 heures du matin, surgissant simultanément de centaines de voitures, des milliers de migrants – transfuges de Calais – se lancent à l'assaut du grand navire. Aucune résistance de la part de l'équipage dont ce n'est pas le métier ni la fonction. Peu de réaction de la part de la police municipale de la ville, dépassée par les événements. Le capitaine Yannis Skatathéo (un Grec, ça fait toujours sérieux dans une fiction maritime  !), contacté par les autorités de la ville, répondit que son bateau avait été régulièrement affrété par une puissante ONG et qu'il n'y avait donc pas de problème. À six heures du matin, le grand bateau blanc quittait les quais...

À dix heures du matin, cap au Nord-nord-ouest, le Casta Fiora commençait à affronter la grande houle du golfe de Gascogne, creusée par une dépression qui se creusait rapidement. Le capitaine Yannis Skatatheo voyait avec inquiétude le temps se dégrader. De courtes risées couraient depuis les lointains, faisant frémir la peau luisante de la mer sous les premiers souffles du vent. Voilà qui ne présageait rien de bon et les heures qui venaient s’annonçaient difficiles.

Aux premières rafales rageuses succéda un souffle montant régulièrement en puissance par le travers bâbord du navire. Les vagues, encore petites, se coursaient, se rattrapaient, se groupaient pour agglomérer leurs forces. Elles se marbraient d’une bave livide. Le grand souffle prenait de plus en plus d’élan, creusant les lames en un galop croissant.

Depuis l’horizon, les amas de nuages sombres, soufrés à leur base, s’échappaient par le haut en une cavalcade inépuisable de nuées grises qui se poursuivaient, s’étiraient, s’allongeaient en lambeaux de rideaux noirs et envahissaient l’air jaunâtre. Le soleil jetait à travers ces nuées des volées de flèches dorées.

Les embruns qui éclataient sur la proue trempaient ceux qui s’étaient imprudemment installés à l’avant des ponts supérieurs. Certains tentaient de descendre dans les entreponts qui étaient abrités mais déjà envahis d’une foule de malades vomissant qui les repoussaient.

Dehors, les nuages, arrivant en multitudes serrées depuis le Sud-ouest, dépliaient leurs grandes ailes noires sur le ciel blafard. L’eau verdâtre était zébrée de mousses blanchâtres. Les lames, à la crête frisée de volutes blanches, s’agrippaient pour se renforcer, creusant entre elles des gouffres toujours plus profonds. Elles frappaient le navire sur le flanc gauche, lui infligeant un mouvement de roulis de plus en plus prononcé. Le capitaine fit mettre le cap face aux vagues.

Le bateau, soulevé par la proue, se cabrait face à la montagne liquide qui se ruait sur lui. L’écume sommitale éclatait en énormes paquets de mer qui frappaient comme des boutoirs les superstructures. Puis le bateau basculait lourdement vers l’avant et glissait dans l’obscurité d’un grand creux qui continuait de courir. Au fond de cette cuve liquide, comme abrité par les falaises d’eau qui l’entouraient, le navire bénéficiait d’un calme relatif, comme si le monstre marin soufflait avant de reprendre son attaque. Puis arrivait un autre mur liquide, une autre énorme main d’eau glauque qui cabrait de nouveau le bateau, une lame encore plus énorme, encore plus menaçante, encore plus avide de le happer dans sa gueule écumante de fumée d’eau.

Puis, après des heures et des heures de furie, la colère des éléments se calma. Une lumière de création du monde régnait alors sur un ciel d’une pureté de cristal. Pas une nuée, pas une vague. Seule une longue houle amicale balançait le bateau rescapé qui remis cap au Nord.

Le lendemain matin, le Casta Fiora et sa cargaison de passagers malades, blessés par les éléments déchainés, pénétrait dans la Manche. Direction : Londres !

Mais les navires de guerre de Sa Majesté lui coupèrent la route, lui enjoignant de rebrousser chemin. Aucune discussion avec les migrants du navire. Des coups de semonce furent tirés à une demi encablure de la proue et de la poupe. Skatathéo obtempéra.

Le jour suivant, le bateau des migrants pénétrait dans le canal St-Georges, entre Galles et Irlande. Au soir, il pénétrait dans la rade de Belfast et bientôt il accostait. Les autorités furent rapidement dépassées par la foule de migrants, hâves, désireux de sortir au plus vite de ce navire où ils avaient éprouvés les affres et les dangers d'une terrible tempête.

Mais ils étaient enfin sur la terre de leurs rêve. Puisque l'Irlande du Nord est partie intégrante de la Grande-Bretagne...

* * * *

Bon. Allez, réveille-toi, Victor. Cesse de rêver.

Un rêve inaccessible ? Pourtant, Exodus, ça ne vous dit rien ?

 

 Photo X - Droits réservés.


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3 réactions à cet article    


  • chantecler chantecler 28 novembre 2015 12:17

     smiley
    Bonjour le cadeau pour l’ Irlande !


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 28 novembre 2015 19:04

      C’est joliment écrit...et vous n’avez pas eu le mauvais goût de nous finir ça en catastrophe. Bravo, pour ça, les journaux suffisent


      Merci

      PJCA

      • HELIOS HELIOS 28 novembre 2015 21:23

        y’a juste un détail.... ceux qui sont monté a Sète sur l’Exodus etaient des gens qui n’avaient plus rien en Europe et qui comptaient rentrer sur la terre historique de leurs ancetres en Palestine ! Ils voulaient CONSTRUIRE un etat a eux.


        Les « migrants » d’aujourd’hui ont abandonné leur pays, en guerre certes, mais c’est leur pays. Les migrants d’aujourd’hui ne cherchent pas la terre historique de leurs ancêtres, mais de nouveaux territoires a conquérir pour eux mêmes.... de plus ils ne veulent rien construire, juste detruire ce qui existe déjà pour reproduire exactement ce et ceux qui les ont amenés là où ils sont.


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