Ni Dieu ni Maître… sauf Facebook
On tchatche, on réagit, on copier-coller, on se selfise avec comme dieu unique : le bon clic. Le maximum de J’aime donne droit au nirvana et à l’apothéose sinon c’est la descente aux enfers qui peut conduire à la dépression nerveuse et au suicide
Les deux sources étymologiques admises du mot « religion » est « religare » qui veut dire « lier » ou « relier » et « religere » signifiant « relire ». Vu que la fonction principale de toute religion est de créer des liens sociospirituels entre les individus pour former une « communauté de destin » il semble que c’est la première source qui l’emporte. En tout cas, les latinistes et les historiens des religions anciennes confirment cette hypothèse. Avant l’avènement de la chrétienté et de l’islam qui sont des religions de masse, la fonction ligatrice était assurée par diverses croyances mineures ou d’ordre privé. Les anciennes sodalités , dont l'origine remontait à l’ombre de l'histoire romaine, étaient des sortes de clubs ou des collèges privés, souvent secrets, voire ésotériques. Il y avait des sodalités sportives, politiques, intellectuelles, religieuses, etc. Elles ont continué d’exister durant les périodes républicaine et impériale et commencé à perdre du terrain et de leur influence avec la naissance du christianisme sans jamais disparaître totalement. De nos jours, des associations ou corporations ésotériques ou politiques sont de lointaines « filiales » de ces sodalités. Pour être bref, ce besoin inné de liant spirituel qui fédère ou unit des individus au sein d’une communauté de destin a été assuré massivement, durant de siècles, par les grandes religions monothéistes, puis depuis le début du siècle précédent, par ces mêmes religions et par les grands courants philosophique, politique, économique et sociologique. Si « après la Seconde Guerre mondiale , l'Europe de l'Ouest s'est affranchie de toutes les idéologies, qu'elles soient religieuses, nationalistes ou politiques », il n’en fut pas de même du reste monde surtout arabe où l’islam et le panarabisme ont continué à s’imposer en tant que liant spirituel et politique des masses arabes.
Il fallut attendre la chute du mur de Berlin en 1989 et la dislocation de l’empire soviétique pour voir un début de recul de la religion dans les sociétés arabes (*). Les attentats du 11 septembre 2001 ayant montré le visage de l’islam sous son plus mauvais jour achevèrent ce mouvement de « marée basse islamique » qui atteint son plus haut niveau en 2010 avec l’éclatement des révoltes dites « Printemps arabes ». Résultat : le monde vit actuellement dans une grande vacuité spirituelle. Mais comme la nature a horreur du vide le virtuel a pris le pas sur le spirituel. Les réseaux sociaux et particulièrement Facebook sont la nouvelle religion qui lie des hommes et des femmes au sein d’une communauté de destin d’un genre nouveau ; dans ce sens qu’ils n’ont pas besoin de se connaître réellement pour communiquer et échanger. On passe des mois à discuter avec un membre de la communauté Twitter ou Facebook sans jamais se poser des questions ni sur son sexe réel, ni sur son nom véridique ni sur son âge authentique, etc. On tchatche, on réagit, on copier-coller, on se selfise avec comme dieu unique : le bon clic. Le maximum de J’aime donne droit au nirvana et à l’apothéose sinon c’est la descente aux enfers qui peut conduire à la dépression nerveuse et au suicide. Évidemment cette expansion du monde virtuel des réseaux sociaux s’accompagne de la mort clinique des anciens ligateurs que sont la politique ou les médias classiques.
(*) Il ne faut pas se fier au nombre croissant des pratiquants notamment chez les jeunes : il est surtout dû au phénomène de mode qui veut que tout ce qui aide un individu à s’affirmer est bon à prendre sans oublier le côté superstition : on s’acquitte d’une tâche non pas pour accomplir une obligation dont on est convaincu, mais pour éviter d’être maudit ou mal vu par l'entourage.
http://chankou.over-blog.com/2018/04/ni-dieu-ni-maitre-sauf-facebook.html
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