Nietzsche, antidote au conservatisme de droite
Sur le long terme, la droite est condamnée à perdre le combat idéologique : hardie lorsqu'il s'agit de combattre les utopies adverses, elle se révèle impuissante à forger un nouvel horizon. Aussi délaisse-t-elle à la gauche le privilège suprême d'orienter l'avenir – et de forger l'Homme nouveau. Car la droite crève de son logiciel conservateur ; seul un progressisme de droite est en mesure de transformer les vulgaires ralentisseurs de la révolution gauchiste perpétuelle en véritables acteurs de l'histoire.
Pour ce faire, la droite serait inspirée de puiser une partie de son renouveau dans la philosophie nietzschéenne et sa notion de surhomme. En se gardant toutefois d'adopter la lecture aseptisée d'un texte rendu fréquentable par nos nietzschéens de salon, soucieux d'en raboter les aspérités afin d'introduire un Nietzsche politiquement correct, équipé de pneus-neiges.
Il faut prendre ses écrits au sérieux, adopter une lecture littérale et affronter les véritables implications de la quête du surhomme. Il est seul philosophe de droite à proposer un horizon nouveau ; à ce titre, il est le père spirituel de la droite révolutionnaire et du fascisme. Cessons également de noyer le poisson en faisant de Nietzsche un penseur « inclassable » ; son mépris pour l'égalité et son élitisme extrémiste parlent d'eux-mêmes.
A mille lieues de l'autocélébration des humanistes, l'homme est pour Nietzsche à la fois une déception et un être de passage, une étape vers une espèce plus accomplie : « L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme. » S'il aime l'homme, c'est en tant que promesse, en tant que potentialité d’être : « Ce que je puis aimer en l'homme c'est qu'il est une transition et un destin. »
Plus encore, l’être de l’homme est précisément sa capacité à engendrer du supérieur : « Créer un être supérieur à ce que nous sommes, voilà notre être. Créer par-delà nous-mêmes ! C'est l'instinct de procréation, c'est l'instinct d'agir et d'œuvrer. De même que toute volonté suppose un but, de même l'homme présuppose un être qui n'[est] pas là mais qui donne un but à son existence. » Car, pour Jaspers, « Nietzsche ne s'attache pas à ce qui est visible en l'homme, ni à ce qui est caché, mais à ce qui est avenir, à ce qui, par l'homme, est au-delà de l'homme. »
Ainsi, le surhumain est encore au-delà des « hommes supérieurs » contemporains. Il est davantage qu'un être intellectuellement et physiquement supérieur ; il est une différence de nature, plus que de degré. Deleuze relève que Zarathoustra répète à ses visiteurs qu'ils sont manqués : non que leur but ne soit pas atteint, mais leur but est en lui-même un but manqué. Car l'homme dit « supérieur » n'est jamais que l'accomplissement des valeurs chrétiennes – maladives, gauchistes – dont il est urgent que la droite se défasse.
Faire politiquement émerger le surhomme – via la transvaluation des valeurs – semble difficile en pratique. Mais Nietzsche doit au moins nous encourager à surmonter l'homme, proposer d'autres projets que celui de la simple conservation, et sortir de la négativité – la critique stérile du « progressisme ». La droite doit devenir affirmatrice.
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